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Fahmi Saïd Ibrahim, après les incidents au parlement : «Je ne m’attendais pas à me trouver en face d’une alliance d’une partie de la Crc et de l’Updc»

Fahmi Saïd Ibrahim, après les incidents au parlement : «Je ne m’attendais pas à me trouver en face d’une alliance d’une partie de la Crc et de l’Updc»

Politique | -

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«Moi, qui suis ministre et issu du Juwa, je rappelle que nous avons soutenu Azali contre Mamadou, donc contre Abdou Ousseine. On ne peut pas être de la majorité présidentielle et manoeuvrer avec l’opposition à l’assemblée. Ce n’est pas beau ! Maoulana Charif doit être convoqué par le parti pour clarifier la situation. S’il n’y a plus de majorité, qu’on se le dise et qu’on recompose autrement».

 


Al-watwan : Vendredi, lors de l’ouverture de la première session parlementaire de 2017, on a assisté à des échauffourées entre députés. Le fait que deux listes de députés, issues du Conseil de l’île de Ndzuani, ont atterri à l’assemblée nationale en est la cause. Chaque camp estime que l’autre n’a pas la légitimité de coopter les trois conseillers devant siéger à Hamramba. Quelle est votre réaction par rapport à cet imbroglio ?


 

Fahmi Saïd Ibrahim : J’ai eu connaissance de ces deux listes uniquement hier (vendredi, Ndlr). Je dois rappeler qu’un conseiller de Juwa a vu son mandat invalidé par la cour constitutionnelle. La même cour qui a validé le président de l’assemblée de l’île à Ndzuani. Autre chose : la session extraordinaire est une prérogative reconnue exclusivement au gouverneur Salami. Il l’a convoquée pour élire trois conseillers. Les choses sont faites conformément à la loi fondamentale de Ndzuani.


La question que je me pose c’est qui a convoqué la session extraordinaire qui s’est tenue à Comores Télécom, en catimini et présidée par le doyen d’âge ? D’autant plus qu’ils étaient minoritaires. Je laisse aux institutions judiciaires le soin d’y apporter des réponses.


Par contre, je suis étonné par l’attitude du président de l’assemblée, Abdou Ousseine, qui a refusé, malgré les recommandations du gouvernement, de remettre à plus tard la lecture de la liste de présence. Il a voulu, par la force, imposer les trois noms de l’Updc comme étant ceux admis à l’assemblée. Son attitude n’a pas été responsable, mais cela ne m’étonne pas puisque lui-même ayant été élu dans les mêmes conditions, il doit penser que la République, c’est comme cela.

 


Al-watwan : Comment analysez-vous cette situation…



FSI : … Il se pose une question politique majeure. Maoulana Charif, qui est vice-président de l’assemblée et membre de la Crc, est en train de manoeuvrer avec l’opposition contre Juwa. Il est temps qu’on clarifie cette  situation. Moi, qui suis ministre et issu du Juwa, je rappelle que nous avons soutenu Azali contre Mamadou, donc contre Abdou Ousseine. Je ne m’attendais, donc, pas à me retrouver en face d’une alliance d’une partie de la Crc et de l’Updc. On ne peut pas être de la majorité présidentielle et manoeuvrer avec l’opposition à l’assemblée. Ce n’est pas bien! Maoulana Charif doit être convoqué par le parti pour clarifier la situation. S’il n’y a plus de majorité, qu’on se le dise et qu’on recompose autrement. Nous sommes dans la majorité et nous gouvernons ensemble. Par conséquent, si Maoulana agit seul, on doit nous le dire.

 


Al-watwan : Un député de votre parti, à savoir Abdallah Ben Omar, s’est auto-proclamé président par intérim de l’assemblée nationale vendredi dernier…



FSI : Je n’ai pas eu connaissance de cette information. Si tel était le cas je dois dire, cependant, que je pense que ce n’est pas la bonne attitude.


Al-watwan : Nonobstant les événements du vendredi, comment se porte aujourd’hui l’alliance CRC/Juwa ? Que répondez-vous à ceux qui parlent déjà de divorce ?



FSI : L’alliance se porte bien et le seul problème à déplorer est l’attitude du vice-président de l’assemblée nationale. Il prépare l’échéance présidentielle de 2021 parce qu’il semble qu’il veut se présenter en tant que vice-président d’Abdou Ousseine, justement. Il prend le risque de mettre à mal l’alliance en flirtant avec deux majorités, à savoir la majorité présidentielle et celle de l’assemblée nationale qui est de l’opposition.
Maoulana Charif, celui-là même qui n’a pas respecté la Crc lors de l’élection des gouverneurs puisque sans lui, Karihila aurait été l’actuel gouverneur de Ngazidja. Il me semble qu’il joue un jeu extrêmement dangereux en composant avec ceux qui se sont farouchement opposés au président Azali. Le peuple a choisi et il prend le risque de tout bouleverser.

 


Al-watwan : Le chef de l’État revendique cette ambition d’émergence. Comment le département de la Justice compte-t-elle accompagner et aider le président Azali dans cette voie ?


 

FSI : Il appartient à chaque ministre de jouer son rôle. En ce qui concerne mon ministère, accompagner l’émergence, c’est faire en sorte que la propriété privée soit respectée, que les libertés fondamentales soient scrupuleusement respectées, qu’il n’y ait aucune aliénation ni expropriation abusive. C’est également faire le maximum pour que la justice rende le droit et accompagne les opérateurs qui osent investir dans le pays. Il faut savoir que le budget alloué à la justice est en dessous des 3% du budget national. Il n’y aura pas d’émergence sans la justice avec des magistrats respectés.

 


Al-watwan : Le fonctionnement de la justice fait l’objet de violentes critiques pour sa lenteur, ses mises en liberté inexpliquées, mais aussi pour certaines décisions qui ne seraient pas de nature à rassurer les investisseurs étrangers. Comprenez-vous ces critiques et comment comptez-vous y remédier ?



FSI : Je regrette, et là je parle en tant que Garde des seaux, qu’à chaque difficulté procédurale, on indexe les magistrats. Je ne peux pas accepter que l’on jette en pâture certains magistrats lors des difficultés d’exécution. Ils font un travail difficile et qui, trop souvent, n’est pas reconnu. Je regrette les propos de cet avocat (Me Bahassane Ahmed, Ndlr) parce qu’il y a le lieu où on peut contester les décisions judiciaires s’il y a lieu de le faire.


Dans le cadre du supposé caractère anti développement des magistrats, je pense qu’il s’est légèrement trompé puisqu’il n’y a pas eu un document original avec la mention exécutoire apposée. Sans cette formalité obligatoire, on ne peut pas accuser les magistrats de non-exécution d’une décision supranationale. Il faut un peu de retenue parce qu’en discréditant certains magistrats, on ne rend pas service au pays.


Des efforts considérables sont consentis au niveau de la justice depuis l’avènement du président Azali Assoumani. Je tiens à préciser que les décisions de l’Ohada et de cette juridiction d’arbitrage d’Abidjan devront être exécutées en Union des Comores.
 


Al-watwan : Vous avez fait de la lutte contre la corruption un de vos combats majeurs. La dissolution de la Commission anticorruption n’est-elle pas un mauvais signal ?



FSI : Le président de la République a pris l’option d’annuler la commission existante, mais une autre institution sera mise en place pour jouer ce rôle. Le président n’était pas contre dans l’absolu, mais le fonctionnement de la commission devait être revue. Je pense qu’incessamment, il y aura un autre organe pour la lutte contre la corruption. Une nouvelle loi est en gestation pour la création d’un autre organe.


Al-watwan : Vous avez élaboré un projet de loi portant création de la Médiature de la République. La justice comorienne a-t-elle un problème de nombre d’institutions, de moyens ou de ressources humaines ?



FSI : La médiature était justement de faire en sorte que la justice classique soit épargnée et désengorgée puisque beaucoup d’affaires sont portées devant elle. Trouver des compromis avant de porter devant la justice les litiges opposant les parties serait une bonne chose. L’adage dit «Il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès».

La médiature va permettre de rapprocher les positions des uns et des autres avant de se présenter devant les juridictions en cas d’absence de compromis. Toutefois, le conseil des ministres a retoqué cette proposition en nous demandant de réfléchir encore davantage.


Les lois qui seront discutées porteront sur la création des juridictions commerciales avec des juges professionnels et des juges consulaires, le juge d’exécution des jugements civils et commerciaux et la loi sur l’attribution de la nationalité comorienne.

Cette dernière va permettre de lutter contre le marché noir du «mariage blanc» dans le but de donner frauduleusement notre nationalité à des étrangers. J’ai modifié l’article 15 de cette loi de 1978 et, désormais, la communauté de vie entre les époux sera la condition essentielle pour obtenir la nationalité.

 

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