logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Interview de Saïd Mohamed Sagaf, président du Cpan : “Pari réussi”

Interview de Saïd Mohamed Sagaf, président du Cpan : “Pari réussi”

Politique | -   Mohamed Youssouf

image article une
Trois jours après la fin des assises nationales, le président du Comité de pilotage des assises nationales, Saïd Mohamed Sagaf a accordé une interview à Al-watwan. Il revient sur le bilan qu’il qualifie de positif, les actions prioritaires qui doivent être menées par les comités de suivi, la gestion financière décriée au sein même du Cpan, l’indépendance de leurs travaux…

 


Trois mois durant, vous étiez à la tête du comité de pilotage pour mettre au point l’organisation des assises nationales. Ces dernières ont pris fin au même titre que la mission qui vous a été assignée. Quel bilan tirez-vous de vos travaux ?



Depuis le 13 novembre et l’investiture du Comité de pilotage des assises nationales (Cpan), nous avons abattu un travail reconnu aussi bien par la population que par les observateurs venus de l’extérieur. Avec les nombreux messages que je reçois, j’en déduis que le travail a été accompli avec sérieux et pragmatisme. Toutefois, on est au début d’un processus qui demande des analyses, des enquêtes et des études.

Que ceux qui s’insurgent contre le délai qui a été imparti pour le diagnostic et les recommandations, sachent que le plus dur reste à faire. Le travail proprement dit commence maintenant avec la mise en place des comités de suivi. En ce qui concerne le Cpan, l’objectif restait de rassembler tous les Comoriens pour revenir sur le bilan des années d’indépendance et jeter les bases d’un futur que nous espérons, radieux. Sur ce point, nous sommes satisfaits.

 


Pourtant, certains ont persisté et signé et n’ont pas pris part aux assises…



Je regrette effectivement les défections dans la mesure où, tous les concernés avaient adhéré à l’idée d’organisation des assises. Toutefois, dès l’annonce de la mise en place du Cpan, les divergences se sont fait connaitre et des défections ont eu lieu. C’est en fonction des humeurs des uns et des autres car, j’estime que leurs arguments sont fallacieux. Nous avons réussi un travail colossal mais le point noir reste ces absences.

Certains ont avancé l’idée d’une récupération des assises par le président Azali Assoumani et je dois reconnaitre que nous avancions avec la possibilité que nous ayons une confrontation de ce genre. Heureusement, le président de la République a joué le jeu jusqu’à la fin et aucune interférence n’est venue brouiller les travaux.

 


Vous voulez parler de l’indépendance et de la neutralité des travaux ?



Justement, l’indépendance et la neutralité du Cpan ont été les maitres-mots qui ont accompagné nos travaux. Les experts ont travaillé sans la moindre injonction extérieure ni du gouvernement ni du président de l’Union. Je m’en vais prendre pour preuve, le fait que dès le début de leurs travaux, les experts avaient des idées et des recommandations mais il a fallu qu’ils se taisent jusqu’aux ateliers thématiques. Ils n’ont jamais eu une visite externe qui engendrerait une pression extérieure.

 


Vous louez l’indépendance et la neutralité au sein du Cpan mais plusieurs divergences d’opinion et de position ont accompagné ce comité tout au long de ses travaux. Preuve en est que plusieurs démissions ont été enregistrées.



Le Cpan était composé de plusieurs personnes venues de divers horizons et de générations diverses. L’âge variait entre 23 et 70 ans raison pour laquelle, les divergences et les oppositions d’idées peuvent être considérées comme normales dans un environnement aussi diversifié.

Certains n’ont pas réussi à garder leur sang-froid et ont démissionné. Ce qui n’a tout de même pas empêché le déroulement des travaux. Nous avons tous eu des problèmes mais nous avons su garder le cap. Concrètement, les divergences entouraient la méthodologie qui ne convenait pas à certains, un travail désordonné qui a fait des mécontents…

 


Qu’en est-il de la gestion financière au sein du Cpan ? D’aucuns, y compris des membres de ce comité, parlent d’une gestion opaque qui serait l’œuvre de deux personnes à savoir vous et votre trésorier. Que pourriez-vous répondre face à ces accusations ?



Certains parlent d’opacité et de mauvaise gestion raison pour laquelle, j’ai dû faire appel au ministère des Finances pour me protéger. Un comptable public est donc venu pour assurer les opérations financières mais on attend le rapport financier. Au début des travaux, il y avait une pagaille dans toutes les commissions et pourtant ce que vous devez savoir, c’est qu’il n’y a pas eu de budget en tant que tel.

 


On parle d’une absence de justificatifs pour la première tranche d’argent que le gouvernement a versée au Cpan…



Je ne peux pas vous dire que c’est faux. Le budget évoqué n’avait rien à voir avec la réalité et comme je l’ai dit, nous n’avions pas un budget mais juste une proposition du Mouvement du 11 août. Il y avait une telle urgence au début au point que nous n’avons pas réussi à mettre tout en place notamment les rubriques, les activités et les montants alloués.

Concrètement le temps faisait défaut. Il fallait tout mettre en place et tout financer en même temps. Cette situation a fait que nous n’avions pas le temps de recourir aux justificatifs. Pour chaque opération financière, le trésorier payait pour assurer les activités avant de demander les pièces justificatives après.

 

 

Donc effectivement, pour la première tranche, il y a seulement eu un journal de caisse qui a répertorié toutes les sorties d’argent. C’est d’ailleurs ce journal qui aura permis le versement de la seconde tranche. Heureusement à partir de ce moment-là, le ministère des Finances était avec nous.

La gestion financière engendre comme toujours des imprévus. A titre d’exemple, on avait prévu de faire venir les participations aux ateliers par bateaux au départ de Mutsamudu. Le mauvais temps est passé par là, par conséquent, on a dû recourir à l’avion avec les conséquences financières que vous connaissez. Au retour, bien que le temps en mer fût satisfaisant, tout le monde a refusé de prendre le bateau.

Autre exemple, pour le processus dans son ensemble, nous tablions sur la présence de 600 à 800 participants or, à l’arrivée on s’est retrouvé avec 1260 participants. Toutes ces personnes devaient être prises en charge financièrement. Forcément, cette prise en charge du surplus des participants a une incidence conséquente sur la trésorerie.

 


Vous invoquez la mise en place des comités de suivi mais quelles sont les actions prioritaires compte tenu des différentes recommandations sorties lors des assises ?



On ne peut pas affirmer que le Cpan a atteint tous ses objectifs mais avec 60% d’acquis, le temps de l’approfondissement, des analyses, des audits pour le redressage des sociétés d’Etat et de la gouvernance politique, économique et sociale est venu. Il faut des enquêtes pour les assassinats, les marchés publics, les détournements de fonds en pagaille, les actes de haute trahison entre autres.

Il convient de tout mettre en lumière pour éventuellement sanctionner ou pardonner. Outre la volonté de connaitre la vérité et de se réconcilier, j’ajoute la justice. “Vérité, justice et réconciliation” mais pour cela, il faut que chacun reconnaisse ses torts. Toutefois, il faut reconnaitre que le plus important n’est pas de lancer une chasse aux sorcières mais plutôt d’aller vers le développement du pays.

 


La mission du Cpan a-t-elle pris fin ?



Nous avons terminé notre travail qui consistait à préparer les assises. Maintenant, le président de la République prendra un décret pour mettre en place les comités de suivi. Ces derniers doivent être sous la tutelle du chef de l’Etat tout en bénéficiant d’un statut indépendant. Le Cpan, pour une dernière action, peut faire des recommandations quant à la constitution des comités de suivi.

Je tiens à saisir cette occasion pour remercier la population comorienne pour son adhésion au projet et sa tolérance, les maires pour les facilités qu’ils nous ont accordées dans les différentes localités et de la sensibilisation qui était la leur dans les villes.


Commentaires