Organisations de la société civile, élus et artistes se sont retrouvés, samedi 24 mars, au Conseil de l’île de Ngazidja, pour manifester leur mécontentement vis-à-vis de la crise sociale qui secoue depuis plus d’un mois l’île comorienne de Mayotte. Parmi les manifestants, le président de la Fédération comorienne des consommateurs, Mohamed Saïd Abdallah Mchangama, les artistes Salim Ali Amir et Cheikh Mc, la maire de Mitsamihuli, Soilha Saïd Mdahoma, la directrice du Centre national de l’artisanat des Comores, Rahamatou Goulam, les députés de l’Union de l’opposition Abdallah Tocha Djohar et Ali Mhadji.
Le message de ralliement est celui de “la concorde, la convivialité et la paix aux Comores”. Les manifestants disent “non à la stigmatisation des Comoriens dans la crise à Mayotte”, “non aux exactions à Mayotte contre les Comoriens”, pouvait-on lire sur leurs banderoles.
Le chanteur et compositeur Salim Ali Amir, premier à prendre la parole, a lancé un cri d’apaisement. Il a appelé les uns et les autres à “arrêter le jeu dangereux des insultes et à privilégier le jeu de la paix”. L’artiste a insisté sur le fait que le problème de Mayotte est un problème qui nous concerne tous. Donc “narifuse ze nda”, que chacun s’y mette !
“Narifuse ze nda”
La présidente de la plate-forme Femmes en politique, Fatuma Eliyas, n’y est pas allée, de main morte. Elle a blâmé la politique française à Mayotte, en dressant un tableau chaotique du “département français le plus pauvre”. Un département, expose-t-elle, frappé par un taux de chômage de 45% chez les jeunes et dont plus de 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
“L’implosion sociale était inévitable”, selon elle. Le contexte, explique-t-elle, était favorable aux vandalismes, aux agressions de tous genre et aux cambriolages, “devenus le quotidien de tout résident sur l’île”. Pour Fatuma Eliyas,
Mayotte rend l’image d’un pays sous-développé où flotte le drapeau bleu blanc rouge français.
La présidente de la plate-forme Femmes en politique dénoncera la politique du chiffre appliquée dans la lutte contre les migrations comoriennes, l’abandon de milliers d’enfants dans les rues sans perspectives d’avenir, les décasages et “les feux de la honte”.
Une traque des Comoriens, dit-elle, qui “fait penser à des scènes de l’époque du nazisme”. Elle a appelé à mettre fin aux conflits entre citoyens, parce que “les deux communautés ne peuvent pas s’ignorer, elles ont un passé commun, et sont liées par le sang”.
Laxisme
Le président de Ngo’Shawo, Ait-Ahmed Djalim, ne se privera pas non plus d’attaquer l’ancienne puissance coloniale. Pour lui, la crise qui secoue actuellement Mayotte n’est que le résultat de la politique menée des années durant par la France.
Que la France assume les déboires de sa politique à Mayotte et ses responsabilités devant ces exactions et ces crimes afin d’éviter ce qui s’est passé sous ses yeux au Rwanda il y a de cela 24 ans, lance-t-il de vive voix.
Ait-Ahmed Djalim s’en prendra également à “la politique de lâcheté des autorités comoriennes”. Cela, dit-il, ne l’étonne pas que le gouvernement ait décidé de détruire les usines de fabrique des kwassas et de lutter contre le flux migratoire vers Mayotte, parce que “certains de nos dirigeants sont sous la botte de la France”. Il regrette qu’il n’y ait pas de stratégie nationale sur cette question, et pointe du doigt le laxisme de nos dirigeants qui peinent à se déplacer au palais du peuple, le 12 novembre, pour célébrer la journée Maore.
Le député Abdallah Tocha Djoha, interrogé à la fin de la manifestation, a parlé d’”une situation qui doit pousser les Comoriens à s’unir comme une seule personne, à s’exprimer d’une seule et même voix”. Il a demandé de sauter sur le souhait affiché du président Macron de mettre fin à la France-Afrique, pour mener une politique ferme et résoudre le problème une fois pour toute.