Vous êtes l’ambassadeur des Comores en République populaire de Chine. L’année 2018 a été marquée par le Forum Chine-Afrique. Quel bilan faites-vous de ce grand rendez-vous économique entre la Chine et les pays africains ?
Il y a cette importante annonce de la Chine sur les investissements en Afrique d’une enveloppe de 60 milliards de dollars destinés à accompagner le développement des pays africains dans le cadre bilatéral et multilatéral. Le chef de l’Etat (en congé, Ndlr) a visité de nombreuses entreprises et a rencontré des chefs d’entreprises. Il appartient aux pays de soumettre les projets. Mais je crois que l’accueil réservé à notre président témoigne bien de la profondeur de la coopération entre la Chine et les Comores. Le ministre des Affaires étrangères a également poursuivi les discussions avec les autorités chinoises à l’occasion du sommet sino-arabe. Les opportunités sont là, il reste à créer les synergies nécessaires pour capitaliser la visite du président.
Concrètement, il faut faire quoi maintenant ?
Il faut une politique économique adaptée au modèle chinois pour attirer davantage des investissements et des hommes d’affaires chinois aux Comores. Nous, au niveau de l’ambassade, nous y travaillons. Nous avons entré en contact avec la chambre de commerce des Comores pour voir comment ouvrir un bureau à Pékin pour vendre les Comores. Et puis le ministre Souef Mohamed El-Amine compte prochainement engager le processus de mise en place des bureaux économiques dans toutes les représentations diplomatiques des Comores. Tout cela pour promouvoir la destination Comores et attirer les investisseurs chinois et asiatiques. Le but est de mobiliser les ressources nécessaires au financement de notre stratégie de développement.
Et qu’est ce qui a été fait jusqu’ici ?
Les deux pays ont déjà créé la commission mixte Comores-Chine. Des travaux sont engagés pour réactiver en 2019 cette commission. Une réunion est programmée en 2019. Des discussions sont en cours. Il ne faut pas oublier que le président Azali Assoumani a visité une grande université. Des accords de principes ont été arrêtés pour faciliter les jeunes étudiants comoriens qui souhaitent bien poursuivre leurs études en Chine. L’Université de Tan-Jin a accepté d’accorder des bourses au gouvernement comorien suite à cette visite du chef de l’Etat. En 2011, il y avait 30 étudiants comoriens en Chine. Ils sont environ 200 aujourd’hui. La Chine accompagne l’armée comorienne à différents niveaux, surtout au niveau de la formation.
La Chine ne s’intéresse pas beaucoup aux secteurs productifs, l’agriculture en particulier…
Il y a des entreprises chinoises qui sont là de façon permanente pour assurer l’exécution des travaux dans divers secteurs. Le nombre d’entreprises chinoises augmente année après année. Ce qui montre la vitalité de notre coopération avec ce grand pays frère. Une mission chinoise est attendue incessamment à Moroni pour le suivi du programme d’éradication du paludisme.
Et au niveau de l’agriculture ?
En 2014, les deux pays ont signé un mémorandum d’entente qui prend en compte le soutien du secteur agricole aux Comores. Il y a eu une mission d’experts chinois aux Comores pour évaluer les besoins dans le secteur. Les Chinois ont fait leur pas, c’est à nous maintenant de présenter nos besoins. Il faut élaborer une politique agricole dans ce sens. Il y a des dons qui peuvent être accordés à l’Etat comorien. Il y a des lignes de crédit réservées aux entreprises et coopératives agricoles. Il nous appartient à faire le suivi nécessaire pour absorber les fonds mis à la disposition de notre pays.
Il était question d’inaugurer le stade omnisport de Maluzini en janvier 2019. Qu’est-ce qui s’est passé ? Y-aura-t-il un officiel chinois de haut rang à cette cérémonie ?
Il y a eu des soucis techniques qui ont été à l’origine du report. Les Chinois ont des fêtes sacrées au mois de janvier. L’ambassade des Comores en Chine a beaucoup travaillé dans ce sens en partenariat avec les Chinois pour fixer l’inauguration du stade au mois de mars prochain.
Vous êtes ambassadeur au Japon. Cette année la Ticad sera organisé au Japon. Qu’est ce qu’il faut attendre de ce rendez-vous entre le Japon et les pays africains ?
D’abord, il faut comprendre que la coopération entre les Comores et le Japon a été redynamisée ces dernières années. Il y a eu la visite à Moroni du vice-ministre japonais. Il y a eu aussi la visite du ministre japonais de la Culture. Le Secrétaire d’Etat comorien s’est rendu au Japon. Il y a donc des échanges. Le Japon a revu en hausse ses dons au profit de l’Afrique. Là aussi, il faut que le pays se prépare à soumettre des projets lors du forum de la Ticad.
De nombreux Comoriens croient toujours savoir que la coopération avec le Japon se limite sur le don du riz japonais.
Il faut comprendre que ce don permet de financer des projets et programmes du gouvernement. Le don du riz rapporte des ressources à l’Etat injectées dans divers secteurs. Il y a une assistance japonaise au niveau de la sécurité civile avec le Cosep, notamment dans la prévention et la gestion des catastrophes naturelles. Il y a aussi des programmes convenus dans le secteur de l’Education. La Jica (agence japonaise en charge de la coopération internationale, Ndlr) accompagne diverses activités aux Comores.
Le don du riz japonais, c’est quand même infime, comparé à ce que fait le Japon ailleurs…
En vérité, il se pose un problème de proximité avec le Japon faute d’une ambassade sur place. Mais il existe bien des opportunités. A l’initiative de mon ministre, j’ai rencontré le directeur de l’Agence de pêche japonaise et des responsables de sociétés. Le but est de voir ce qu’elles peuvent faire sur place. Mais il faut la proximité. C’est pourquoi notre ministre a demandé solennellement l’ouverture d’un bureau de la Jica à Moroni pour marquer la présence du Japon aux Comores. Un bureau sera prochainement ouvert à la demande du gouvernement comorien.
Vous êtes ambassadeur en Indonésie et en Malaisie…Quel est le niveau de notre coopération ?
Avec l’Indonésie, la coopération est un peu limitée. Avec la Malaisie, nous avons commencé dans le secteur de l’Education. Des bourses d’études sont mises à la disposition du pays dans divers secteurs.
La Chine, le Japon, l’Indonésie et le Malaisie, ce sont des pays émergents avec une croissance économique enviable. Que faut-il faire en tant que pays pour y tirer avantage ?
Il faut une politique de développement adaptée à ces pays. Il y a bien des opportunités pour attirer des investissements asiatiques aux Comores. Notre pays doit aller vers ces pays, y tirer profit, bénéficier des technologies, attirer des capitaux et des investisseurs. Ce sont des pays émergents, nous pouvons suivre leurs modèles de développement pour accompagner la politique de l’Emergence prônée par nos plus hautes autorités.
Propos recueillis par
A. S. Kemba