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Mohamed Issimaila, porte-parole de Beit-Salam : «La suppression des vice-présidences obéit prioritairement à un besoin de stabilité institutionnelle»

Mohamed Issimaila, porte-parole de Beit-Salam : «La suppression des vice-présidences obéit prioritairement à un besoin de stabilité institutionnelle»

Politique | -   Mohamed Youssouf

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À quelques jours du scrutin référendaire le porte-parole du Palais présidentiel de Beit-Salam, nous a accordé une interview dans laquelle, il s’étale sur les principaux changements que propose le nouveau projet constitutionnel. Mohamed Issimaila revient notamment sur le renouvellement du mandat présidentiel, la disparition programmée des postes de vice-président, la perte du statut de député en cas de changement de parti politique sans oublier la supression des commissariats et «la fin» de l’autonomie des îles.

 


Dans les différents meetings pouvoir et opposition parlent de la suppression ou de l’amélioration de la présidence tournante. Dans quel cadre peut-on estimer qu’elle a été renforcée ?


 Pour commencer, je me dois de confirmer que la tournante n’a pas été supprimée. Au contraire, elle est renforcée car certains changements ont été effectués. Des changements que nous reconnaissons la pertinence mais que d’autres rejettent, ce qui est tout à fait normal. Elle est renforcée parce qu’il est permis à l’île sur laquelle échoit la tournante d’effectuer deux mandats sans la moindre possibilité d’aller au-delà des deux mandats de cinq ans chacun. Elle est renforcée parce que l’on évite la possibilité qu’une personne totalement méconnue, aux valeurs tout aussi méconnues, soit choisie dans une île et se retrouve par la suite à la tête de l’Etat. L’élection primaire dans une seule île est alourdit les dépenses et fragilise l’Unité nationale. En respectant les exigences pour être candidat, seuls les natifs d’une île peuvent candidater pour leur tour mais l’élection doit être générale et tous les citoyens seront impliqués. Les arguments qui renforcent la tournante sont nombreux notamment la possibilité offerte à la population de pouvoir juger le président en le reconduisant ou en le sanctionnant mais aussi la suppression des conseils des îles, des commissaires et des vice-présidences pour en finir avec les institutions budgétivores.

 


Effectivement, le nouveau projet constitutionnel prévoit la suppression des postes des vice-présidents. Mais quel est réellement l’impact d’une telle mesure dans le fonctionnement de l’Etat sachant que l’article 60 parle du nombre de ministres pouvant atteindre quinze?


 La tournante est renforcée parce que les personnes qui ont participé aux Assises nationales n’ont pas pu apprécier la pertinence de disposer des postes de vice-président. En termes de développement, d’économie et de politique, les Comoriens n’ont pas pu identifier l’apport des vice-présidents au profit de l’Etat, raison pour laquelle il a été recommandé de supprimer ces postes. Preuve en est que tous les présidents de ce pays durant les quinze dernières années, ont eu des divergences profondes avec au moins un de leurs vice-présidents. Imaginez un vice-président qui ne partage pas la même vision avec le chef de l’Etat mais qui représente le pays à l’extérieur avec des signatures qui engagent le pays. Ce sont des choses réelles survenues à chaque mandat. Outre ce volet, il faut également ajouter le fait que le président et son vice-président ne se supportent pas politiquement, qu’aucun des deux ne peut être sorti du gouvernement étant des élus, qu’aucun ne peut être empêché d’assister au conseil des ministres. Ils échangent les secrets d’Etat tout en sachant qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Si les Comoriens n’ont pas vu les avantages, les inconvénients n’ont échappé personne. La suppression des vice-présidences répond à un besoin d’équilibre et de stabilité politique plus qu’un besoin économique.


Qu’en est-il des gouverneurs et de l’autonomie des îles que d’aucuns considèrent inexistants dans ce projet référendaire ?


 Selon l’article 100, les gouverneurs sont toujours en place et seront élus mais on se demande l’avantage que tire une île à travers l’exécutif insulaire et les conseils des îles. Au même titre que les vice-présidences, les Assises ont estimé que les commissaires et les conseils des îles n’apportent rien de concret aux îles concernées. Par conséquent, il conviendrait de les supprimer. Ces institutions n’apportent rien politiquement, économiquement et je n’ose même pas parler d’Unité ou de développement.
Si l’existence de ces institutions était pertinente, l’on n’allait pas s’attarder sur leurs dépenses. Les îles n’ont eu de ces structures que des divergences, la désunion et les conflits de compétences. Je tiens à préciser que la disparition des commissaires et des conseils n’auront aucune incidence sur les agents qui travaillent pour le compte des îles.


Revenons sur l’article 52 et les deux mandats qui peuvent sevrer une île du pouvoir pendant 20 ans. N’est-ce pas un système qui freine l’émergence de nouvelles têtes dans la sphère politique du pays ?


 Au contraire ! Nous voudrions sauvegarder la tournante parce que personne ne saurait prédire ce que ce serait passer si jamais elle était supprimée. Pour préserver cette tournante, l’on a jugé nécessaire que quiconque souhaiterait prendre part à des élections, fasse un choix définitif. Ainsi, si on choisit une île pour prendre part à des élections, ce choix est définitif. Pour répondre à votre question, l’arrivée de nouvelles têtes politiques ne se fait pas en cinq ans. Rappelons que partout dans le monde, notre pays est le seul avec un seul mandat du président.

 

Pourtant, avec un second mandat, l’on donne la possibilité au président de terminer son projet de développement si et seulement si la population le reconduit. Imaginez, les Comoriens natif de Ngazidja qui ont 20 ans aujourd’hui, ils auront 45 ans au maximum lorsque le tour reviendra à l’île. Je ne crois pas qu’à 45 ans l’on soit trop vieux pour avoir des ambitions présidentielles. Et puis, pour qu’un Etat marche, l’on n’exige pas que des jeunes soient aux responsabilités. Je tiens par ailleurs à rappeler que la possibilité sera offerte à tout un chacun d’aller s’installer dans une île pendant dix ans et par la suite prendre part aux élections une fois le tour revenu à cette île.

 


L’article 68 du nouveau projet interdit le mandat impératif alors que l’article suivant parle de la déchéance du député qui serait coupable de transhumance politique. N’est-ce pas contradictoire, une manière d’obliger le parlementaire à obéir à son parti politique aux doigts et à l’œil?


 Aucune contradiction ! Une personne élue sous une bannière politique avec des moyens, une idéologie et un soutien mis à sa disposition, ne peut, du jour au lendemain, pour des idées qui lui sont propres, choisir de quitter son bord politique. C’est sous cette étiquette du parti qu’il a convaincu l’électorat raison pour laquelle, si le député        souhaite changer de camp, il doit renoncer à son statut. Il peut revenir sous ses nouvelles couleurs mais ce qu’il a déjà acquis grâce à son parti, il ne peut le garder s’il change de veste. C’est une manière d’en finir avec la prostitution politique. Que chacun affiche son vrai visage et assume ses positions. Vous parlez de l’affaire Ali Mhadji mais ça n’a rien à voir. Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se présente et les Comores ne sont pas le premier pays à découvrir ce phénomène. Dans ce pays, Ali Mhadji n’est pas le dixième député à avoir quitté son parti après son élection. Le député est appelé à voter des lois susceptibles d’être en vigueur pendant plusieurs années, il me semble qu’il doit être une personne aux valeurs reconnues et irréprochables.


Qu’en est-il de la réglementation des partis politique et du statut de l’opposition selon l’article 36 ?


 Dans ce pays, nous avons plus de cinquante formations politiques mais pour quel intérêt dans un pays avec moins d’un million d’habitants. Est-ce vraiment un avantage qui rime avec la démocratie ? On peut évoquer le multipartisme, je n’en disconviens pas. Toutefois, la pluralité des partis ne doit pas être de façade mais d’actions concrètes. Or de nos jours, ces partis ne brillent pas par leurs idéologies. Aujourd’hui, personne ne peut faire une différence entre deux partis. Dans certains pays, l’on a deux partis sans qu’on crie à la dictature. Il est nécessaire d’avoir une tranche qui gouverne et une autre qui oppose. Le nouveau projet de loi prévoit un poste à part entier pour le chef de l’opposition. Les Comores n’ont pas l’obligation d’avoir une démocratie identique à celle de la France alors que les Comoriens ne sont pas comme les Français. Les Comores ont la latitude de créer les conditions qui respectent la démocratie mais qui s’identifient aux Comoriens par notre culture, notre éducation, notre environnement, les us et coutumes, le nombre d’habitants entre autres. Pourquoi ne pas avoir quatre partis sachant qu’aujourd’hui on a peut-être quatre partis qui ont une existence qui dépassent vingt ans.


L’article 94 du projet constitutionnel propose pour la première fois, que les magistrats de siège soient amovibles en cas de nécessité. N-est-ce pas une fragilisation du pouvoir judiciaire ?


 Pour tout vous dire, je ne saurais m’hasarder dans le domaine judiciaire. Je ne peux donc répondre à cette question.


Désormais, si l’on comprend l’esprit de l’article 115, seul l’Unité du territoire et l’intangibilité des frontières ne peuvent faire l’objet d’une révision constitutionnelle. Exit l’autonomie et la tournante ! Est-ce une mort lente prévue pour ces deux systèmes?


 A un moment donné, il faudrait en finir avec les suspicions. Si le projet constitutionnel dispose qu’aucune île ne peut aller au-delà des deux mandats, ce n’est pas pour venir par la suite en finir avec la tournante. Soit les opposants acceptent le fait que nous, qui sommes au pouvoir, avons une once de neutralité et de partialité pour qu’à notre tour nous leurs accordons les mêmes reconnaissances, soit ils estiment que tout ce que nous faisons et disons sont en rapport avec notre soutien au pouvoir et dans ce cas, nous dirons également que tous leurs faits et gestes sont guidés par le fait qu’ils se trouvent dans l’opposition. Si chaque partie accorde à l’autre cette capacité à aller au-delà des postures partisanes pour l’intérêt du pays, nous nous focaliserions sur les actes et non sur les paroles. Tout ce que nous pouvons entreprendre y compris les libertés individuelles ne peut être réalisé sans la paix et la stabilité du pays. Le combat doit concerner les bases de la construction du pays et non sur les dividendes du pouvoir. Les politiciens d’hier et d’aujourd’hui n’ont fait que se battre pour les places. Il faudrait qu’on soit convaincu que le développement n’est pas systématiquement suspendu à des moyens financiers, il y a également les ressources humaines.


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