Les autorités comoriennes ont dénoncé, en fin de semaine, « le projet » annoncé de création « d’une nouvelle base militaire » au nord de l’île comorienne de Mayotte avec le déploiement programmé d’une centaine de militaires, le renforcement des moyens navals et des forces déjà en poste dans l’île occupée depuis 1975.
Tout commence par un "oui" de Manuel Valls, mercredi dernier, lorsqu'en commission de Défense, on lui avait demandé si des fonds avaient été programmés pour renforcer le dispositif sécuritaire à Mayotte dans le cadre de la loi de programmation militaire.
Une initiative qui « va à contresens de l’histoire de notre continent, l’Afrique, et risque d’exacerber les tensions déjà élevées dans l’île », selon le ministre de l’Intérieur, Mahamoud Fakridine qui a réagi, vendredi 14 mars, à l’Agence France Presse (Afp), ajoutant que « décider de militariser à outrance Mayotte n’est pas la réponse appropriée».
Le plan en question a été clarifié samedi soir, et devient un « soutien à la base navale de Mayotte », et « non une construction d’une nouvelle base militaire » propre comme cela a été initialement évoqué.
Une dénonciation de principe
L’entourage de Manuel Valls, cité toujours par l’Afp, a souligné que «le ministre n’a pas évoqué la création d’une nouvelle base navale à Mayotte». Une précision qui ne calme toujours pas Moroni. La réaction des autorités est une dénonciation de principe qui va en droite ligne avec la lutte contre l’occupation de l’île et la revendication de la souveraineté de l’Union des Comores sur Mayotte. Le gouvernement n’a pas caché son étonnement et son agacement, estimant que toute présence renforcée dans et autour de Mayotte « est illégale ». Pour les autorités, l’initiative est « contraire » à l’esprit qui a toujours prévalu au plus haut niveau des deux pays visant à maintenir le dialogue dans le processus de règlement de ce vieux contentieux territorial.
Contacté hier dimanche 16 mars en fin d’après-midi, le ministre des Affaires étrangères, Mbaé Mohamed, a déploré « une démarche unilatérale car nous avons toujours privilégié la voie du dialogue pour résoudre ce contentieux mais la France choisit aujourd’hui une autre voie, celle de la militarisation de Mayotte ». Il ajoute : «Nous sommes à la fois étonnés et surpris. C’est une décision grave qui risque de créer des troubles et pressions permanents autour de l’île dans un contexte d’enjeux de leadership entre superpuissances et de tensions géopolitiques extrêmes. La France avait pris l’engagement d’assurer la reconstruction de Mayotte après le cyclone Chido. La militarisation de Mayotte n’est pas donc la réponse appropriée».
La reconstruction post-Chido
Pour les autorités, «une nouvelle base militaire» ou « un soutien à la base navale» existante est aux antipodes et constitue un acte « hostile et contraire au Droit international»; la partie comorienne se référant aux nombreuses résolutions de l’Onu qui condamnent la présence française à Mayotte et aux autres leviers juridiques dont dispose le pays pour contester une telle initiative. La France a été condamnée 18 fois par les Nations-unies depuis 1975. Dans l’une de ses résolutions, l’Onu «condamne énergiquement la présence de la France à Mayotte, qui constitue une violation de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores».
La France dispose déjà de près de « 300 militaires» stationnés à Mayotte, sous commandement des Fazoi (Forces armées dans la zone-sud de l’Océan indien). Le nouveau plan de « soutien » à la base navale sise à Mayotte inclut de « nouveaux moyens, une hausse des effectifs, des équipements et des bâtiments», selon les autorités occupantes. «Cela constitue une menace pour nous», a ajouté le chef de la diplomatie comorienne pour qui «l’urgence est la construction de Mayotte éprouvée par Chido et non la militarisation de l’île».