La neutralisation de la Cour constitutionnelle peine à choquer, dirait-on. Sauf les rares, qui décident de s’y intéresser. De deux choses l’une, ou l’on pense que c’est un faux problème, ou l’on se dit que finalement, huit mois de paralysie sans remous, c’est la preuve que la République peut s’en passer.
Et l’on aurait doublement tort. Que cela fonctionne tient du miracle. Mais celui-ci ne donne aucun gage de permanence. La Cour constitutionnelle au contraire, c’est l’assurance tout-risque de la nation. La garantie qu’il existera toujours une solution, au moins, juridique aux problèmes institutionnels. Un peu de fiction suffit pour s’en convaincre.
Imaginez que survienne aujourd’hui la vacance ou l’empêchement définitif du président de l’Union. Considérez en effet que, la nature faisant son œuvre subite, la maladie dégénérative ou, pire encore, la mort vient à frapper le chef de l’État.
Le poste serait vacant. Il faudrait alors le remplacer au nom de la continuité de l’État. Simple, diriez-vous, le vice-président issu de l’île à laquelle échoit la tournante assurera l’intérim. Seulement, ce n’est pas aussi évident. L’intérim, ce n’est pas une succession automatique. Pour que celui-ci puisse être assuré, il faut que la vacance ou l’empêchement du Président soit, au préalable, dûment constaté.
Sauf que voilà, qui est-ce qui fait le constat de la vacance ? C’est la Cour constitutionnelle. Celle-là même qui n’est pas renouvelée. Mais qui est-ce qui renouvelle la Cour ? C’est le président de l’Union. Celui-là même qui est vacant.
L’on se retrouverait alors dans une situation ubuesque dans laquelle, et le poste à pourvoir, et celui qui peut le pourvoir sont manquants. Une situation inextricable puisque l’absence de l’un ne peut être comblée que par la présence de l’autre. Et inversement... C’est l’allégorie de la poule et de l’œuf qui serait ainsi posée aux Comoriens. Croyez-le, dans pareille hypothèse, il n’y aurait aucune solution constitutionnelle. Il ne resterait que le coup d’État institutionnel ou armé. Échec et mat !
Le même problème pourrait se poser lorsqu’il faudra confirmer en cas de contestation les neuf conseillers des îles cooptés pour l’Assemblée de l’Union. Sans Cour constitutionnelle, il sera impossible de le faire ce qui neutralisera la représentation nationale. Idem, en cas de vacance d’un gouverneur d’une île. Ce dernier qui ne peut être remplacé que si la Cour constitutionnelle, encore elle, constate la vacance.
Sans celle-ci, on ne saura le faire ce qui neutralisera carrément une île autonome. Songez un peu au danger que représenterait une telle cascade de neutralisation. Que serait la continuité de la République et les libertés des citoyens s’il fallait composer sans Cour constitutionnelle, sans Assemblée de l’Union et sans au moins une île autonome. Tout cela parce que nous n’aurions pas pris une demi-heure de prestation de serment.
Nous pourrions multipliés ainsi les exemples : les lois qui ne peuvent plus être contrôlées, les élections qui ne peuvent plus être jugées, les libertés qui restent sans garantie juridictionnelle et les conflits de compétence sans arbitre.
Mais, nous avons pris une hypothèse de cas d’école à souhait, celle de la vacance du chef de l’État. Peut-être qu’en grossissant le trait cela facilitera à tous, citoyens, politiques, observateurs et surtout président de l’Union, une prise de conscience immédiate. Ne continuons pas sans assurance.
Le coût est bien trop élevé pour une carence aussi facile à combler. À moins que nous soyons capables de résoudre l’arrivée de la poule et de l’œuf. Pari risqué, pour nous, pour la République.
Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public
Chargé d’enseignement à l’Université
de Toulon