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Le suivi de la conférence de Paris vu et expliqué par les ministres des Finances et des Affaires étrangères

Le suivi de la conférence de Paris vu et expliqué par les ministres des Finances et des Affaires étrangères

Politique | -

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Un mois après la conférence de Paris, Saïd Ali Saïd Chayhane et Souef Mohamed El-Amine répondent aux questions d’Al-watwan sur les mécanismes techniques de suivi et les conditions nécessaires à mobiliser pour assurer une absorption maitrisée des fonds promis par les partenaires des Comores. Ils restent convaincus que la réussite de la Cpad dépend de la capacité du pays à pouvoir lever les obstacles structurels et insuffler une dynamique nouvelle à tous les niveaux pour maintenir le cap fixé par le chef de l’Etat.

 

 

Al-watwan : L’heure est au suivi de la Conférence. Quelles sont les dispositions prises par vos services techniques pour faciliter la mobilisation des fonds promis à Paris?

Saïd Ali Saïd Chayhane (SASC). La mobilisation ou le suivi de la conférence des partenaires n’est pas une affaire uniquement du ministère des Finances. Toutefois, il en fera partie. Nos dispositions sont fondées sur ses missions qui consistent à accompagner techniquement et financièrement l’organe qui sera en charge du suivi de la Cpad en mettant à sa disposition les moyens nécessaires tant humains que financiers pour qu’il puisse effectivement travailler. De même, le ministère facilitera et encouragera le processus de mise en œuvre des projets ciblés afin de repérer les entraves et apporter les solutions idoines pour que les retombées de la Cpad soient axées sur la durabilité et aux objectifs du Pce.

 

Al-watwan : Vous défendez souvent une diplomatie au service du développement. Quelle approche comptez-vous développer pour sensibiliser les partenaires à honorer leurs engagements pris à Paris?


Souef Mohamed El-Amine (SME-A). Nous avons entièrement confiance aux partenaires qui ont fait le déplacement à Paris pour exprimer leur disponibilité à accompagner l’Union des Comores dans sa marche irréversible vers l’émergence. Le président de la République a, en outre, mis en place un comité spécial chargé du suivi des annonces de la Conférence, l’objectif étant justement de faire en sorte que les engagements pris par les uns et les autres se concrétisent dans les meilleurs délais. Nous nous servirons, par ailleurs, de notre réseau diplomatique ainsi que des forums internationaux pour faire ce travail de rappel. Nous ne doutons pas de la sincérité des engagements de nos partenaires et pays amis, mais nous devons aller plus vite pour répondre aux légitimes aspirations du peuple comorien.

Al-watwan : L’Union des Comores négocie un programme triennal avec le Fonds monétaire international (Fmi). A Paris, il y a des fonds accordés sous forme de dons et d’autres sous forme de prêts. Comment réussir une absorption maîtrisée de ces fonds et respecter en même temps les critères de convergence préalables à la conclusion d’un programme avec le Fmi pour assurer la viabilité de la dette extérieure?


SASC : D’abord, permettez-moi de faire un petit rectificatif. Avec le Fmi, nous négocions un programme de référence de six mois que nous comptons démarrer en avril 2020. S’agissant des prêts, il ne s’agit pas de prêts commerciaux qui risqueraient de crever le plafond de l’endettement. C’est plutôt des prêts concessionnels, c’est-à-dire à des taux d’intérêt très bas par rapport aux conditions du marché. Nos emprunts sont contractés en tenant compte des capacités financières de l’Etat. Dans notre cas, nous nous endettons pour créer de la richesse. Nous allons soutenir les secteurs de croissance pour créer rapidement les conditions optimales de remboursement.
Ensuite, certains prêts feront l’objet de contrats B.O.T (Build Operate Transfer). Autrement dit, l’investisseur lui-même construit, exploite durant un temps qui sera convenu en commun accord entre les deux parties, ce qui suppose, remboursement durant cette période et au final, la plateforme construite reviendra à l’Etat. Ce qui évitera un surendettement au pays.
Enfin, effectivement, les Comores ont la capacité d’absorption de ces fonds, la preuve en est que les 80 millions de la Banque mondiale au titre IDA18 (Association internationale de développement, Ndlr) sont déjà engagés et lors des dernières assemblés annuelles à Washington, nous avons négocié un financement additionnel, ce qui montre que le pays a les capacités requises d’absorption.

Al-watwan : En quoi la conférence de Paris est-elle différente de celles de Maurice et de Doha? Qu’est-ce qui va changer cette fois-ci en termes de suivi?


SME-A. Je dois rappeler que la Conférence de Maurice s’est tenue à la fin du mandat du président Azali. Son successeur, au lieu d’en assurer le suivi et de demander aux partenaires de traduire en actes leurs engagements, a préféré organiser une autre Conférence à Doha qui s’est finalement révélée catastrophique en termes de résultats.
La Conférence des 2 et 3 décembre à Paris a deux avantages comparatifs : d’une part, elle se tient en ce début du mandat du président Azali et le gouvernement dispose donc du temps nécessaire pour aller jusqu’au bout de ses objectifs. D’autre part, il est prévu la mise en place d’un mécanisme de suivi dont le chef de l’Etat lui-même va assurer la présidence.

Al-watwan : Il y a un projet qui vous tient à cœur, à savoir la valorisation et le développement des filières de rente (vanille, girofle, ylang-ylang) en vue de la création de la richesse et des emplois. Comment comptez-vous vous y mettre pour faciliter la concrétisation de votre ambition?


SASC : De notre point de vue, la souveraineté économique d’un pays s’apprécie, entre autres, à travers sa capacité à mettre en valeur ses propres produits. En ce qui nous concerne, nous sommes en train de travailler avec les Banques existantes pour les sensibiliser à accompagner les porteurs des projets de ce secteur. Nous sommes en train d’établir un diagnostic pour relever les insuffisances du secteur et nous travaillons dans ce sens avec le Fonds monétaire arabe (Fma) pour mettre en place en Union des Comores tous les outils et les conditions financières devant permettre une augmentation significative de la production dans un premier temps et une première transformation sur place pour créer une plus-value. Nous remercions, à ce propos, le Fma pour sa disponibilité à accompagner ce projet.

 

Al-watwan : Certains pays comme la Russie ne se sont pas prononcés sur leurs engagements financiers malgré leur volonté exprimée de soutenir l’émergence des Comores. Qu’est-ce qui se fait pour convaincre d’autres partenaires potentiels qui n’étaient pas à la Conférence de Paris à intégrer la liste des bailleurs déjà identifiés?


SME-A. : L’engagement de la Russie aux côtés des Comores est une réalité. A titre de rappel, le président Poutine est le premier à avoir félicité son homologue comorien au lendemain de sa victoire, en mai 2019. Il lui a fait part de sa disponibilité entière à soutenir le projet visant à faire des Comores un pays émergent à l’horizon 2030.
Par ailleurs, les dates de la Conférence de Paris ayant coïncidé avec d’autres forums, cela a empêché la présence physique de certains invités, dont des partenaires traditionnels du pays. Toutefois, le gouvernement comorien continue à œuvrer pour élargir le cercle de ses partenaires et attirer des investisseurs sur les domaines déjà identifiés, notamment dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture, du numérique, des énergies renouvelables, etc.

Al-watwan : Le président de la République revient souvent sur les compétences et les capacités techniques limitées au niveau de l’administration publique. Que faire, d’après vous, pour faire en sorte que notre administration soit à la hauteur de l’Emergence, d’une part, et des ambitions de l’Etat en matière de développement, d’autre part?


SASC : Bien entendu, l’atteinte des objectifs du Plan Comores Emergentes (Pce) nécessite des ressources humaines averties. Cela ne signifie pas forcément un manque des ressources mais, de façon générale, le monde évolue rapidement et tous les pays désireux de suivre cette marche, doivent impérativement investir dans le capital humain.
Dans ces conditions, il est impératif de former “les cadres de l’émergence” pour espérer atteindre les résultats escomptés conformément à la planification établie et déclinée dans le Pce. Il nous incombe d’exprimer avec certitude nos besoins actuels et futurs pour accompagner sa mise en œuvre et pour gérer et pérenniser les acquis des investissements que le pays aura à réaliser avec ses partenaires. Je reste convaincu qu’en maintenant cette dynamique, nous allons parvenir à améliorer substantiellement les conditions de vie de la population. Autrement dit, en plus des compétences et des capacités techniques existantes, la nouvelle politique du gouvernement sera d’impulser une dynamique d’excellence en privilégiant le mérite.

Al-watwan : La Chine a mis 60 milliards de dollars à la disposition de l’Afrique à l’occasion du Forum sino-africain organisé en septembre 2018 à Beijing. Mais, à notre connaissance, aucun projet n’a été soumis à ce jour. Comment faire pour mettre nos services compétents au même niveau d’approche que nos partenaires en termes de suivi des projets?


SME-A. : La Chine qui est un partenaire-clé des Comores a été représentée à la Conférence de Paris par l’envoyée Spéciale du président Xi Jinping en Afrique. Les grands projets dont nous nous enorgueillissons aujourd’hui portent la signature de la Chine, notamment le Palais du peuple, le Stade de Maluzini, etc. Les 60 milliards annoncés lors du Focac sont toujours disponibles. La Conférence de Paris nous a permis d’élaborer des projets bancables qui pourraient, d’ores et déjà, être soumis à la partie chinoise. Mais, nous bénéficions déjà des résultats du Forum sino-africain dans le domaine de la formation des cadres comoriens.

Propos recueillis par
A.S. Kemba

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