Il y a de cela une semaine et demie, l’Union de l’opposition annonçait un grand rassemblement à Paris place Trocadéro, Marseille, Dakar, Tananarive. Cette manifestation prévue pour “dire non à la réinstauration de la dictature aux Comores”, selon les propos du député Abdallah Tocha Djohar, intervient dans un contexte de crise mahoraise qui voit les Comores et la France être à couteaux tirés.
Le pays étant dans une situation de défense de l’intégrité territoriale, la pertinence d’une telle manifestation se pose. En effet, certaines langues estiment qu’une telle démarche n’aurait rien de probant et à l’inverse, elle fragiliserait considérablement la position du gouvernement face à la question de Mayotte. Un gouvernement qui essaie pourtant de s’affirmer et de faire face à la puissance occupante.
Ce rassemblement, dès lors qu’il est organisé en ces temps de crise, pourrait servir uniquement la cause française. “L’appel à manifester contre la “dictature” devrait être reporté compte tenu de la situation à Mayotte… l’heure est à l’union et non à la diversion”, a posté sur Facebook, Daoud Halifa qui laissera entendre, par son message, qu’une telle manifestation en temps pareil, aurait une forte connotation de vengeance politique.
Les appels à l’annulation ou du moins à l’ajournement de la manifestation pullulent sur les réseaux sociaux à l’image d’Ahmadou Mzé qui appelle opposition et société civile à l’unisson pour défendre l’intégrité territoriale du pays. “Pas de manifestation en ce moment” clame-t-il.
Soutenir le gouvernement
Ahmed Rayane, autre internaute lance un appel solennel pour soutenir le gouvernement et non pour ouvrir d’autres brèches et d’autres fronts de combats qui risqueraient d’éparpiller l’action du gouvernement en pleine bataille pour la souveraineté territoriale du pays. “Nous appelons nos compatriotes de la diaspora à annuler la manifestation prévue le 2 avril contre le gouvernement ou contre Azali Assoumani”, a-t-il lancé avant de proposer le changement de mot d’ordre pour soutenir l’intégrité territoriale du pays et de s’insurger contre les exactions à Mayotte.
Pour Ahmed Rayane, “la patrie est en danger, l’intérêt de la nation et du peuple doit passer au-dessus de l’intérêt personnel. Avec le contexte actuel, ce genre de manifestation sera relayé par la presse et rajoutera par conséquent de l’huile sur le feu à la crise actuelle entre la France et les Comores sur le dossier mahorais”. Dans un long message, Saandi Assoumani estime que “dans les circonstances actuelles, il me semble que le défi majeur que tout le pays, citoyens et dirigeants, nous devons relever, c’est de trouver une réponse appropriée sur la tournure de la question de Mayotte. Nous devons à la fois éviter une catastrophe humanitaire, faire avancer notre droit de souveraineté sur cette Ile. Dans ce combat, un gouvernement nous représente. Je trouve que la manifestation prévue le 2 avril en France, si elle réussissait, aura comme effet de fragiliser la position des Comores sur la crise de Mayotte”.
Pourtant, il n’a pas manqué de souligner qu’il était choqué et frustré par “les pratiques du pouvoir en place” avec des droits politiques “bafoués et des indicateurs d’une mauvaise gouvernance visibles”.
Intérêt national
Saandi Assoumani trouve invraisemblable qu’en ces temps de crise ouverte, que certains portent des messages dissonants. Il appelle à la fibre patriotique et à l’arrêt de cette manifestation. “Après la crise mahoraise, on pourrait organiser une grande manifestation au cours de l’été aux Comores mais pas en France”, devait-il proposer. Pour d’autres, c’est justement là où le bât blesse. Ils dénoncent des droits et libertés bafoués à commencer par la liberté d’expression. C’est du moins le sentiment de Mohamed Elarif Saadi. Pour ce dernier, “la défense de la démocratie n’a pas de couleur politique, nous concerne tous. Non à la dictature aux Comores, oui à la démocratie et à un État de droit. Il n’y a pas une circonstance atténuante pour dénoncer une dictature. Dites nous qu’il n’y en a pas. On se bat contre la dictature et pour les libertés dont celle d’expression. Donc, c’est bien que tout le monde exprime son opinion sur Facebook car aux Comores sur le terrain ce sera impossible. Il serait peut-être lynché ou lapidé”.
Un autre Comorien répondant au nom d’Ali Said Ali trouve que les opposants à la manifestation de Paris cherchent des prétextes en évoquant l’intérêt national. “Il faut qu’ils assument leur attitude dictatoriale comme celle de la France face au problème de Mayotte. La démocratie n’est pas négociable avec quoi que ce soit. De toutes les façons les soutiens d’Azali n’ont jamais voulu de liberté. Ils ont peur du peuple. Ils interdisent des Comoriens de circuler (aller à Moheli) comme la France qui met une barrière pour aller à Mayotte”, a-t-il avancé.
Mohamed Youssouf