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Les tops et les flops de l’indépendance / Damir Ben Ali : «il y a un certain échec pour l’Etat alors que la société continue à se développer»

Les tops et les flops de l’indépendance / Damir Ben Ali : «il y a un certain échec pour l’Etat alors que la société continue à se développer»

Politique | -

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La proclamation de l’indépendance a créé deux voies, d’évolution de la société, selon l’anthropologue, historien et chercheur Damir Ben Ali. Il y a le peuple lui-même qui croyait l’indépendance comme le départ du colonisateur mais surtout la possibilité d’appliquer les règles de la vie sociale dans les villages. Faire le mariage comme ils voulaient et développer leurs villages. «Sur ce point, à mon sens, il y a eu une réussite sur le plan du développement de la société elle-même», a-t-il fait remarquer montrant qu’avant l’indépendance, il y avait peu d’écoles dans le pays.

 

 

 

 

 

En 1975, il n’y avait qu’un établissement secondaire : le lycée Saïd Mohamed Cheikh de Moroni. Un autre lycée a été ouvert à Mutsamudu à la veille de l’indépendance, se remémore-t-il. «Le ministre de l’éducation de l’époque, Ali Mroudjae, avait érigé le collège de Mutsamudu en lycée. Il y’avait un collège à Domoni, un à Mitsamihuli, un à Fumbuni et un à Mwali. Mais dans tous les collèges, il n’y avait pas d’enseignants comoriens», se rappelle-t-il.

Pour le lycée de Moroni par exemple, il y avait 16 enseignants comoriens sur 200. A partir de l’indépendance, beaucoup d’écoles sont construites généralement par les villages eux-mêmes. «La société elle-même a cru utile d’améliorer leur vie avec l’aide de la diaspora. Ils ont orienté les actions du grand mariage qui apportent des fonds dans les communautés vers des objectifs de développement d’amélioration du cadre de vie», souligne-t-il.

Le premier président de l’Université des Comores rappelle qu’en 2003 quand l’Etat décide d’ouvrir une Université des Comores, il y avait six docteurs, actuellement il y a plus d’une soixantaine. Damir Ben Ali regrette toutefois l’absence de bourses de l’Etat, et que ce soient les bijoux des familles, issus des grands mariages, qui financent en grande partie la formation des enfants. «Quand on a eu l’indépendance, on avait 12 médecins sur l’ensemble du territoire national dont deux pédiatres et trois chirurgiens. Actuellement, nous comptons 64 docteurs dont plus d’une trentaine de spécialistes». 

Concernant les infrastructures, l’anthropologue constate qu’il y a beaucoup d’hôpitaux et centres de santé actuellement dans beaucoup de villages avec des médecins et un personnel qualifié alors qu’avant, il y avait un hôpital à Fumbuni, un à Mitsamihuli plus l’hôpital El-Maarouf. Il y avait un hôpital à Mutsamudu, un autre à Domoni, un à Dzaudzi et un à Fomboni, se souvient-il, racontant qu’avant, pour trouver une pharmacie, il fallait venir à Moroni, «maintenant il faut venir à Moroni aussi parce qu’il y’a une mauvaise organisation mais il y a beaucoup de pharmacies». 

 

Une santé et un enseignement à double vitesse

 

Du côté de l’enseignement, des centres culturels et bibliothèques sont créés par la société, comparativement à l’Etat. «Ce dernier, de mon point de vue, a non seulement stagné, mais aussi il régresse», fait-il remarquer. Idem pour les services publics qui se tarissent. «L’Etat s’occupe très peu de l’enseignement et de la santé. Il paie le personnel enseignant, mais pas tous. Nombreux sont dans le privé, il y en a même beaucoup d’écoles privées qui sont plus performantes que l’école publique. On comptabilise plusieurs cabinets privés». 

Pour la santé, le fondateur du centre national de documentation et de recherche scientifique (Cndrs) évoquera «une santé et un enseignement à double vitesse par ce que l’Etat n’en assure pas convenablement». Sur le plan politique, l’historien mentionnera, avant l’indépendance, deux grands partis, plus d’autres partis comme le Pasoco alors que maintenant les gens qui s’intéressent au domaine de l’Etat se sont, selon lui, éparpillés. «Il y a des dizaines de partis politiques, cela montre qu’ils n’ont pas une vision commune du développement de l’Etat», devait-il déplorer. 

Damir Ben Ali évoquera ainsi le communautarisme qui reste une vision de la société encouragée par la diaspora. «Cette dernière a créé un système de villages depuis l’étranger, ils se regroupent et soutiennent leur localités. Mais elle n’a pas créé la notion de l’Etat, sauf en ce moment avec les manifestations politiques. On ne sait pas si cela va déboucher à une conscience de l’existence de l’Etat. Mais pour le moment c’est la même rengaine, on est contre celui qui est au pouvoir et celui qui au pouvoir est contre celui qui est dans l’opposition. Toutefois, il n’y a jamais eu de mobilisation de la diaspora comme ça. Est-ce que cela va vers une conscience nationale au détriment du communautarisme ? Cela pourrait être quelque chose de positif malgré la crise actuelle. Parce que des crises, il en ressort parfois quelque chose d’intéressant», ajoute l’anthropologue. 

Selon le fondateur du Cndrs, Damir Ben Ali, côté économie, dans le cadre des activités villageoises, l’argent qui circule vient de l’extérieur, le pays ne produit pas. «Avant quand on parlait de notables, ce sont des gens qui avaient un poids énorme avec des économies considérables, car le pays exportait du coprah, de la vanille, de l’ylang et ces produits appartenaient aux notables. Maintenant, les champs ne sont plus cultivés parce que les jeunes partent vers l’extérieur. On a ce qu’il faut pour manger et ça vient de l’extérieur», regrette-t-il. 

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