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La dormeuse du val

La dormeuse du val

Politique | -   Contributeur

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Quiconque se serait endormi une année après avoir lu nos premières chroniques du mois de janvier 2017 et se réveillerait aujourd’hui, en 2018, n’aurait point perdu le fil.

 

 Il se dirait : “encore le même chroniqueur racontant encore les mêmes choses”. La permanence du mal est saisissante. Il vient de s’écouler une année entière d’une pratique institutionnelle parallèle et concurrente de l’ordre constitutionnel officiel. Le silence imposé à la Constitution est assourdissant.

Pourtant, quoique réduit au mutisme, les travers de sa neutralisation n’ont eu de cesse de se dévoiler au grand jour. À chaque poussée de fièvre, nous y reconnaissons tous l’origine de la pathologie, mais nous nous y sommes accommodés, peut-être, persuadés que bien plus important se joue ailleurs.

Pendant ce temps, la constitution, telle la dormeuse du val, gît au milieu de la verdure encrassée et la mer plus totalement bleue de notre archipel. Mais, par chance, contrairement à celui de Rimbaud, la nôtre respire encore. Certes, agonisante, mais, elle vit toujours. Puisse-t-elle sortir de sa torpeur pour notre salut à tous. Que vive la Constitution !

La Constitution, c’est une belle idée de noblesse et d’imperfection. Nous ne cesserons jamais d’en faire l’éloge, quitte à commencer cette année comme la dernière. Non pas qu’avant elle, la société comorienne n’avait jamais été régie par des normes. Mais celles-ci étaient d’ordre coutumière.

La plupart inconnues et séculaires. Qui ne s’est pas déjà vu sanctionné par la réprobation sociale pour s’être mal conduit et mal exprimé à la place publique ? Comment aurait-on pu faire autrement ? On ignorait la règle. Puis quand bien même on avait pris connaissance de celle-ci, l’a-t-on acceptée ? Pis encore, qui l’a créée ? La Constitution, c’est notre gage de prévisibilité et de sécurité.

À l’avance, nous savons ce qui est permis entre nous. De la même manière, nous ne saurions ignorer ce qui est proscrit. Avec la constitution, point d’arbitraire. Mieux encore, celles-ci de normes, nous les avions acquiescées en notre nom à tous pour contraindre le comportement de tous. Il s’agit de notre pacte social et de l’expression de la volonté de la nation.

La Constitution, c’est le vecteur par lequel s’installe l’ordre juridique dans un système donné. C’est l’instrument des contraires. Celui qui réussit à faire coexister le droit et la politique, à faire concilier les limites et le pouvoir ou encore à faire cohabiter le fort et le faible. La constitution pacifie les adversités dans la cité. Elle convient au Chef et ses partisans, car la constitution leur assure les moyens effectifs pour gouverner.

Elle canalise l’opposition et ses militants, car elle organise l’alternance et la conquête du pouvoir. Elle rassure les citoyens, car elle leur en confie la souveraineté nationale et protège leurs droits et libertés. Malgré qu’elle soit contraignante, la constitution ne bride aucune prise de décision politique. Elle n’empêche pas la concrétisation d’un programme politique, elle s’assure simplement que cela soit toujours fait dans l’intérêt général sans que jamais débordés le cadre légal que nous nous sommes fixés dès l’origine.

Évidemment, comme c’est une œuvre humaine, la Constitution ne sera jamais parfaite, et la liberté ne nous sera jamais privée de pouvoir en changer. Mais, que cela soit toujours la volonté de nous tous ou du moins de la majorité. Que les procédures prévues soient observées et surtout que le tout soit motivé par le souhait de faire toujours mieux.

Faisons de cette année qui débute, celle du réveil de notre loi fondamentale. Plus le sommeil de la dormeuse du val se prolongera, plus l’État de droit s’effritera. Que la Cour constitutionnelle soit renouvelée, que les lois soient promulguées, que les libertés soient protégées et que la politique s’exprime dans les bornes de nos institutions.

L’Union des Comores vivra par cela. Éveillée et respectée, peut-être améliorée, la Constitution servira la prospérité et l’émergence de notre belle nation.


Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public
Chargé d’enseignement
à l’Université de Toulon

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