Et lorsqu’on sait que le reproche essentiel qu’elle adresse au gouvernement et celle de manquer d’égard envers la Constitution et l’État de droit, force est de reconnaître qu’elle-même n’est pas en reste. La Constitution, soucieuse de se protéger a prévu des mécanismes juridiques de rétorsion. Elles sont toutes à la portée de l’opposition qui n’en fait aucun usage. Soit parce qu’elle ignore jusqu’à leur existence soit parce qu’il lui est profitable de garder le débat au niveau de la même bassesse que l’adversaire : la politique politicienne.
Des élus de la Nation
Que l’opposition, notamment parlementaire, se remette dans le bon sens du droit. Que ceux qui s’en réclament se rappellent qu’ils ne sont pas les élus de l’opposition mais ceux de la Nation ; qu’ils ont le pouvoir de mettre fin aux mesures exceptionnelles du président ; Et qu’ils ont aussi le droit d’initier une révision constitutionnelle.
Comme le rappelle la Constitution, pour au moins 24 d’entre eux, les députés sont élus au suffrage universel direct pour représenter, non pas le peuple, mais la Nation. Ils sont le choix de la majorité absolue du suffrage universel.
Les seuls dans notre République. Même le président de l’Union n’est jamais que le choix du plus grand nombre. Et l’on sait, depuis 2016, que le plus grand nombre peut-être minoritaire. Aussitôt élus, dans l’hémicycle ou ailleurs bordé de leur cocarde, ils cessent d’appartenir à un parti ou à une région. Leur préoccupation est celle de la volonté générale. Il faut alors que cesse cette maladresse contraire à la Constitution consistant à se considérer comme les élus de l’opposition. L’opposition n’a pas de représentant, la Nation seule a ce privilège. Lorsqu’elle s’oppose au gouvernement, réclame le respect de tel droit ou l’observation d’une telle disposition constitutionnelle, l’opposition doit toujours garder à l’esprit que c’est vers l’intérêt général que doit se diriger son combat.
La possibilité juridique des élus de mettre fin à la situation exceptionnelle
La Constitution a en effet donné la possibilité au président, face à des circonstances exceptionnelles, de prendre les décisions justifiées. Seulement, afin de prévenir et sanctionner tout abus dans l’utilisation d’une telle disposition, la Constitution a ménagé une porte de sortie de secours. Il s’agit de l’Assemblée de l’Union. D’abord, même en situation exceptionnelle, il est hors de question que le Président dirige tout seul, alors la Constitution fait siéger le parlement de plein droit. Nul besoin pour elle d’être convoquée.
Ensuite, elle peut décider de stopper le président si des décisions deviennent aventurières par un vote à la majorité des deux tiers, soit 22 députés sur 33. Il suffit de comptabiliser les signatures recueillies dans le mémorandum contre les assises pour se rendre compte que sur une quarantaine de signatures, 21 députés y ont émargé. Ils eussent mieux servi leur fonction à voter la fin de l’utilisation de l’article 12-3 quand on sait qu’ils étaient 21 sur les 22 exigés.
La possibilité d’initier un contre-projet de révision
Contrairement à ce que l’opposition avance, elle n’a pas à être consultée par le présidentlorsque,ce dernier décide d’amorcer une révision. L’adverbe “concurremment” employé par l’article 42 de la Constitution n’exprime pas une prérogative conjointe. Cela signifie simplement que de la même manière que le président seul peut enclencher une réforme constitutionnelle, un tiers des députés seuls, soit 11, peuvent aussi le faire.
Dès lors, si l’opposition parlementaire estime que la révision envisagée est mauvaise, elle peut toujours engager son propre projet de révision pour promouvoir les modifications qu’elle aura estimé appropriées. Il s’agit d’une prérogative que les députés peuvent exercer à tout moment. L’on peut très bien imaginer, une proposition de révision initiéeconcomitamment que le projet présidentiel. Cela aurait peut-être le mérite de conduire les uns et les autres à discuter. La révision serait plus consensuelle au lieu d’être le vecteur d’intérêts partisans.
On le voit bien, il ne faut jamais désespérer de la Constitution. Elle porte en elle, les mécanismes de sa propre protection. Des dispositions pour que le pouvoir arrête le pouvoir. Notre malheur étant que les gouvernants, et les opposants déplacent toujours la compétition politique en dehors de la Constitution. Une compétition sans règle du jeu où le plus fort du moment oppressera toujours le plus faible. À ce jeu de dupes, ce sont les citoyens qui en subiront les dommages collatéraux. Alors, moins de politique et plus de droit…