« Cette catastrophe a touché toutes les localités et tous les secteurs, faisant des dégâts dont l’évaluation monte jusqu’à 65 milliards de nos francs. Heureusement, les Comoriens ont fait preuve d’une solidarité nationale de tous les instants. En ponctionnant de 10% les salaires des agents publics, l’État voulait envoyer un message à nos partenaires pour leur dire que si nous avions les possibilités, nous allions tout prendre en charge. Si nos partenaires nous accompagnent, tant mieux sinon, nous n’allons pas rester les bras croisés. Nous ferons en sorte que les Comoriens surmontent les conséquences de ce cyclone. Avec l’opération des 10% sur tous les salariés de l’État dans un premier temps et sur les superstructures dans un second, nous devrions atteindre les 300 millions. Je m’engage sur la transparence et la communication autour de la gestion de cet argent », a confié le chef de l’État qui fera savoir qu’un comité de gestion et un compte en banque sont mis en place à cet effet.
Cette période post-Kenneth
Ayant reçu dernièrement une mission du Fonds monétaire international, Azali Assoumani annoncera un apport de 2,5 millions de dollars de la part de cette institution financière mondiale « qui se montre disposée à nous accompagner » dans cette période post-Kenneth.
Revenant sur les mesures d’apaisement qui sont les siennes et qui ont vu la grâce accordée à certains prisonniers, le président de la République évoquera des réformes profondes pour consolider la démocratie avec notamment l’institutionnalisation du rôle du chef de l’opposition, la mise en place de la commission nationale des droits de l’Homme ainsi qu’un dialogue permanent avec la diaspora. « Quant aux mesures de grâce, il s’agit d’un droit qui me revient à travers la Constitution. Seuls les prisonniers condamnés par la Cour de sûreté de l’Etat dans le cadre des procès pour tentatives d’attenter à la vie de diverses autorités, ont pu en bénéficier », a-t-il jugé important de rappeler.
Abordant la question du droit de manifester, Azali Assoumani répète qu’il ne s’y oppose pas dans la mesure où, les organisateurs des manifestations seront enclins à assumer les responsabilités qu’y découleront. « Le droit de manifester existe bel et bien dans notre pays. Toutefois, il convient de préciser que des préalables existent à commencer par la demande d’autorisation. Vous n’êtes pas sans savoir que dans notre pays, nous n’avons pas un système d’assurance pour les biens de tout un chacun. Ailleurs, les assurances paient les dégâts mais ici ce n’est pas le cas. Il faut que les organisateurs d’une manifestation se montrent tout aussi disposer à assumer leurs responsabilités en cas de dérapages », a précisé le locataire de Beit-salam non sans rappeler que l’arrêté interdisant les manifestations a été signé avant son arrivée au pouvoir.
Les droits de l’Homme
Dans sa lancée, Azali Assoumani est également revenu sur la dernière visite de l’expert des Nations-Unies pour les droits de l’homme. Ce dernier ayant évoqué une suspension de sa mission avant son terme pour « entraves », le président de l’Union a répondu qu’il était question en réalité d’un «mépris» en vers notre pays. « Pour sa mission, il a décliné une feuille de route et il avait toute la latitude de revenir dessus à condition de demander aux autorités compétentes. J’ai l’intime conviction qu’il n’aurait pas entrepris de visiter des endroits qui ne sont pas mentionnés dans sa feuille de route s’il s’agissait d’un autre pays. On est un pays comme les autres. Si l’on a consenti pour qu’il visite la prison, où, aucune évolution n’a été constatée depuis 1973, nous ne savons pas pourquoi on l’empêcherait de rendre visite à l’ancien président qui se trouve dans sa confortable maison. Mais encore une fois, il fallait respecter les institutions et en faire la demande. Il n’y a rien à cacher et pour nous, il s’agit ni plus ni moins que d’un mépris », a-t-il répondu aux journalistes tout en parlant d’une communication déficitaire autour de la question des droits de l’Homme dans le pays. « On a un déficit de communication en ce qui concerne les droits de l’Homme. Une situation qui porte un coup au pays et non pas au président dans la mesure où, les éventuels investisseurs ne cherchent pas à connaître le nom de celui qui se trouve au pouvoir. En revanche, ils accordent le maximum d’attention aux droits et au climat des affaires », précise-t-il.
Au cours des échanges, les questions sur la gestion des sociétés d’État, l’absentéisme dans l’administration publique ainsi que l’implication du secteur privé dans les marchés publics se sont invitées.
Une administration efficace
Concernant les sociétés publiques, Azali Assoumani reconnait que des problèmes sont constatés. « Nous devons comprendre que l’État ne nous appartient pas. Par conséquent, nous aurons à répondre de nos gestions. Un audit général sera réalisé sur la gestion des deniers publics, la gestion des sociétés publiques et les aides qui arrivent ou qui sont arrivées. Il s’agit d’un système de gouvernance qui fera office d’exemple pour les futures générations. Il est clair que l’on ne peut pas permettre que l’on gère nos sociétés comme s’il était question de sociétés familiales », devait trancher le conférencier.
S’agissant du taux d’absentéisme dans l’administration publique, « des failles sont constatées, je n’en disconviens pas. Nous devons lutter notamment contre les absences dans l’administration. Les fonctionnaires se permettent de laisser leurs missions pour vaquer à d’autres occupations. Les agents de l’État doivent savoir qu’ils ont des obligations de résultats et que chacun devrait travailler en respectant scrupuleusement ses heures de travail. Il nous faut donc une administration efficace pour accompagner le développement. Un comité sera mis en place pour surveiller le fonctionnement de l’administration ».
Quant à l’importance et l’implication des entreprises comoriennes qui n’arrivent pas à gagner des marchés publics, il conviendra que le secteur privé doit bénéficier de l’accompagnement de l’État. Toutefois, il soulignera que certains investissements n’étaient pas à la portée des sociétés comoriennes. « Le secteur privé est en effet à accompagner dans plusieurs domaines. Toutefois, certains chantiers ne leurs sont pas accessibles au regard des investissements à consentir. Prenons l’exemple de la construction de l’hôpital El-maarouf qui engage 45 milliards. Quelle entreprise comorienne serait en mesure de disposer des engins qui sont sur le chantier ? Il faut savoir en outre que nos partenaires exigent les appels d’offres et à ce jeu, nos sociétés ne font pas le poids. En ce qui concerne les marchés qui seraient accessibles à nos sociétés, il faut que tout le monde apporte du sien pour assurer la transparence », se montre convaincu, Azali Assoumani.
Interrogé sur les manifestations de la diaspora en France, le premier magistrat du pays estime qu’il ne s’agit pas de la diaspora comorienne. Selon ses propos, « il s’agit d’opposants qui se trouvent en France et qui essaient de manipuler notre diaspora. Nous ne devons pas politiser notre diaspora que j’ai l’habitude de rencontrer. Je rappelle qu’il fut un temps, la Crc voulait ouvrir un bureau en France mais j’ai refusé. Nous préférons régler les problèmes que les membres de cette diaspora sont susceptibles de rencontrer ici. J’ai discuté dernièrement avec elle pour faire en sorte que leurs transferts d’argent ne soient pas seulement pour la consommation mais penser à des investissements pour servir l’économie du pays notamment ».
En parlant de diaspora, le chef de l’État saisira l’occasion pour féliciter, Mohamed Rafsandjani, lauréat du prix Guy Carcassonne pour le meilleur article constitutionnel de l’année 2019 «Enfants de Djihadiste, mais enfants de la République » et annoncera par la même occasion, l’ouverture prochaine du consulat de Marseille dans le but de faciliter les procédures administratives aux plus de 300.000 Comoriens de France. Ouvert à toutes les questions, le président de l’Union devait s’étendre sur des questions liées à la cherté des déplacements entre les îles et du quotidien des Comoriens.
« Il faut trouver un moyen d’arranger la circulation des personnes et des biens à travers des bateaux pouvant assurer la sécurité des passagers. La fréquence des déplacements en bateaux reste le moyen le plus pratique pour faire baisser les prix des billets d’avion. Il faut par conséquent, développer les transports et s’assurer du désenclavement aussi bien des régions que des îles. Dans ces projets, des partenaires sont déjà d’accord avec nous », a-t-il expliqué avant de préconiser la production locale pour venir à bout de la vie chère. S’il parle d’argent « invisible, de détournement de deniers publics et de corruption » ainsi que les transferts de la diaspora pour la consommation des familles qui ne permettraient pas à l’État d’imposer des prix sur les produits, le président retient comme priorités en vue de lutter contre la vie chère, la transformation des produits de rente et la pêche.
Mohamed Youssouf