Après la rencontre entre le ministre des Affaires étrangères comorien et français, lors du point de presse du porte-parole du Quai d’Orsay, celui-ci a dans une déclaration, affirmé que la France entendait obtenir des réponses claires aux problèmes immédiats liés aux décisions récentes de l’Union des Comores. Il parlait sans doute de la note circulaire toujours en vigueur, était-ce un ultimatum ?
La rencontre a eu lieu entre Souef Mohamed El-Amine et Jean-Yves Le Drian et chaque partie a eu à faire des propositions. La partie comorienne a, dans une de ses propositions, souhaité la mise en place d’un cadre de discussions. Il y a, il est vrai, le problème actuel, la crise actuelle à Mayotte, mais nous l’inscrivons dans un problème qui existe depuis 43 ans.
Ce problème ne peut être résolu séparément du problème de fond. Si le cadre est établi, nous pouvons discuter de la crise à Mayotte mais dans l’objectif d’une résolution du vrai problème, qui est la souveraineté des Comores sur Mayotte.
Pour être clair, la France entend obtenir des réponses claires aux problèmes immédiats, comprendre la levée de la note circulaire, et les Comores refusent de le faire jusqu’à ce que les conditions soient réunies, dirigeons-nous vers une crise ?
La crise est à Mayotte, tout le monde le sait. Des négociations sont en train d’être menées. Nous avons reçu, il y a quelques semaines, le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne. Et Souef Mohamed El-Amine a été reçu par son homologue français, il y a quelques jours. Nous avons toujours maintenu le dialogue parce que seul ce dernier peut résoudre le contentieux entre les Comores et la France. Et puis, pour ceux qui sont à Mayotte, on nous a dit qu’il y en a qui sont volontaires pour quitter l’île. Nous, nous disons, s’ils veulent partir, qu’ils le fassent mais dans la dignité et dans le respect de tous les droits, comme cela se passe ailleurs.
Oui mais justement, au sujet des mesures d’accompagnement pour les candidats au départ de Mayotte, si cette proposition était acceptée par la partie française, ne serait-ce pas une manière d’entériner la souveraineté de la France sur cette partie intégrante du territoire comorien ?
Non, mais pas du tout. Nous ne cesserons jamais de dire que Mayotte est comorienne. Et nous ne renoncerons jamais à la souveraineté des Comores sur Mayotte. Maintenant, s’il y a des personnes, qui veulent quitter l’île à cause des multiples problèmes qu’il y a, elles ne peuvent pas partir comme si elles n’y avaient rien construit. Ces gens y ont passé une partie importante de leur vie, aussi, ils ne peuvent pas partir sans rien. Cela ne s’est jamais fait nulle part.
Donc pour vous, cette proposition ne serait pas une manière d’entériner la souveraineté de la France sur Mayotte ?
Enfin, dans les discussions, la France n’a jamais demandé à l’Etat comorien de renoncer à Mayotte. Comment voulez-vous qu’on réponde à une question qui n’a pas été posée de un. Et de deux, comment voulez-vous qu’on transige sur un principe fondamental de notre Etat, ce n’est pas possible.
Outre ces mesures d’accompagnement, quelles sont les autres propositions de l’Etat comorien adressées à la partie française ?
L’autre proposition principale réside dans la mise en place d’un cadre de dialogue pour que l’on sache ce que l’on fait et pour quel objectif.
Et, admettre que ce problème doit être résolu dans le temps, progressivement.
Vous parlez donc du statut de Mayotte ?
On ne peut pas résoudre un problème à Mayotte, quel qu’il soit sans avoir en vue son origine.
Et l’origine n’est autre que son statut. La France a une opinion, nous avons la nôtre. Je crois que tout le monde peut comprendre cela, la crise à Mayotte est récurrente. Si nous ne nous attaquons pas à la racine du contentieux, il y aura une autre crise demain. Ce n’est pas la première fois que ce problème se pose, à la différence peut-être qu’aujourd’hui, il a pris une autre ampleur.
Si le visa Balladur est supprimé pour qu’il y ait une libre circulation des personnes, ça c’est notre vœu. Mais s’il ne peut pas l’être, mais qu’il y ait allègement afin qu’il n’y ait plus de morts entre le bras de mer séparant Ndzuwani de Mayotte, ce serait un plus non négligeable
A Moroni, le ministre des Affaires étrangères disait que l’abolition du visa Balladur était une option mais qu’il allait plaider pour une libre-circulation des personnes et des biens, où est ce que ça en est ?
La discussion a commencé depuis Moroni avec Jean-Baptiste Lemoyne et elle s’est poursuivie à Paris. Maintenant, la réponse est dans le camp de l’Etat français. C’est à lui de répondre à cette question. Nous avons une proposition qui est logique, elle va dans la logique même de nos revendications. Si le visa Balladur est supprimé pour qu’il y ait une libre circulation des personnes, ça c’est notre vœu. Mais s’il ne peut pas l’être, mais qu’il y ait allègement afin qu’il n’y ait plus de morts entre le bras de mer séparant Ndzuwani de Mayotte, ce serait un plus non négligeable mais un plus qui n’aura pas résolu le problème dans son entièreté. Maintenant, nous sommes convaincus qu’un problème qui a duré 43 ans ne peut pas être résolu en un claquement de doigts.
Mais est-ce que vous êtes optimiste quant à la libre circulation des personnes et des biens ?
On a le devoir de l’être. Ce n’est pas un droit mais un devoir que d’être optimiste. Il faut espérer que ce contentieux ait un jour une solution. Et il faut pour cela commencer quelque part.
Justement, on reproche à l’Etat comorien, depuis plusieurs années maintenant de reléguer la question du statut de Mayotte au profit d’une coopération bilatérale entre les Comores et la France. Ne pensez-vous pas qu’il est temps de changer de stratégie, Mayotte s’éloignant de plus en plus ?
Le problème de Mayotte est d’abord politique. Mais il y a également des problèmes sociaux, sécuritaires qui sont venus s’ajouter au premier. Et chaque problème qui sera résolu sera un acquis. Maintenant, il nous faut ne pas oublier l’objectif principal qui est de résoudre le contentieux lié à son statut. Si des solutions économiques peuvent contribuer à résoudre le différend politique, pourquoi refuserions-nous ? On parle quand même d’une puissance nucléaire, ne faut-il pas impliquer une organisation pour la recherche de solution ? Avons-nous les moyens de notre politique, ne faudrait-il pas réactiver les soutiens, à l’instar du Comité des Sept de l’Union africaine ? Nous sommes preneurs de toutes les bonnes volontés.
N’est-ce-pas à vous de réactiver les soutiens ?
Cela a été fait au niveau de l’Union africaine comme ce fut aussi le cas lors du sommet des Etats arabes à Dammam, il y a une dizaine de jours. Il faut retenir que chaque pays a son agenda. Mais n’empêche que le dialogue entre les deux Etats doit être maintenu. Nous n’avons jamais nié le fait que la France soit une puissance mondiale, membre du Conseil de sécurité. Nous ne sommes pas en guerre contre la France. Toujours est-il qu’il faut se souvenir d’une chose ou même de deux. Il y a des faits, il y a le droit. Pour nous, la solution est un mariage entre les faits et le droit. Et nous estimons que le droit est de notre côté.
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