La réunion du Front commun (groupement de certains partis et mouvements de l’opposition) qui s’est tenue au Foyer des Femmes, dans une capitale quadrillée par les forces de l’ordre, ressemblait, pour certains, plus à une démonstration de force pré-électorale, au cours de laquelle l’ombre (mais pas seulement) de l’ex-président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi a plané tout le long. Sur l’estrade, une grande photo de celui qui est condamné à perpétuité dans l’affaire de la citoyenneté économique trônait avec cette mention : « 5ans, c’est trop ».
En réalité, le Front commun a, samedi, bandé ses muscles. Exercice plutôt réussi, diront d’autres, après un long moment de disette. Les différents orateurs, longtemps privés d’une telle tribune, s’en sont donnés à cœur joie. D’abord, le secrétaire général du Front commun élargi. Ahmed Hassan El-Barwane s’est livré à un violent réquisitoire contre l’actuel locataire de Beit-Salam, Azali Assoumani. De « l’interposition » de l’armée qui a permis au colonel d’accéder au pouvoir en 1999 pour la première fois, à 2002 où ses deux challengers, Mahamoud Mradabi et Said Ali Kemal optent pour le boycott de l’élection générale. Le référendum constitutionnel de 2018, l’élection présidentielle de 2019, tout y passe.
L’actuel chef de l’Etat en prend pour son grade. « Azali, la foule ici présente te salue », a-t-il notamment dit, sur un ton ironique. Les lumières du Foyer des Femmes, s’éteignent. Apparait à l’écran, Sambi, en boubou et kofia, assis, chez lui. L’on devine que la vidéo a été tournée juste après sa mise en résidence surveillée en mai 2018 par un acte du secrétaire général du ministère de l’Intérieur. La voix de l’ancien raïs s’évertue à démentir les accusations portées contre lui et s’inquiétait de ce qui se tramait à son encontre.
À cœur joie
Après l’allocution du secrétaire général du Front, Ibrahim Abdourazak Razida, qui animait la réunion, s’est demandé pourquoi Azali Assoumani n’a pas porté la question de Mayotte au sommet du G7 au Japon (du 19 au 21 mai), où il s’est rendu en tant que président de l’Union africaine, ou même au sein de l’organisation panafricaine.
Sabikia Mze, du mouvement «Wadzadze Wendza Irumbi», s’est plus évertuée à fustiger la cherté de la vie, le quotidien du Comorien qui est asphyxié. Le leader a également étrillé le bilan de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Souef Mohamed El-Amine, notamment la signature de l’Accord-cadre franco-comorien de juillet 2019 de 150 millions d’euros dont l’opposition demande l’abrogation.
L’ancien candidat à la présidentielle, Me Mahamoud Ahamada, lui a emboité le pas. Il a entrepris d’expliquer ce qui, selon lui, a permis la tenue de l’opération Wuambushu. «L’accord a été signé après le hold-up électoral de 2019, lequel dit en substance que les Comoriens ne sont pas chez eux à Mayotte, les 150 millions d’euros, c’était pour faire avaler la pilule aux Comoriens», a-t-il dénoncé.
Les différentes allocutions disaient en substance la même chose, et la demande d’une « libération sans condition » de l’ancien président Sambi a été vivement exprimée. La composition de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a été décriée. Il a été demandé à l’armée de protéger le peuple lors des prochaines élections.
A la fin du rassemblement, un des leaders, Youssouf Mohamed Boina, rentrant chez lui à pied, a été suivi par des militants. Pour la gendarmerie qui était déployée, cela équivalait à une manifestation sur la voie publique. Elle n’a pas tardé à user de bombes lacrymogènes pour disperser la foule. Un journaliste de Hayba FM, qui couvrait la marche improvisée, a reçu un projectile sur la tête.