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Droit et actu : Loi de finances rectificative, et si on clarifiait les lignes ?

Droit et actu : Loi de finances rectificative, et si on clarifiait les lignes ?

Politique | -   Contributeur

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L’Assemblée de l’Union est convoquée en session extraordinaire pour examiner le collectif budgétaire qui sera présenté par le gouvernement. On se souvient de la dernière fois que le législateur financier a été sollicité par l’exécutif.

 

S’en était suivi une première : le rejet de la loi de finances. Finalement, une session extraordinaire se tenait quelques jours plus tard, et tout rentrait dans l’ordre. Aujourd’hui, c’est une nouvelle session extraordinaire qui est appelée à se réunir pour corriger les prévisions de la loi de finances en cours.

Il s’agit parfaitement d’une prérogative constitutionnelle du président qu’il lui est loisible d’exercer. Il le fait à sa discrétion. Seulement, on peut s’interroger sur sa pertinence alors même que la session ordinaire du Parlement est prévue pour octobre.

N’aurait-on pas pu attendre ? Surtout qu’une loi de finances rectificative apporte des modifications qui ne peuvent concerner que l’année budgétaire en cours. Corriger un budget à trois mois de la fin de l’exercice fiscal laisse tout de même assez dubitatif. Cela étant dit, il n’y a rien de condamnable, le président est dans le libre exercice de ses pouvoirs et sans doute a-t-il ses raisons.


La loi de finances, pour être adoptée, requiert un vote positif de la majorité des deux tiers de l’Assemblée. Comprenez par là qu’il faut une majorité des deux tiers de tous les membres composant l’Assemblée. Soit, au moins, 22 sur 33 députés. Nous avons déjà pu exprimer nos réserves sur une telle exigence.

Demandez une majorité aussi qualifiée pour une loi qui reste ordinaire, fut-elle qualifiée de loi de finances est, nous semble-t-il, exagéré. Il s’agit, à dire vrai, de la même majorité que celle requise pour réviser la constitution.

Toujours est-il qu’il faudrait voir dans cette loi de finances rectificative une occasion de clarifier l’échiquier politique. On peut effectivement considérer que la rupture consommée entre Crc et Juwa a rebattu les cartes. Sans compter la fébrilité présente dans quasiment toutes les formations politiques.

La mise aux voix d’une loi de finances, même rectificative, forcerait les uns et les autres à se positionner. Et ce n’est pas qu’une affaire de chaise musicale, c’est primordial pour un fonctionnement lisible des institutions.


La Constitution est telle que par la disposition des choses, le mandat du président équivaut à un blanc-seing. Il est élu, après le scrutin majeur, par le plus grand nombre des comoriens. Il a assez de légitimité pour s’assurer, d’abord, la durée de son règne jusqu’au terme de son quinquennat, s’assurer, ensuite, l’autorité de ses pouvoirs propres et enfin, l’irresponsabilité de sa politique.

Et à l’approche d’assises qui pourraient s’avérer décisives, il faut arriver à identifier où se trouve le pouvoir, quelle politique il mène et face à quelle opposition. Lors de la session extraordinaire qui s’ouvre, ceux qui voteront le budget seront ceux qui acceptent d’accorder au gouvernement les moyens de sa politique.

A contrario, ceux qui voteront contre marqueront leur réticence voire leur hostilité. Dès lors, chacun sera en mesure, devant le suffrage universel, d’en rendre compte.


Nous avions déjà consacré, dans ces colonnes, une chronique sur les fictions du droit. Elles ont toutes échoué dans ce pays. Mais il y en a une qu’il faudrait à tout prix sauver, celle de la suprématie de la Constitution. Et avant de penser à modifier les règles du jeu, encore faudrait-il que les joueurs se hissent au niveau des enjeux. Le Parlement est le siège de la représentation nationale.

Elle est la seule qui adopte le budget ou qui peut refuser de le faire. Le tout étant de toujours penser à l’intérêt général. Alors, messieurs les députés, ceux parmi vous qui estimerez les prévisions irréalistes ou inadaptées au développement du pays, votez contre et assumez l’opposition au chef de l’État.

Ceux qui en revanche estimeront que le collectif budgétaire est à même de consolider la trajectoire vers l’émergence, voter pour et assumer le soutien au chef de l’État. Mais, n’oubliez jamais, celui qui vous a octroyé vos prérogatives, vous a accordé mandat pour le représenter et vous a missionné pour exprimer la volonté générale, ce sont les citoyens.

Alors, de grâce, clarifiez les lignes devant les institutions constitutionnelles. Puis, plus tard, assumez devant le peuple souverain.

Mohamed Rafsandjani
Constitutionnaliste,
Doctorant en droit public,
Chargé d’enseignement à l’Université de Toulon

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