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Nouveau gouvernement I La classe politique entre espoirs et inquiétudes

Nouveau gouvernement I La classe politique entre espoirs et inquiétudes

Politique | -   Abdallah Mzembaba

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La nomination d’un nouveau gouvernement par le président Azali Assoumani suscite des réactions contrastées au sein de la classe politique comorienne. Alors que certains saluent la présence de jeunes talents, d’autres dénoncent une tentative de consolidation du pouvoir. Al-watwan a donné la parole à divers membres de la classe politique nationale pour jauger cette nouvelle équipe.

 

Ali Mliva Youssouf :

«De l’étranger où je me trouve actuellement, j’ai appris comme tous les Comoriens la nomination d’un nouveau gouvernement. Je suis content de voir que le chef de l’État a pu mettre un gouvernement en place. Je sais que ce n’est pas une démarche facile, mais bon, positivons les choses et allons de l’avant. En outre, je suis d’autant plus satisfait puisque dans la pratique républicaine, cela est un impératif, surtout en tenant compte de la situation actuelle à tous points de vue, et ce, peu importe les personnes nommées. Il faut se rendre à l’évidence que pour le peuple comorien, la mise en place d’un nouveau gouvernement post-investiture est une suite logique ; donc les Comoriens attendaient avec beaucoup d’impatience la nouvelle équipe. Maintenant qu’elle est formée, j’espère que chacun mettra du sien pour répondre positivement aux attentes des Comoriens. Les défis avec la nouvelle équipe sont immenses, que ce soit sur le plan politique avec les élections législatives qui approchent, ou sur le quotidien des Comoriens qui peine à être au rendez-vous avec la cherté de la vie. Vous savez bien comme moi qu’après la Covid-19, le cyclone Kenneth, et la guerre russo-ukrainienne, notre nation est obligée de se réinventer dans certains secteurs. Cela dit, notre pays ne peut que suivre la dynamique mondiale en termes de réajustement, et c’est au travers d’une équipe gouvernementale que cela s’organise.


En ce qui concerne le rajeunissement du nouveau gouvernement, sans trop m’attarder sur cette question, je tiens à souligner que seul le chef de l’État a le pouvoir de nommer qui il veut et où il veut. Pour moi, cela ne pose pas de problème que le président Azali ait nommé des jeunes ; ce que j’espère, c’est que ces jeunes puissent se rendre compte de l’opportunité qu’ils ont eue en occupant les prestigieuses fonctions que notre pays dispose et qu’ils ne déçoivent surtout pas celui qui les a nommés ni la nation tout entière. Que cela puisse servir d’exemple pour les générations à venir. La réussite ou l’échec retiendra la nation tout entière encore une fois. Cette équipe a le double devoir de réussir pour que le pays gagne, mais aussi de servir de référence pour qu’une première fois dans l’histoire de notre pays, un président ait osé confier les clés du pouvoir à des jeunes. Je souhaite aux nommés plein de succès et de réussite ainsi qu’au président Azali qui vient de commencer un nouveau mandat».

Soilih Mohamed Soilih :


«Un «rajeunissement» en politique n’est pas une condition ni de réussite ni d’échec. D’une part, le talent ne dépend pas de l’âge et d’autre part, toute gouvernance suppose de l’expérience. Que l’on prenne les cas de pays bien lotis comme le Canada et la France, on ne peut que constater que tout projet humain nécessite du savoir, du savoir-faire et du savoir-être. Ceci étant, en politique, il ne s’agit pas seulement de la carrière d’individualités mais davantage de la capacité à répondre aux aspirations d’une nation et à réaliser les rêves d’un peuple avec audace certes, mais aussi avec sagesse (hikma), convictions et foi (imani).


Dans notre histoire compliquée, Said Mohamed Cheikh a lancé la génération Taki-Mouzaoir dont une partie se retourna contre lui. Ali Soilih alla plus loin encore et ce fut vécu comme une dictature. Djohar essaya et la démocratie prit l’allure d’une instabilité gouvernementale permanente. Cette fois, on a l’impression qu’Azali ne songe qu’à tracer un boulevard aux siens, en l’occurrence son fils après son neveu. Mais, en Égypte, comme en Libye, au Mali et ailleurs, on sait comment ont fini de telles expériences. Chez nous, Ahmed Abdallah avait rêvé pour Nassuf Ahmed Abdallah (devenu Vp à l’Assemblée Nationale) et Djohar avait misé sur ses gendres !»

Anissi Chamsidine :


«Je tiens tout d’abord à féliciter le président de la République pour avoir enfin nommé le premier gouvernement de son troisième mandat, plus d’un mois après son investiture. Dans ma modeste expérience dans les affaires, j’ai appris que la décision la plus difficile pour un décideur est de choisir ses collaborateurs.
Je souhaite également bon vent à ce gouvernement spécial. Je souhaite clarifier que la question ne se résume pas à mettre en avant les jeunes ou à écarter les anciens. Ce qui importe véritablement, c’est la destinée de notre pays et la mission de ce gouvernement vis-à-vis des intérêts des Comoriens. La forme a peu d’importance tant qu’elle est en adéquation avec le fond».

Saïd Larifou :


«Les graves défis immédiats auxquels notre pays, les Comores, doit faire face appellent à un sursaut patriotique urgent. Cet enième gouvernement du colonel Azali Assoumani est un geste de son fils, nommé en réalité premier ministre par son père pour gratifier ses amis d’enfance. Notre pays a la chance d’avoir désormais des jeunes biens qualifiés qui, dans un environnement apaisé, pourraient apporter aux Comores une autre vision. Malheureusement, Azali et son fils vont les utiliser, les instrumentaliser pour tenter de consolider sa dictature. Il en a épuisé nos parents, des personnalités de sa génération, et utilise maintenant la génération émergente pour faire croire à un renouveau.Le problème des Comores n’est pas son équipe, composée de certains éléments patriotes, mais réside dans la personne d’Azali, sa conception du pouvoir, et du système qu’il représente, qui, je le rappelle, doit être combattu».

Fahmi Saïd Ibrahim :


«Je n’ai pas à porter un jugement sur le choix du chef de l’État à propos de ses collaborateurs. La constitution lui donne le loisir de choisir qui il souhaite pour l’aider à mettre en application sa politique. En soi, le rajeunissement des dirigeants est une bonne chose. Ce qui est dommage dans notre pays, c’est que nous ne commençons pas par le commencement. Les jeunes devraient se frotter au peuple et obtenir la légitimité populaire avant de pouvoir accéder à des postes politiques. Il faut faire de la politique même en étant jeune pour accéder à un poste éminemment politique. Dans l’absolu, la jeunesse n’est pas une qualité et l’âge avancé n’est pas forcément un défaut. Les qualités d’un homme politique doivent être reconnues par ses qualités d’homme d’abord, mais aussi par l’obtention de la légitimité populaire. Autrement, les ministres ne seront que de simples collaborateurs exécutants et il n’y aura pas de fusibles.Le président restera le seul responsable politique de la réussite ou de l’échec de sa politique. En tout cas, je leur souhaite bonne chance dans leurs nouvelles fonctions, parce que s’ils réussissent, c’est le pays qui gagnera. Autrement, le pays continuera à s’enfoncer. Bonne chance à eux».

Mohamed Jaffar Abbas :


«Dans le slogan Renouveau, il y a Nouveau. Et avec le Re ajouté, on a «Nouveau encore». Et puis, après le neveu qui dirigeait même les vice-présidents du pays d’alors, aujourd’hui c’est le fils qui va assurer cette fonction. Un tel système, où un secrétaire général de gouvernement, n’est pas le collaborateur des ministres, n’existe qu’aux Comores, singulièrement sous ce régime.Face aux ministres donc, nous aurons maintenant, «Papa m’a dit» à la place de «Tonton m’a dit». Par contre, je ne vois pas du tout une réussite réelle car certes les barrons - excepté Belou - ne sont plus là. Mais c’est toujours la Crc qui est là. Ce sera pire car les jeunes louveteaux risqueront de vouloir imiter les loups de tout acabit aujourd’hui remerciés».

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