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Mohamed Issimaila I «L’Accord nous a unis et rassemblés autour d’un idéal commun»

Mohamed Issimaila I «L’Accord nous a unis et rassemblés autour d’un idéal commun»

Politique | -   A.S. Kemba

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L’ancien ministre de l’Education de Ngazidja revient sur les aspects clés de l’Accord-cadre pour la réconciliation nationale. Dans une interview accordée à Al-watwan et l’Ortc, Mohamed Issimaila estime que les termes convenus à Fomboni ont permis de sauver le pays menacé d’éclatement à l’époque, ajoutant qu’il n’est pas le moment de remettre en cause les grands fondements de cet accord qui a scellé l’unité des îles.

 

Quel sens donnez-vous à l’Accord-cadre pour la réconciliation nationale aux Comores signé à Fomboni ?

L’Accord de Fomboni est un acte de consensus posé après la pire crise qu’ont connue les Comores à la fin des années 1990. Le pays était au bord de l’implosion. La situation était particulièrement critique et tendue. Mais, les Comoriens se sont entendus et ont réussi à mettre de côté leurs égos et à sauver l’essentiel à savoir la préservation de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays. Les discussions finales ont abouti au partage équitable des compétences entre le pouvoir et les entités insulaires à l’exception des domaines réservés à l’Etat, à savoir la religion, la monnaie, la défense, les relations internationales et les autres symboles nationaux. L’autre point important issu de cet accord est l’autonomie large des îles. Les Comoriens se sont convenus d’accorder aux îles la possibilité de pouvoir s’administrer librement et gérer leurs affaires propres. Je voudrais apporter une précision sur le terme « tournante » car beaucoup laissent penser que la tournante figure dans cet accord. Ce qui n’est pas le cas. La tournante a été affirmée seulement dans la constitution.

Que reste-t-il de cet accord-cadre de Fomboni ?

Il faut déjà reconnaitre que l’Accord nous a unis et rassemblés autour d’un idéal commun. Mais, comme nous le savons tous, toute chose a ses limites. Il y a toujours des imperfections. Les gens ne peuvent pas avoir la même appréciation et faire la même lecture de cet accord. Je pense que les Comoriens qui étaient au cœur des discussions se réjouiront du succès de cet accord. En 24 ans, le pays n’a pas réussi à capitaliser totalement les acquis de cet accord mais dans l’ensemble, le bilan est positif. Le pays a renoué avec la stabilité et les alternances politiques, il n’y a eu aucun coup d’Etat. Aujourd’hui, le pays connait une stabilité institutionnelle, et cela grâce à beaucoup de choses mais le mérite revient en grande partie à cet accord.

Qu’est-ce que le pays n’a pas réussi à capitaliser pour consolider les termes et les engagements de cet accord de Fomboni ?

Tout accord répond à des préoccupations précises, à une crise précise, pendant une époque précise. Je pense que 24 ans après, l’Accord a réussi à répondre aux inquiétudes soulevées et aux préoccupations principales exprimées par les acteurs politiques de l’époque. L’un des fondements de l’accord est le partage des compétences entre l’Union et les îles. Mais aussi l’autonomie insulaire. Ces aspects-là sont aujourd’hui préservés. Il y a bien sur des failles, des malentendus et des incompréhensions autour de cette culture politique qui consiste à laisser aux îles la faculté de gérer librement leurs propres affaires.

Comment consolider l’autonomie des îles et éviter une résurgence des velléités séparatistes ?

Cela dépendra de notre conception dans la gestion du pouvoir. Tout dépend de notre culture politique. Il y a mille façons d’organiser les pouvoirs dans un pays insulaire comme le nôtre. En 2001, l’autonomie large a été accordée aux îles mais cette même autonomie a été vidée de sa substance au gré de l’évolution de notre histoire politique. C’est pourquoi, j’estime que l’accord ne doit pas être figé, il doit évoluer en fonction des besoins nouveaux qui émergent dans le pays. Les acteurs politiques peuvent se revoir pour imaginer un nouveau modèle de gouvernance inspiré de nos expériences pour consolider la marche de l’Etat afin de répondre aux aspirations de la population.

Que pensez-vous des réformes ayant vidé l’autonomie large de sa substance ?

Il y a eu une confusion et une interprétation abusive de l’autonomie large accordée aux îles. Il y a eu des malentendus. L’argument avancé pour grignoter cette autonomie est purement financier. Tout le monde avançait le caractère budgétivore des nouvelles institutions. Personnellement, je me souscris à l’idée de réduire les dépenses : quatre constitutions, quatre gouvernements, quatre présidents, quatre assemblées, trois vice-présidents. Ce n’était pas normal. Il fallait revoir certaines choses sans pour autant vider l’autonomie de sa substance.

Qu’est-ce que le pays a raté et qui aurait pu consolider l’unité du pays et garantir l’autonomie des îles ?

Nous avons perdu notre temps à nous chamailler, à entretenir des débats stériles, et à oublier l’essentiel à savoir les réponses à apporter pour consolider l’unité du pays et la cohésion de la population. Comme je l’ai toujours dit, il faut une grande maturité politique pour revoir certains termes de cet accord. Le moment viendra pour revoir certains aspects de l’Accord. Mais, nous ne devons pas toucher quoi que ce soit au risque d’attiser des tensions et ouvrir des brèches ou des velléités séparatistes.

Quel rôle joué par le président Azali Assoumani dans cet accord ?

Il était le véritable artisan de cet accord. Il a pesé de tout son poids pour que l’accord soit signé. Je pense qu’il a joué un rôle décisif dans cet accord. Nous devons lui rendre hommage au vu des actions qu’il a posées avant, pendant et après la signature du document.

"Nous avons perdu notre temps à nous chamailler, à entretenir des débats stériles, et à oublier l’essentiel à savoir les réponses à apporter pour consolider l’unité du pays et la cohésion de la population. Comme je l’ai toujours dit, il faut une grande maturité politique pour revoir certains termes de cet accord. Le moment viendra pour revoir certains aspects de l’Accord. Mais, nous ne devons pas toucher quoi que ce soit au risque d’attiser des tensions et ouvrir des brèches ou des velléités séparatistes."

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