Bien plus visible que ne l’est par exemple, son homologue américain, le vice-président comorien est un rouage essentiel et actif de la mécanique gouvernementale. Cependant, cette place particulière au sein du pouvoir exécutif l’expose à tous les risques de la routine politique. En témoignent certaines prises de position condamnables et polémiques suscitées. Seulement, la Constitution lui a taillé une part enviable du lion.
Elle lui assure, non seulement, une importance institutionnelle par le statut, ce qui lui place au cœur de l’exercice du pouvoir. Mais,elle lui ménage également une quiétude juridique dans son action en ce que sa responsabilité politique est quasiment impossible à engager.
L’importance institutionnelle de son statut
Primo, le vice-président est un membre du gouvernement. Il est donc un ministre. Mais assurément pas un ministre comme les autres. D’abord, il dispose d’un portefeuille ministériel qui, à en juger par la pratique, est toujours d’une envergure stratégique, voire régalienne. Ensuite, contrairement aux autres ministres,il ne tire pas sa place au sein du gouvernement à la seule volonté du président. Mais, il s’agit d’une exigence constitutionnelle. Une obligation intimée au Président de l’Union par le constituant lui-même.
Deuxio, le vice-président est l’intérimaire du chef de l’Etat en cas de vacance ou d’empêchement définitif de celui-ci. Il est aussi son suppléant lorsque l’empêchement n’est que provisoire. Il faut d’ailleurs préciser que contrairement à une idée répandue, dans ce dernier cas, n’importe lequel des vice-présidents peut assumer cette charge. Rien dans la Constitution n’oblige à ce que ce soit le vice-président issu de l’île à qui échoit la tournante.
Tertio, Le vice-président est enfin une autorité de déconcentration. Tel un “superpréfet”, il est celui qui s’assure de la juste application, dans l’île dont il est issu, des lois de l’Union. Et si l’on rajoute, les prérogatives de contreseing qu’il dispose, le vice-président devient ainsi un pilier de la conduite de la politique nationale. Lui suffit-il de s’opposer pour que le contreseing prenne des allures de droit de veto. Reste que, dans sa grande tradition de mutisme, le législateur organique comorien n’a toujours pas prévu les domaines du contreseing.
Une quiétude juridique dans son action.
Il est irresponsable politiquement.À ce titre, il faut toujours rappeler que le vice-président est un élu de la République. Quel élu ?celui du suffrage universel direct dans le scrutin majeur par excellence : l’élection présidentielle. Il en retire une légitimité importante qui, au même titre que le président de l’Union, lui assure la durée. Rien, hormis un cas d’empêchement définitif ne peut lui enlever sa charge. La tendance présidentialiste de notre régime et aussi vice-présidentialiste.
Prétendre engager la responsabilité de celui-ci reviendrait à révoquer un élu du peuple. C’est impossible. Le chef de l’État lui-même ne saurait décréter la fin de ses fonctions. La pétition de limogeage de l’Assemblée, malgré que ce ne soit pas mentionné dans la constitution, ne saurait toucher un vice-président en sa qualité de ministre. Puisqu’il faut toujours en tout temps que le vice-président ait une charge ministérielle, le limoger reviendrait à violer une obligation de la constitution. Il ne reste que la procédure de haute trahison. Mais c’est une procédure lourde, soumise à des conditions difficiles à remplir et qui paraîtra toujours disproportionnée.
Au final, “superministre”, “superpréfet”, intérimaire et suppléant du Président, le vice-président bénéficie d’un statut constitutionnel renforcé. Hélas, il faut reconnaître que peu sont ceux qui ont réussi à se hisser à la hauteur de la fonction. Surtout, que son irresponsabilité politique n’est pas saine dans une démocratie moderne. À l’heure où l’on assigne à des assises le soin d’améliorer la bonne gouvernance, l’évolution de la fonction vice-présidentielle devrait être au cœur de la réflexion. Il ne s’agit pas forcément de toucher son statut, mais d’aménager des procédures de contrôle à la hauteur de l’importance de celui-ci. Que jamais un élu certes, ne contrevienne à la stabilité politique et à l’Etat de droit.