Fazul et Farouata, respectivement gouverneurs de Mwali et de Ngazidja, ne seront pas candidats pour un nouveau mandat. C’est la fin d’une ère pour ces deux personnalités, dont la docilité vis-à-vis du pouvoir central a pourtant marqué leur quinquennat. Les raisons de cette « mise à l’écart » supposée ont suscité des débats au sein de la Mouvance présidentielle, secouée à ce sujet
par des tensions palpables.
«Une situation délicate»
Une source de cette mouvance, qui a requis l’anonymat, estime que «les tensions sont palpables au sein de la Crc [Convention pour le renouveau des Comores], même autour des candidatures issues de ses rangs». Pour notre source, certains partisans «ne sont pas satisfaits du processus de sélection et n’ont pas apprécié la manière dont le président a fait ses choix». «Après, en politique, il faut soit être d’accord ou partir», concède-t-il.Ce membre influent de l’Amp affirme : «La situation est délicate, notamment avec Fazul qui était en poste depuis un certain temps, ce qui avait fini par lasser les Mohéliens. Quant à la candidature de Chamina, elle pose problème, et il y a des inquiétudes quant à son impact sur l’élection présidentielle à venir». Or « nous, notre focus est davantage sur la présidentielle que sur les gouverneurs », souligne-t-il.
Me Mohamed Ahamada Baco, vice-président de l’Assemblée nationale et membre de l’Amp, défend de son côté le «bilan positif des deux gouverneurs». Selon lui, leur soutien aux projets présidentiels a contribué à la paix et à la stabilité du pays. «Aujourd’hui, les îles de Ndzuani et de Mwali sont dotées d’infrastructures routières, ce qui a contribué à la paix et à la stabilité du pays», assure-t-il, avant d’ajouter : «La non-reconduction de ces deux gouverneurs n’est pas un problème politique ou de confiance. Il s’agit simplement d’un choix politique en vue de la continuité. Les gouverneurs sortants sont convaincus que nous appartenons tous à la même famille politique et ceux investis pour les prochaines échéances ont eu leur bénédiction».
Le député du Mitsamihuli-Mbude estime que les pouvoirs des gouverneurs des îles sont limités par la Constitution. «C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis permis d’affirmer que leur bilan est collé à celui du président Azali. Aucun des trois gouverneurs ne se distingue de l’autre en matière de réalisation. Ils n’ont que les projets du gouvernement, qui a à sa tête le président Azali Assoumani», explique cet avocat de carrière. Au sujet de l’absence de primaires au sein du parti, il est tout aussi relativiste : «On organise [des élections primaires] s’il y a plusieurs candidats à départager ou s’il y a des divergences de candidats, mais au sein de la mouvance présidentielle la discipline règne».
«Le manque de contribution significative»
Du côté de l’opposition, Ibrahim Abdourazak, militant de l’Updc (Union pour le développement des Comores), souligne que leur arrivée au pouvoir «résulte d’une sélection par le président Azali Assoumani plutôt que d’un processus électoral». Il critique «le manque de contribution significative» des gouverneurs à la réélection du président et évoque des méthodes contestables, remettant en question leur légitimité.L’ancien locataire de Mdrodju et candidat à la présidentielle, Mouigni Baraka Saïd Soilihi, estime à son tour qu’être gouverneur sous le régime d’Azali n’est pas enviable. Il exprime son scepticisme quant à l’efficacité de ces postes, insinuant qu’il « vaut mieux être un chef de village ».
Les critiques les plus sévères viennent de Mohamed Jaffar Abbas, membre du mouvement «Nalawe», qui partage des déceptions personnelles à l’égard de Farouata. «Il m’est difficile de porter une appréciation sur le bilan d’une amie qui s’est trouvée propulsée au faîte d’un pouvoir insulaire qui n’en était pas un», confie-t-il. Anciennement commissaire au Genre, «elle était perçue comme une combattante des droits des femmes. Cependant, son mandat de gouverneure a laissé un goût amer, notamment en raison de demandes de privilèges matériels liés au pouvoir, qui ont remis en question son engagement envers la cause féminine».
«Farouata incarnait l’allure d’une dame à convictions, loin de se laisser berner par l’aisance éphémère de la vie matérielle. J’ai admiré son discours interpellant Azali, lui demandant de restituer la somme exorbitante de «40 millions d’euros volés»», dit Jaffar. «Elle m’a déçu énormément quand je l’ai vue se plaindre en demandant un pardon humiliant, en contrepartie d’un pouvoir, d’une 4X4 et d’une sirène pour lui ouvrir la route Badjanani-Mrodju», ajoute-t-il. «Farouata n’a pas du tout rehaussé l’image de la femme, que moi, fervent défenseur de la cause féministe, a toujours voulu défendre. Et le cynisme c’est de voir qu’un président à la recherche de son cinquième [sic] mandat, ne lui offre aucune chance d’en briguer un second».
Au sujet de Fazul, le chef de file du Front commun pro-élections n’a « qu’un mot» : «Game is over [le jeu est terminé] ! (…). Cet homme n’a aucune image à retenir. Mais je sais que Mwali a de vrais talents qui peuvent mieux incarner la fonction de gouverneur». Reste à savoir si les concernés, Fazul et Farouata, avaient vraiment l’ambition de se porter à leurs propres successions.Notons qu’Al-watwan a sollicité la réaction d’Ali Mlipva Youssouf, chef de l’Alliance de la mouvance présidentielle, qui n’a toutefois pas souhaité s’exprimer. Quant à Nour El- Fath Azali, secrétaire fédéral adjoint en charge de la coordination des fédérations, son emploi du temps ne lui permettait pas de donner suite à notre demande le jour-même, d’après la réponse fournie par sa chargée de communication.