Nommé directeur général de la société comorienne des hydrocarbures (Sch) en septembre dernier, vous avez pris vos fonctions au début du mois d’octobre. Quels sont les premiers constats depuis votre entrée en fonctions?
J’ai pu constater l’immensité de la mission qui m’attend, celle de contribuer à rétablir la normalité fonctionnelle de la société et poser les bases de son vrai décollage.
Quelles sont, selon vous, les priorités?
Suite au diagnostic rapide que j’ai effectué quelques jours après mon entrée en fonction, trois urgences semblent se dégager à savoir : la mise à niveau de l’outil de production et de distribution, l’augmentation des capacités de stockage et la réforme du système de gestion administrative et financière au sens large. Ces urgences sont consignées dans la feuille de route que j’ai proposée à mes collaborateurs pour la période d’octobre à novembre 2021.
A vous écouter, doit-on comprendre que rien n’a jamais été entrepris pour redresser la Société?
Loin de là car mon prédécesseur a engagé des séries de réformes et des projets assez pertinents qu’il va falloir poursuivre et consolider, entre autres, la finalisation du projet de construction du dépôt de Hoani dans l’île de Mwali.
A quand la mise en place du Conseil d’administration de la Société? N’est-ce pas une priorité?
C’est une de mes priorités car le chef de l’Etat a déjà signé depuis le mois d’août 2021, le décret de cadrage des Conseils d’administration des sociétés et établissements publics. Un document tant attendu par ces mêmes administrations. Nous avons donc l’obligation de nous y conformer comme d’ailleurs toutes les autres sociétés d’Etat. Ainsi, nous envisageons de mettre en place notre Conseil d’administration au plus tard fin décembre 2021, inch’Allah.
Et à quand, selon vous, la fin des pénuries récurrentes ?
D’abord, sachez que depuis l’arrivée du président Azali au pouvoir, les approvisionnements en produits pétroliers sont assurés de façon régulière, à 100%, en dépit des contraintes de stockage auxquelles la société est confrontée. Et les rares perturbations subies sont dues à des situations impondérables qui peuvent toucher tous les pays du monde. La vie est ainsi faite de hauts et de bas et l’on doit s’en accommoder car même les pays les plus riches n’ont jamais eu de marge de manœuvre face à la volonté de Dieu et c’est ce à quoi nous assistons actuellement à travers le monde. Dans tous les cas et à l’instar de mon prédécesseur, je me déploierai afin que cette régularité soit maintenue.
Il y a près de six mois, la Sch a mis sur le marché du gaz domestique avec un prix revu à la baisse par rapport à la concurrence, alors qu’ailleurs les prix flambent. Comment expliquez-vous cette réduction du prix?
Permettez-moi de rappeler que parmi les toutes premières mesures prises par le chef de l’Etat depuis son arrivée au pouvoir, c’était de réduire les prix des produits pétroliers. Cela est en parfaite cohérence avec la politique sociale qu’il a promise pour réduire la pauvreté et améliorer les conditions de vie de la population. Et n’oubliez pas aussi que ces mêmes mesures ont été étendues dans la foulée, à d’autres produits tels que le riz mais aussi aux frais d’inscription à l’Université des Comores. La réduction du prix du gaz n’est donc que la suite logique de cet état d’esprit.
De l’extérieur, la Sch est perçue comme une société à effectif pléthorique avec des agents inemployés. Pensez-vous vous pencher sur cette question?
Je me pencherai sur toute question liée à la vie de la société sans restriction et, en matière de gestion, celle liée aux ressources humaines est l’une des plus sérieuses. Dans la feuille de route que j’ai proposée, la révision de l’organigramme et des cadres organiques de la société figure parmi les grandes priorités et l’une des premières tâches à accomplir. Ce sera là, l’occasion d’apprécier l’adéquation entre les profils et les emplois.
Pourriez-vous nous dessiner en quelques traits la Sch du futur?
La Sch de demain, ça devrait être une société plus ouverte, plus imaginative et résolument prête à intégrer l’émergence dans sa vision stratégique de développement.
Concrètement, comment cela devra se traduire?
La Sch évolue dans un secteur (les hydrocarbures) capital qui présente de nombreuses opportunités de développement non encore exploitées. Aussi les perspectives de découverte et d’exploitation d’hydrocarbures dans notre pays doit systématiquement inciter la Sch à préparer, dès à présent, en tant qu’acteur stratégique, son positionnement dans cette dynamique industrielle qui se profile et ça sera certainement un des gros chantiers que j’envisage de lancer.
De secrétaire général du gouvernement à directeur général de la Sch, est-ce prendre congé de la politique, ou un repli stratégique ? Comment, en fait, pourrions-nous interpréter cela ?
Avec le président Azali, nous avons appris ce que l’on peut dénommer la «politique utile». Celle-là qui place les problématiques de la population au centre des préoccupations et qui œuvre pour l’intérêt général de la nation. Dans ce cas, on n’a pas d’à-priori mais on reste un vrai soldat, prêt à servir sans détour, là où le chef suprême estime pouvoir tirer plus d’efficience. Et ceux qui conçoivent la politique autrement, c’est-à-dire, la propagation de la haine, la promotion de la division, de la violence, de l’incivisme et de l’insolence, l’absence d’imagination et la lâcheté sont en train de se leurrer car ne récolteront que des remords.
Comment appréhendez-vous la situation politique actuelle du pays?
Le dialogue politique prôné par le chef de l’Etat demeure l’actualité politique dominante du moment. A mon avis, il risque de ressembler aux assises nationales de 2018, c’est-à-dire que les mêmes causes risqueront de produire les mêmes effets, en ce sens que des catégories de compatriotes s’estimant indispensables pour la tenue du dialogue voudront croire qu’il ne pourra pas avoir lieu en leur absence, pendant que d’autres plus lucides, voire même plus représentatifs, contribueront à sa réussite. C’est dire que la politique de la chaise vide serait la plus mauvaise des stratégies dans ce cas d’espèce.
Mais le Fcfv (Front Commun des Forces vives) a posé la libération des prisonniers politiques comme préalable à sa participation au dialogue. Que leur répondez-vous?
Ce n’est pas à moi de leur répondre, n’étant pas leur interlocuteur. Toutefois, j’estime que poser ce genre de préalable ressemble à de l’inadvertance et de la confusion, voire même à de l’hypocrisie politique, car à ma connaissance, les détenus dont il est question sont écroués par la justice et non par le chef de l’Etat, pour des chefs d’inculpation extrêmement gravissimes, allant de la tentative d’assassinat à l’atteinte à la sûreté et à la sécurité de l’Etat ; tous les Comoriens en sont conscients et témoins.
Ce que l’ancien gouverneur Salami a commis, pour ne citer que cela, n’a rien avoir à la politique sinon le chao sévirait dans le monde entier. Pour appeler le chat par son nom, il s’agissait bien d’une tentative d’assassinat et de coup d’Etat. Que ses défenseurs gardent donc la modestie car le proverbe chinois dit «qu’une flèche lancée ne fait jamais demi-tour».
Le fond de la problématique est que, d’un côté, on scande la libération des détenus et de l’autre on accentue les conspirations, comme pour prendre les victimes pour des nigauds.A mon avis, pour éliminer un fait, on commence d’abord par s’attaquer à sa cause. Et pour finir, je rappelle que la grâce est un droit du chef de l’Etat et non du détenu. Le chef de l’Etat en a déjà usé lorsque cela s’était avéré opportun, donc ce n’est pas à lui de faire preuve de bonne volonté ; il l’a déjà fait mais c’est plutôt aux autres de le faire.
Que répondez-vous à ceux qui parlent de liberté d’expression bafouée ?
Ceux-là ressemblent à des personnes qui emplissent leurs bouches de viande et qui crient à la faim. Autrement dit, ils ne savent pas ce que c’est la démocratie et la liberté.
Quel est l’endroit dans le monde où, sans aucune restriction, on dit ce que l’on veut, quand on veut, où l’on veut et comme on veut, y compris mentir, insulter, blasphémer, diffamer et, de surcroît, le chef de l’Etat ? Admettraient-ils de gouverner un pays sans loi ? Arrêtons de nous mentir car on est tous responsables et ceux qui ont eu l’inconscience de soutenir l’acte ignoble de promulguer une loi non votée n’ont pas de leçon de démocratie à donner.
Un dernier mot?
Juste rappeler l’adage comorien qui dit : «WAKO HU ZIHARAYA WO IZAHARALIYA HO TRENGWENI» («Ceux qui contestent une chose, le font dans l’assemblée»). Je pense, au regard de l’histoire, qu’il est toujours contreproductif de jouer à la politique de la chaise vide.
Maoulida Mbaé