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Les questions catalane et mahoraise : une proximité juridique ?

Les questions catalane et mahoraise : une proximité juridique ?

Politique | -

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L’indépendance de la République catalane a été proclamée le 27 octobre. Elle a tout de suite provoqué une levée de boucliers dans les principales capitales européennes. Mais la réaction française a particulièrement fait réagir aux Comores. Par la voix de son président, La France affirme ne pas reconnaître cette déclaration pour le respect de l’intégrité territoriale de l’Espagne.

 

Étrange positionnement que celui-là. Surtout, lorsqu’on sait que c’est au nom de deux consultations populaires, en 1974 et 2009, que la France n’a pas hésité à voir dans les résultats mahorais, la volonté d’un peuple disposant de lui-même de valablement choisir de demeurer français, au mépris pour le coup, de l’intégrité du territoire des Comores.

Une grande partie des commentateurs comoriens y dénonce le double discours français. Pourtant, le gouvernement comorien se fend d’un communiqué pour se lier au concert de désapprobation internationale afin de soutenir le Royaume d’Espagne. Témoignage de l’extraordinaire complexité du cas catalan, le rattacher à la question de l’île comorienne mahoraise est tentant. Mais juridiquement, si cette proximité est, certes, défendable, elle n’en reste pas moins à nuancer.

Proximité juridique défendable, assurément. Tout l’argumentaire juridique de la France repose sur l’idée selon laquelle, il faut respecter la volonté des mahorais. Celle-ci se serait exprimée en faveur de son attachement français, à travers les référendums pour l’indépendance et pour la départementalisation. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes justifie l’appartenance de Mayotte à la France.

Ainsi, dans le même ordre d’idée, il eût fallu que la France adopte la même analyse pour la Catalogne. Un référendum a été organisé, les catalans se sont prononcés et à la majorité, ont choisi l’indépendance. Si seul compte le droit des peuples, alors la France aurait dû reconnaître  cette nouvelle république. Exciper de la sacro-sainte souveraineté espagnole ici, alors même qu’elle l’ignore depuis 1975 pour les Comores, ne recouvre pas une logique juridique. Le principe de l’autodétermination ne saurait être à géométrie variable.

Néanmoins, cette proximité juridique doit être tout de suite nuancée. Au regard du droit public, la Catalogne au fond ce n’est pas Mayotte. Par contre l’Espagne c’est les Comores. La question mahoraise prend naissance dans un processus de décolonisation. Par définition, il n’y avait, à cet instant-là, qu’une seule entité souveraine, c’est la France. L’argument de l’intégrité territoriale ne saurait prospérer puisque de territoire comorien, il n’en sera question qu’après l’indépendance. Par contre la Catalogne se place dans une logique, non de décolonisation, mais de démembrement postérieur d’un État souverain, l’Espagne.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’indépendance, mais de sécession. Dès lors, si l’on devait reconnaître cette indépendance au nom du droit à l’autodétermination de cette région espagnole, l’on affaiblirait la cause que l’on prétend pourtant défendre. Il nous faudrait alors reconnaître la départementalisation mahoraise, puisqu’un référendum y a été organisé. Grosso modo, il faut imaginer la Catalogne comme une des îles autonomes de l’Union. Si Mohéli organisait, de fait, un référendum et se proclame indépendante, l’on verrait d’un mauvais œil, tout État qui reconnaîtrait la nouvelle république de Mohéli. Au nom, justement de notre intégrité territoriale minée ainsi par une sécession. Qui d’ailleurs est interdite par notre propre constitution.

Par conséquent, il nous faut prendre garde de ne pas tomber dans la schizophrénie juridique, d’une situation qui autant qu’elle nous affermisse dans notre droit, pourrait aussi nous desservir dans celui-ci. Juridiquement, si la Catalogne est proche de Mayotte pour nous, c’est sûrement à l’égard de la France et son hypocrisie face au principe de l’autodétermination des peuples.

Mais, placée dans la perspective des Comores, la Catalogne n’est pas proche de Mayotte parce que ce serait valider une certaine idée de l’autodétermination des peuples qui injustement, aujourd’hui avec la question mahoraise nous prive d’une partie de notre territoire pourtant internationalement reconnue. Le droit peut être à double tranchant. Selon comme on le manie, il peut être solution ou bourbier.


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