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Mayotte : le chef de l’Etat reste ferme

Mayotte : le chef de l’Etat reste ferme

Politique | -   Mohamed Youssouf

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Dans cet entretien exclusif accordé à Al-watwan et à la chaine Cgth à Bejing, le chef de l’Etat revient sur le conflit mahorais qui oppose la France et les Comores en estimant que «nous sommes prêts à préserver les intérêts de la France du moment où, Mayotte revient dans son giron naturel. Il en va de notre sécurité nationale parce qu’à titre d’exemple, les assassinats de deux présidents et la déportation d’un troisième, qui sont les œuvres de Bob Denard, ont un point commun, à savoir Mayotte». En ce qui concerne la relation «fructueuse» entre les Comores et la Chine, Azali Assoumani parle «d’une coopération visible de part les réalisations depuis 1975» et estime que les Comores, plus que quiconque sur le continent noir, ont «plus tiré avantage de cette coopération gagnant-gagnant avec la Chine».

 

Trois jours après son entretien avec le président chinois, Xi Jinping, et deux heures après la clôture du sommet sur la coopération sino-africaine de Beijing 2018, le président de la République, Azali Assoumani, a accordé un entretien exclusif à Al-watwan et à la chaine chinoise Cgtn (en français) mardi dernier. Amené à réagir sur les propos du président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui réfutait l’idée  du néo-colonialisme en Afrique, Azali Assoumani a estimé qu’en ce qui concerne les Comores, les effets néfastes du colonialisme se font toujours sentir.


«Peut-être que le président sud-africain parlait pour son pays en ce sens que tout le monde est libre. En ce qui nous concerne, nous pouvons affirmer le constat selon lequel, les pays anciennement maîtrisés par les britanniques ne subissent jamais d’ingérence de la part de l’ancienne puissance colonisatrice. Une fois que ces pays atteignent la souveraineté internationale, les Anglais s’en vont et n’exercent aucune ingérence. Malheureusement, ce n’est pas le cas des Français. L’exemple des Comores est frappant quand Bob Denard débarque deux fois pour assassiner deux présidents, faire irruption une troisième fois pour déporter un président à la Réunion et le tout en passant par Mayotte, une île comorienne. L’on ne peut pas réfuter l’idée que les  Français partent mais que les problèmes demeurent. L’on peut tourner la page mais l’on ne peut pas nier», devait expliquer le chef de l’Etat.

 


Très prolixe sur cette question particulière, Azali Assoumani rappelle que les événements de 1978, 1989 et 1995 sont «des réalités vécues». Le président de l’Union estime que «le retour de Mayotte dans son giron naturel est une question de sécurité nationale. Si des déstabilisations des Comores peuvent parfois être d’origines internes, la plupart des événements néfastes qui surviennent dans le pays ont un dénominateur commun, à savoir Mayotte. Tout ou presque passe par cette île, que je rappelle, comorienne aux yeux du droit international.

Mayotte, priorité nationale

Nous  avons une histoire et plus de 300 mille Comoriens vivent en France raison pour laquelle nous avons une relation à entretenir et à développer. Toutefois, dites à la France que nous sommes prêts à préserver ses intérêts mais que Mayotte nous revienne. Elle est cruciale pour nous et elle en va de notre sécurité nationale». Quant à la relation bilatérale entre les Comores et la Chine, celui qui s’estime être «personnellement un ami de la Chine» loue une coopération fructueuse aux résultats visibles et incontestables. Selon les propos du premier magistrat du pays, «les relations diplomatiques entre les Comores et la Chine sont des relations difficiles à décrire puisque tellement franches, sincères voire même fraternelles. Depuis 43 ans, la Chine demeure l’une des puissances pour ne pas dire la seule à entretenir des relations sans discontinuité et qui vont crescendo avec notre pays. Une coopération qui va en s’améliorant raison pour laquelle, pour les Comoriens, fêter l’indépendance et nos relations avec la Chine demeure une grande fête», dira-t-il avant d’insister sur le caractère gagnant-gagnant de ce partenariat.

 


Pour Azali Assoumani, en terme de nombre de population, «les Comores ont gagné plus dans cette coopération sino-africaine  qu’aucun autre pays du continent. On a plus gagné que les autres et nous allons en gagner davantage». Il mettra l’accent sur le fait que les Comoriens nés depuis 1975 «connaissent la Chine par la visibilité de ses réalisations dans le pays à l’image du Palais du peuple, de la réfection de l’Aéroport international Moroni prince Said Ibrahim ou encore le stade omnisports de Maluzini». Il reconnaitra, par ailleurs, que les deux pays ont un point commun, à savoir, le combat pour l’intégrité territorial. «Nous sommes derrière la Chine dans son combat pour Taiwan et la Chine nous soutient pour la réintégration de Mayotte dans son ensemble comorien, malgré le refus de la France. Je tiens à préciser que contrairement à d’autres puissances, les investissements de la Chine sont visibles». A ce propos, Azali Assoumani a confirmé l’organisation prochaine d’une visite d’Etat entre lui et son homologue chinois.


Toujours sur le volet de la coopération bilatérale, le président de la République annonce avoir échangé avec une société chinoise prête à s’investir dans le domaine des infrastructures dans sa politique qui vise à atteindre l’émergence à l’horizon 2030. «La Chine se montre disposée à nous soutenir dans les différents domaines notamment dans les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Du fait de notre situation de pays insulaire, nous devons développer nos liens avec le continent mais aussi entre nos îles. C’est une question d’Unité nationale et à ce propos, suite à une visite que j’ai effectué sur le terrain, une société chinoise se montre disposée à investir pour les ports et l’aéroport», détaille-t-il avant de revenir sur le secteur de l’énergie. Pour le chef de l’Etat, le pays dispose de toutes les potentialités notamment avec le Karthala, les mers, le vent et le soleil. «L’on va discuter avec notre partenaire chinois pour dégager les voies et moyens devant permettre d’investir dans les énergies renouvelables. Du fait de notre appartenance à des organisations comme la Sadc, les sociétés chinoises peuvent s’implanter aux Comores et viser non pas seulement le marché comorien mais également le marché régional grâce aux accords de libre échange que nous avons signés concernant la circulation douanière».


Azali Assoumani évoquera, en outre, la formation, toujours dans le cadre des relations bilatérales avec la Chine,  avant de rebondir sur l’annonce du président Xi Jinping  lors de l’ouverture du sommet sur la coopération sino-africaine, lundi dernier, scellant l’effacement de la dette de certains pays africains. «Il ne s’agit pas de la première fois que la Chine décide d’effacer l’ardoise de certains pays africains en ce qui concerne les dons, prêts sans intérêts et prêts avec intérêts. En ce qui nous concerne, nous allons nous pencher sur nos prêts avec intérêts pour voir comment nous pouvons tirer profit de l’engagement du président Xi Jinping. Je suis convaincu que nous serons parmi les bénéficiaires de cette mesure», affirme le chef de l’Etat.

La Chine derrière l’émergence

Interrogé sur l’éventualité de compter sur une participation des Comores dans la prochaine exposition internationale des importations qui sera organisée à Shanghai, en novembre prochain, pour la valorisation de nos produits d’exportations, le locataire de Beit-Salam a évoqué la nécessité de créer un label comorien pour tirer le maximum de profits de nos produits. «Nous avons l’Ylang Ylang, la vanille, le girofle mais malheureusement l’on exporte ces produits à des prix en deçà des standards mondiaux. L’on vend les produits bruts pour la transformation notamment pour l’ylang pour obtenir des parfums vendus parfois dix fois plus chers. Nous poursuivons l’idéal visant à créer un label pour les produits comoriens et pour cela, nous devons disposer des capacités pour transformer nos produits sur place pour obtenir une économie additive. Un moyen efficace pour résoudre le problème de l’emploi des jeunes. Ces derniers auraient non pas des postes précaires dans des bureaux mais de bons emplois dans l’entreprenariat», soutenait le chef de l’Etat.

 


Pour finir, le président Azali Assoumani s’est attardé sur la coopération entre l’Afrique et la Chine d’une façon générale puisqu’il parle d’une coopération gagnant-gagnant «efficace, sincère et discrète». «A un moment donné, le monde était divisé en deux blocs, Est-Ouest. La Chine avait réussi à maintenir des relations avec les pays africains aussi bien de tendance Est qu’Ouest. Raison pour laquelle, à la fin du blocus, la Chine est devenue plus présente sur le continent. La Chine a beaucoup fait pour l’Afrique et j’estime que nos pays ont plus gagné comparé à la Chine dans cette coopération gagnant-gagnant. Elle s’est démarquée par sa propension à se tenir à l’écart des affaires internes des pays. A travers ce partenariat, la Chine a gagné notre cœur», confirmera Azali Assoumani.


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