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Interview Exclusive de Souef Mohamed El-Amine : «Je pars parce que j’ai accompli la mission qui m’a été confiée par Azali Assoumani»

Interview Exclusive de Souef Mohamed El-Amine : «Je pars parce que j’ai accompli la mission qui m’a été confiée par Azali Assoumani»

Politique | -   Faïza Soulé Youssouf

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24 heures après l’officialisation de sa démission du ministère des affaires étrangères, Souef Mohamed El-Amine a accordé à Al-watwan une interview exclusive. Dans celle-ci, il est revenu sur les raisons de son départ mais pas seulement. Il a également parlé de l’Accord-cadre franco-comorien signé en juillet 2019, moment fort de son passage à la tête de la diplomatie comorienne, il a aussi évoqué le cas Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. 
 
Il est interdit de copier ou de reproduire partiellement ou totalement, cet article sans l’autorisation d’Al-watwan.

 

Le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie a annoncé ce 29 juillet votre démission du ministère des Affaires étrangères lors du compte-rendu du conseil des ministres, quelles en sont les raisons ? 

Je tiens à remercier le président Azali Assoumani, qui a bien voulu me confier cette lourde mais exaltante mission, c’est une marque de confiance qui a été renouvelée à plusieurs reprises. Le président m’a contacté au mois de Juillet 2017 dans un entretien téléphonique. Celui-ci a émis le souhait que je travaille avec lui dans l’équipe gouvernementale. Il a pris le soin de me donner les termes de références de ma mission.  

 

Nous allons revenir sur le contexte de votre entrée au gouvernement. Nous sommes en 2017, le chef de l’Etat vient de rompre son alliance avec le parti Juwa (aujourd’hui principal parti d’opposition, ndlr). Est-ce quand ce dernier a fait appel à vous, il avait déjà en tête la réforme constitutionnelle de 2018 ou encore la présidentielle de 2019 et avait besoin de vos services pour ce faire ? 

La seule mission que j’ai eue à accomplir et qui ne figurait pas sur la feuille de route est la gestion du Covid-19. Sinon la réforme constitutionnelle, le référendum, les élections présidentielles, la Conférence des partenaires au développement, les nouveaux horizons de la diplomatie comorienne, les élections législatives, tout cela faisait partie du package en 2017. Et en ce sens, oui j’ai rempli ma mission. Il y a eu peut-être des ratés ou des imperfections mais au final j’ai fait ce que le chef de l’Etat attendait de moi. 

 

Vous avez donc le sentiment d’avoir rempli la mission que le chef de l’Etat vous a confiée ? 

Oui je pense l’avoir remplie. Et personnellement, j’ai aussi un calendrier qui me pousse à partir précipitamment avant le remaniement ministériel tant attendu. 

 

Azali Assoumani vous avait-il demandé de sursoir à votre démission ? 

On ne démissionne pas du jour au lendemain. Le président a eu un temps de réflexion et moi aussi. Ce n’est pas une décision qui a été prise à la hâte. 

 

Les relations avec le chef de l’Etat sont-elles intactes, peut-il de nouveau faire appel à vous dans le futur ? 

Nos relations sont restées les mêmes. En 1999 déjà, il avait fait appel pour être son ministre des Affaires étrangères. Si à l’avenir une autorité quelconque fait appel à moi pour servir mon pays, je le ferais. 

 

Allez-vous réintégrer l’Organisation des Nations unies où vous avez dernièrement occupé le poste de chef du bureau de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) ? 

Je figure sur une liste des réservistes de l’Onu pour occuper de hautes fonctions. Aujourd’hui, il est possible que j’y reprenne service. 

 

Vous avez passé 3 ans à la tête du ministère, il y a eu plusieurs dossiers chauds mais si vous ne deviez retenir qu’un moment fort, quel serait-il ? 

Ce serait la gestion des relations entre les Comores et la France. Vous savez, la France est un partenaire privilégié et incontournable pour notre pays. Nous savons qu’il y a un dossier que nous devons un jour traiter, qui est la question de Mayotte. Une question qui doit être discutée franchement sinon la France aura toujours des problèmes dans la sous-région et les Comores auront du mal à se développer. Cette question s’est invitée en mars 2018 (crise franco-comorienne avec le refus des autorités comoriennes d’accepter les refoulés et la suspension aux ressortissants comoriens des visas d’entrée en France par les autorités à Paris, ndlr), il y a eu des moments très difficiles mais aussi des discussions et des négociations et au final nous avons fini par nous comprendre. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, l’a dit en présence des présidents Azali et Macron en juillet 2019 : nous avons passé 18 mois de négociations pour aboutir à l’accord de partenariat entre nos deux pays. Je suis fier de ce qui a été fait. Nous avons désormais une relation donnant-donnant. Nous recevions 4 millions d’euros d’aide budgétaire de la France par an, et nous sommes passés à 50 millions d’euros par an sur 3 ans. 

 

Comment se porte l’Accord-cadre signé en Juillet 2019 à Paris ? 

Les choses avancent, même s’il y a eu beaucoup de retard à cause de la pandémie de Covid-19. 

 

Les expulsions des refoulés, pour l’instant suspendues depuis plusieurs mois de Mayotte vont-elles reprendre ? 

Si les conditions sont réunies pour qu’ils reviennent ici dignement, et que les projets initiés pour leur permettre de s’insérer se mettent en en place, ils reviendront. Il ne s’agit pas que des refoulés de Mayotte mais il y a aussi ceux qui se sont portés volontaires, dans le cadre du partenariat franco-comorien, afin de venir monter leurs projets de ce côté-ci de l’archipel. 

 

Vous estimez que ces conditions seront bientôt réunies ? 

Déjà, nous avions eu à suspendre le transport inter-île pour la partie indépendante de l’archipel afin de lutter contre la propagation du Covid-19, invité surprise de l’année. Si demain, les reconductions devaient reprendre, il faudrait en plus des conditions classiques respecter les mesures barrières. 

 

Des rapports accusent le gouvernement de bafouer les droits humains, de piétiner la démocratie, est ce que toutes ces accusations n’ont jamais poussé le fonctionnaire des Nations unies que vous êtes, à démissionner ? 

Je pense que parfois il y a exagération dans ces rapports ; et que les temps forts que nous avons passés à New-York avec le chef de l’Etat, les discussions qu’il a eues avec le secrétaire général des Nations unies, ils ont apprécié l’évolution de la situation. Maintenant, l’on ne peut pas comparer le respect de la démocratie aux Comores avec l’Inde ou les Etats-Unis voire la France. Nous avons un long chemin où il nous faudra éduquer les citoyens et vulgariser les textes adoptés, c’est toute une culture à mettre en place. Il y a deux semaines, un sous-secrétaire d’Etat a twitté pour notre adhésion au Protocole de Palerme (coopération policière et judiciaire internationale permettant de prévenir la criminalité organisée, ndlr). Ce sont des évolutions qu’il faut toujours positiver. 

 

Avez-vous un regret durant les 3 ans passés à la tête de ce ministère ?

Je n’ai pas à proprement parler de regrets. J’ai un pincement au cœur quand nos régions subissent des délestages électriques ou quand j’apprends qu’un médecin manque à son poste ou qu’une grève est annoncée par des enseignants. Tout ça nous préoccupe, nous forge davantage pour avoir la bonne lecture par rapport à la situation que vivent des milliers de Comoriens. 

 

S’il y a un dossier épineux, c’est bien le dossier Sambi à qui vous avez rendu visite en octobre dernier. Au cours d’une conférence de presse le 02 mars dernier, vous aviez annoncé qu’il allait bientôt quitter le pays pour se soigner à l’extérieur, où en est ce dossier ? 

Je fais confiance à la justice de mon pays. Ce qui est sûr, je lui ai rendu visite en prison et le chef de l’Etat m’a encouragé dans ce sens. A un moment, il avait des ennuis de santé, nous avons pris des initiatives et des contacts avec un certain nombre de partenaires pour qu’il puisse se faire soigner dans l’un de ces pays. Le président Sambi avait des préférences par rapports aux propositions que nous lui avons soumis, ce qui a retardé le dossier. Je n’ai pas continué à le suivre (le dossier) et il est aujourd’hui traité dans un autre ministère.  

Propos recueillis par Fsy

 

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