Parlons un peu de la décolonisation des Comores. La France a organisé une consultation d’autodétermination le 22 décembre 1974; les habitants de la Grande-Comore, d’Anjouan et de Mohéli votent à plus de 95% pour l’indépendance des Comores, les Mahorais ont voté à plus de 64% pour le maintien au sein de la France. L’Onu avait d’ailleurs mis en garde la France dans une résolution adoptée à l’assemblée générale quelques jours avant le scrutin. Elle "priait le gouvernement français de faire en sorte que l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores soient respectées". L'Onu donne raison aux Comoriens et condamne par une vingtaine de résolutions différentes l'occupation de Mayotte par la France. L'Onu "demande au gouvernement français de se retirer immédiatement de l’île comorienne de Mayotte, partie intégrante de la République indépendante des Comores, et de respecter sa souveraineté".
Les plus éclairés savent très bien que cette occupation illégale de la France à Mayotte, rendue possible grâce à son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies, est d’ordre stratégique, elle permet de renforcer, avec l’île de La Réunion, sa présence dans l’Océan indien et dans le Canal de Mozambique. Les résolutions prises par l’assemblée générale des Nations unies à l’encontre de la France ne sont que symboliques.
Une question de droit**
Les gouvernements de gauche ou de droite n’ont jamais affiché une réelle volonté de rattraper le retard de Mayotte. Savez-vous pourquoi? Parce que la France a un pied dedans et un autre dehors et que le droit international a toujours été du côté des Comoriens. Pour exemple, les compagnies aériennes qui souhaitent desservir Mayotte doivent payer des royalties au gouvernement comorien car l’espace aérien, même au dessus de Mayotte, est considéré comme étant comorien. Eh oui l’espace aérien est délimité par des conventions internationales, qui ne reconnaissent pas Mayotte comme faisant partie d’un espace aérien français.
Savez-vous, à ce propos, que le Mozambique, a exigé de la compagnie aérienne française Ewa basée à Mayotte, des autorisations du gouvernement comorien pour pouvoir se poser à Pemba? Ce que cette dernière a fait.
Le statut de Mayotte n’est pas si clair et la France est très gênée que plus de cent quatre vingt membres des Nations unies votent régulièrement, des résolutions qui la condamnent pour sa présence à Mayotte.
Parlons des jeux des îles de l’Océan indien, qui ont été créés en 1979 à l’initiative de la France et du Cros de La Réunion. La charte instituant les jeux et approuvée par la France, exclut toute participation de Mayotte. Bien évidemment les Comores seules ne sont pas en mesure d’obtenir un tel accord de son "ancien" colonisateur, les pays souverains de la région (Maurice, Madagascar, Seychelles) ne reconnaissent pas, eux non plus, Mayotte française et ont toujours voté les résolutions de l’Onu qui condamnent la France pour sa présence sur cette île. En 2003, le président des Comores a accepté l’adhésion de Mayotte en tant que membre du Conseil international des jeux (Cij) mais des conditions ont été exigées et approuvées par la France. Par exemple, Mayotte participe aux réunions de toutes les instances du Cij mais n’a pas de droit de vote et n’a pas, non plus, le droit d’arborer un quelconque symbole de l’Etat français (hymne et drapeau).
"Violation de la charte des jeux"
En 2011, la huitième édition des jeux s’est déroulée aux Seychelles, c’est aussi l’année de la départementalisation de Mayotte. La délégation mahoraise, sous l’impulsion de M. Zaidani, président du Conseil départemental, a tenté d’enfreindre la charte des jeux en scandant haut et fort qu’en tant que 101e département français, les athlètes mahorais sont en droit de défiler sous le drapeau français et de chanter l’hymne national en cas de médaille. Le comité des jeux a tout de suite réagi en menaçant l’exclusion immédiate de la délégation mahoraise si elle ose montrer le moindre signe ostentatoire d’appartenance à la France. En 2015, la France a organisé la violation de la charte des jeux en autorisant à la délégation de Mayotte de défiler sous son drapeau ; les jeux ont alors été gâchés avec le départ de la délégation comorienne. Lors de la clôture des jeux, la délégation de Mayotte s’est faite toute petite.
La responsabilité de la France et des élus mahorais est grande dans ce fléau. Depuis l’accession à l’indépendance des Comores, la France a commandité plusieurs coups d’Etat, créant une instabilité politique, sociale, juridique et économique. Le but étant de maintenir Les Comores dans un état de pauvreté et de dépendance économique, rendant ainsi la question de Mayotte caduque. Quelles sociétés ou quels hommes d’affaires s’aventureraient à investir dans un pays instable politiquement? Les élus mahorais ont, quant à eux, toujours refusé d’envisager la prise en charge des mineurs isolés (entre 4500 et 6000), car selon eux, ce sont des Comoriens et donc pas question d’allouer un quelconque budget dans la construction de structures d’accueil. Une bombe à retardement qui explose aujourd’hui car ce sont principalement ces jeunes qui commettent les violences aujourd’hui.
La France est seule responsable des maux des Mahorais et des autres Comoriens. A partir du moment où le gouvernement des Comores ne reconnait pas Mayotte dans le giron français, comment peut-on lui demander de faire l’effort de traquer les passeurs ou de détruire les kwasas kwasas dans la mesure où, pour l’Etat Comorien, ses ressortissants sont chez eux à Mayotte.
A cause de la France
La question politique de Mayotte ne sera pas résolue de si tôt. Pendant ce temps, des milliers de vie périssent dans l’océan. Les Mahorais, de leur côté, vivent dans l’insécurité totale à cause des mauvais choix de la France. Augmenter le nombre de policiers ou de gendarmes ne résoudra rien. Tant que de vrais projets de développement de l’ensemble des îles ne seront pas élaborés, les problèmes liés à l’insécurité ne seront jamais résolus. Il faut que les deux parties se parlent franchement et s’accordent à travailler de concert. Les Comoriens qui se risquent à traverser le bras de mer qui sépare Mayotte d’Anjouan sont dotés d’un instinct de survie. Rien ne peut les arrêter. C’est une question de vie ou de mort.
La Réunion devrait, elle aussi, s’inquiéter du déséquilibre de cette région. Les élus réunionnais se doivent d’exiger de Paris, un véritable plan de développement pour Mayotte.
A propos du "comportement" des Mahorais à La Réunion, de "leur manque d’éducation et des troubles qu’ils créent". La grande majorité d’entre eux qui émigrent à La Réunion ne fuient pas l’insécurité, loin de là. Ils sont motivés par les prestations familiales, qui sont deux fois plus importantes ici qu’à Mayotte. Trouver un emploi ne les intéresse pas. Savez-vous qu’à curriculum vitae égal, un chef d’entreprise à Mayotte préfère recruter un Comorien, un Malgache ou un Français? Ce n’est pas une blague. Selon une croyance très rependue à La Réunion "les Mahorais, et même les plus instruits pensent qu’être français, c’est être logé, nourri et blanchi aux frais de la princesse".
De même, toujours selon cette croyance, les étudiants mahorais en France seraient convaincus que "leur statut de citoyens français les autorise à voyager gratuitement sur tout le réseau ferroviaire? Et les contrôleurs, comme c’est souvent le cas, se retrouvant dans l’incapacité de les contenir, se voient dans l’obligation de faire intervenir la police". Toujours cette croyance bien ancrée, les faits de délinquance et d’incivilité que connaissent La Réunion en ce moment seraient commis par des jeunes mahorais. "Ils volent dans les champs, ils cambriolent les villas, ils y ont introduit la drogue appelée "chimique", ils profèrent des insultes dans les bus et se bagarrent, des voulés (barbecue en mahorais) sont organisés sur les parkings aériens des cités".
Dans les écoles, les responsables d’établissement se plaignent régulièrement du "manque d’implication des parents ou des responsables légaux dans la scolarité des enfants mahorais, une hygiène qui laisse à désirer, des convocations qui restent sans suite, des résultats plus que médiocres sans espoir d’amélioration. Les neveux et nièces débarquent en renfort à La Réunion pour faire gonfler les prestations familiales". Ces pauvres enfants livrés à eux-mêmes, deviennent délinquants à l’adolescence.
Alors arrêtez de pointer du doigt les Comoriens, et reconnaissons la responsabilité de la France et des élus mahorais dans ce chaos.
S. Aminat
*Paru pour la première fois au Quotidien de la Réunion
** Les intertitres sont de Al-watwan