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Le parti Juwa «dénonce» le renvoi de Sambi devant la cour de sûreté de l’Etat

Le parti Juwa «dénonce» le renvoi de Sambi devant la cour de sûreté de l’Etat

Politique | -   A.S. Kemba

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Cette juridiction d’exception, créée à travers la loi N°005-81 du 20 mars 1981, concentre toutes les critiques des professionnels du droit qui estiment qu’elle est «vieillotte» mais aussi en déphasage avec l’esprit de l’ordonnancement juridique moderne car ne réunissant guère, selon eux, les conditions devant garantir un procès équitable. De quoi donner du grain à moudre au parti Juwa qui fonde son argumentaire sur son «illégalité» supposée et ses verdicts «verrouillés».

 

Le parti Juwa multiplie les déclarations publiques pour dénoncer le renvoi de l’ancien chef d’Etat et président d’honneur de ce parti, devant la Cour de sûreté de l’Etat. Pour les cadres du parti de l’inculpé, «tout a été planifié pour juger et condamner notre président d’honneur avec l’impossibilité de pouvoir faire appel aux décisions de cette juridiction illégale juste mise en place pour condamner un innocent». Pour eux, «rien ne justifie le renvoi d’une personne accusée de délits de droit commun devant une Cour de sûreté».


Pour sa part, la fille de l’ancien président conteste, par canaux interposés, la légalité et la légitimité de la Cour de sûreté pour juger son père. «Est-il encore nécessaire d’expliquer que cette cour n’a aucune compétence pour juger le dossier de la citoyenneté économique encore moins un ancien président pour haute trahison», a écrit Tislam Ahmed Abdallah Mohamed Sambi dans un communiqué .Cette juridiction d’exception créée à travers la loi N°005-81 du 20 mars 1981 concentre toutes les critiques des professionnels du droit, estimant qu’elle «est vieillotte» mais aussi en déphasage avec l’esprit de l’ordonnancement juridique moderne car ne réunissant guère, selon eux, les conditions devant garantir un procès équitable.

«Entachée d’irrégularités»

La procédure de renvoi et la compétence spécifique de la juridiction sont au cœur des débats passionnés des hommes de droit.
«On sait très bien que lorsque le juge d’instruction chargé de cette affaire de détournement de fonds publics a été saisi au départ, il n’a pas été saisi pour mener une enquête sur des faits relevant de la compétence de la Cour de sûreté», a déploré le juriste Yhoulam Athoumani sur son mur personnel, ajoutant que cette ordonnance de renvoi serait «entachée d’irrégularités».


Même s’il reconnait toutefois que «le juge d’instruction ne peut instruire que les seuls faits relevés dans l’acte de saisine» énoncés par le procureur de la République en l’espèce et que même si tel était le cas, précise-t-il, «les faits soulevés n’avaient rien en commun avec ces infractions prévues à l’article 2 de la loi portant création de la Cour de sûreté».Les questions centrales sont : la Cour de sûreté de l’Etat est-elle légale? Est-elle compétente pour connaitre des délits de droit commun? En quoi peut-elle remplacer la Haute cour de justice pour connaitre des faits de haute trahison?


Avocat au barreau de Moroni, Me Abdou Elwahab Msa Bacar a confirmé l’existence de cette juridiction, précisant qu’aucune loi n’a abrogé la Cour de sûreté de l’Etat, balayant ainsi «les suppositions et les confusions» entretenues autour de la loi N°20-020/Au du 12 décembre 2020 portant organisation judiciaire en Union des Comores.
«D’aucuns s’ingénient à expliquer que cette loi a aboli la Cour de sûreté de l’Etat en ce sens que celle-ci n’a pas mentionné cette juridiction en son sein. C’est un faux argument en ce sens que jusqu’à l’adoption de cette récente loi, l’organisation judiciaire de notre pays était régie, d’abord, par une loi du 23 décembre 1987, puis une loi du 20 décembre 2005», a-t-il expliqué à l’Ortc, ajoutant «qu’aucune de ces deux lois n’avait mentionné la Cour de sûreté de l’Etat et cette cours a siégé sous les différents régimes qu’a connus notre pays».

A propos de «Compétences»

S’agissant de la compétence de la Cour de sûreté de l’Etat pour connaitre des faits de haute trahison, Yhoulam Athoumani, estime que celle-ci devrait être saisie exclusivement sur les crimes et délits énoncés dans l’article 2 de la loi de 1981 notamment «les autres crimes et délits politiques, les crimes et délits de droit commun connexes aux catégories visées ci-dessus et les crimes et délits de droit commun déterminés en tout ou en partie par les motifs d’ordre public». Or, ajoute le juriste, «les faits soulevés (contre les accusés, ndlr) n’avaient rien en commun avec ces infractions prévues à l’article 2 de la loi».


De son côté, Me Abdou Elwahab Msa Bacar, a fait savoir que «l’article 2 de la loi dit que cette juridiction est compétente pour juger les crimes et délits contre la sureté de l’Etat, les autres crimes et délits politiques, les crimes et délits de droit communs connexes aux infractions susvisées, ainsi que les crimes et délits de droit commun déterminées en tout ou en partie par des motifs d’ordre politique».Au sujet du renvoi des inculpés devant la Cour de sûreté de l’Etat, l’ordonnance du juge a mentionné l’inexistence de la Haute cour de justice prévue dans l’article 30 de la constitution en vigueur au moment des faits. Mais elle a estimé que la Cour de sûreté est la juridiction la plus proche pour juger des faits de haute trahison en l’absence de la Haute cour de justice au «nom du parallélisme de forme» et surtout «pour éviter un déni de justice».

Me Abdou Elwahab : «au nom de la doctrine juridique»

La décision a été fondée, selon une source judiciaire, «sur la doctrine juridique qui est une source du droit». La même source ajoute : «il y avait deux options : soit laisser les inculpés partir parce que la haute cour de justice n’existe pas, soit voir la juridiction aux compétences proches pour les juger. C’est ce qui a été fait au nom de la doctrine juridique». L’ordonnance de renvoi a fait référence aux articles 6,7 et 8 du code pénal en vigueur pour justifier la requalification des faits et le renvoi des inculpés devant la Cour de sûreté de l’Etat. «Le juge est saisi pour des infractions de détournements de fonds publics, de corruption, de faux et usage de faux et Il a usé de son droit pour opérer requalification des faits, en vue évidement, de pouvoir renvoyer les inculpés devant la Cour de sûreté de l’Etat, la seule juridiction d’exception compétente désormais en la matière», a ajouté Me Abdou Elwahab Msa Bacar.

 

 

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