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L'Assemblée nationale demande le remplacement des députés sous le coup d’un mandat d’arrêt

L'Assemblée nationale demande le remplacement des députés sous le coup d’un mandat d’arrêt

Politique | -   Mohamed Youssouf

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«La raison ayant motivé votre remplacement par votre suppléant en vertu de l’article 18 de la loi N°14-017/Au du 26 juin 2014 relative à l’élection des représentants de la Nation, n’ayant pas cours, je vous suggère de bien vouloir réintégrer votre mandat de député. À défaut, je serai dans l’obligation de signifier à l’autorité compétente la vacance définitive du poste», peut-on lire dans la lettre du président de l’Assemblée, Abdou Ousseni adressée à l’ancien ministre de la justice. Contacté au téléphone, Fahmi Said Ibrahim se réserve de tout commentaire «parce que je me dois de répondre d’abord au président de l’Assemblée par courtoisie républicaine».

 

Désormais dépourvus d’immunité parlementaire, les députés Abdallah Tocha Djohar et Ali Mhadji respectivement élus d’Itsandra Sud et de Hambuu sont sous le coup d’un mandat d’arrêt et sont poursuivis «pour des faits de complicité de coups et blessures volontaires, destruction et tentative d’assassinat», à en croire la lettre N°18-263/P/Au du samedi 8 décembre 2018 «sommant» à Fahmi Saïd Ibrahim de reprendre son siège à l’Assemblée de l’Union étant le député titulaire d’Itsandra sud.


En effet, fort d’un «procès-verbal de recherche infructueuse dressé par un officier de police du commissariat central de Moroni», ayant constaté «l’absence de votre suppléant aux travaux de la session en cours, le dossier qui m’est transmis par le procureur de la République m’autorise à conclure à l’empêchement de votre suppléant pour un délai indéterminé», le président de l’Assemblée de l’Union, Abdou Ousseni, demande la réintégration de Fahmi Saïd Ibrahim. «La raison ayant motivé votre remplacement par votre suppléant en vertu de l’article 18 de la loi N°14-017/Au du 26 juin 2014 relative à l’élection des représentants de la Nation, n’ayant pas cours, je vous suggère de bien vouloir réintégrer votre mandat de député. A défaut, je serai dans l’obligation de signifier à l’autorité compétente la vacance définitive du poste», peut-on lire dans la lettre adressée à l’ancien ministre de la justice.

 

Contacté au téléphone, Fahmi Saïd Ibrahim se réserve de tout commentaire «parce que je me dois de répondre d’abord au président de l’Assemblée par courtoisie républicaine». Toutefois, un juriste ayant requis l’anonymat avoue toute sa surprise du cas du député Abdallah Tocha Djohar (…). «Seul la Cour suprême peut prononcer l’invalidation du mandat d’un député. Je suis sincèrement étonné du contenu de la lettre du président de l’Assemblée en particulier la partie qui évoque la perte du statut de député. Seul un juge peut établir la culpabilité d’un prévenu. En procédant de la sorte, on donne l’impression que Tocha Djohar est déjà jugé et condamné, ce qui est loin d’être le cas. Je trouve surprenant qu’un élu pense pouvoir ordonner la déchéance d’un mandat d’un autre élu», affirme-t-on.


 Pour un autre juriste en l’occurrence, Me Mohamed Kamardine, de nombreux parlementaires battent des records d’absentéisme sans pour autant perdre leur statut. «Ne pas participer à des travaux ne constitue pas une cause de perte de son statut d’autant plus que pour Tocha Djohar, lors de l’épisode de la loi d’habilitation, une procuration de sa part a été brandie. L’empêchement et l’absence ne sont pas de nature à déchoir un député. Il faut une condamnation pour lancer le processus. En outre, sachant que la session n’est pas encore close, je ne vois pas l’opportunité juridique de la demande. Alors en parlant de vacance définitive dans sa lettre, le président de l’Assemblée de l’Union parle de déchéance», argumente l’avocat qui trouve que l’on n’a pas à contraindre le titulaire à reprendre son poste initial.
Du côté des députés, l’absence aux travaux de l’actuelle session avancée comme étant un motif ne peut être soutenable. «Le député Tocha Djohar a participé à deux conférences des présidents et si je ne me trompe pas, il a pris part à une plénière. Pour Ali Mhadji, je n’en disconviens pas. Si sanctions il y a, selon le règlement intérieur, c’est l’absence lors de deux sessions. Sans oublier la jurisprudence de la session d’avril dernier au cours de laquelle, aucun travail n’a été effectué. Pourtant l’on ne nous a pas tous remplacés», affirmera le député d’Itsandra nord, Oumouri M’madi Hassani joint au téléphone.
De son côté, le président de l’Assemblée de l’Union a tenu d’emblée à remettre les choses à l’endroit. «Il n’est pas question d’une déchéance mais d’un remplacement», tranche-t-il avant de revenir en détail. Il estimera que les textes sont limpides quant à la possibilité de remplacer un condamné ou un empêché. «Le procureur par deux fois nous a certifiés que les deux députés, malgré des recherches, des perquisitions à leurs domiciles respectifs et des mandats d’arrêts, sont introuvables. Désormais, ces absences sont assimilables à une fuite ou à une condamnation puisqu’ils n’ont pas un ordre de mission devant les envoyer à l’étranger. Il me revient de constater l’absence et de demander le remplacement. En aucun cas, il ne me revient pas de demander la déchéance d’un député voté», se justifie Abdou Ousseni.


Ce dernier explique que l’institution peut se baser sur les conclusions du procureur et du juge d’instruction pour agir. «C’est la même procédure que lorsqu’un député a eu une nomination. On procède à son remplacement par son suppléant tout en gardant à l’idée que le titulaire peut à tout moment sur la base d’une lettre adressée au président de l’Assemblée, reprendre sa place. Il faut savoir que dans le cas où, ni le titulaire ni le suppléant n’est en mesure d’occuper le poste vacant, l’on procède à des élections partielles. Nous avons donc envoyé deux lettres au titulaire de Tocha Djohar mais aussi au suppléant d’Ali Mhadji», révèle la deuxième personnalité du pays qui parle de cavale et donc d’incapacité à exercer.


Des arguments que soutiennent un autre avocat au barreau de Moroni. En effet, Abdoulbastoi Moudjahid avance l’article 22 de la loi N°14-017/Au du 26 juin 2014 selon lequel, «…en cas de vacance ne permettant pas à un suppléant de remplacer le député élu, la Ceni procède à des élections partielles dans un délai de trois mois…» Il trouve ainsi «tout à fait normal» que le titulaire reprenne sa place. «Le bon sens voudrait qu’on comprenne. Si l’on ne trouve pas le suppléant et qu’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt, on peut donc parler d’une cavale raison pour laquelle, il conviendrait de procéder à son remplacement. Le président de l’Assemblée peut s’engouffrer dans l’article 22 de la loi de 2014 qui ne précise pas la personne habilitée à constater la vacance», avance Moudjahidi.


Pour un autre juriste de la place en la personne de Saïd Larifou, il serait logique qu’il y ait organisation d’élections partielles. «Il est question d’un empêchement survenu dans le cadre d’une contrainte imposée. Dans ce cas, peut-on parler d’empêchement de remplacement ou d’un empêchement définitif ? La solution la plus logique juridiquement et politiquement serait l’organisation d’élections d’autant plus que le titulaire n’est plus député depuis plus de deux ans et que sa place est occupée par un autre», propose-t-il.

Mohamed Youssouf

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