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Sessions parlementaires houleuses: La récidive est devenue la règle

Sessions parlementaires houleuses: La récidive est devenue la règle

Politique | -   Mohamed Youssouf

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Jamais les députés n’ont été en proie à une guerre aussi âpre, usante et surtout longue. Chaque ouverture de session, une bataille politique éclate entre les parlementaires. En 2015, l’armée a dû introniser Abdou Ousseni au forceps. En 2017, deux listes de conseillers de Ndzuani ont été déposées causant par la suite la distribution de coups de poings, de coups de pieds, d’insultes entre clans. 2018 a vu encore une fois le rejet des conseillers de Ndzuani et de Ngazidja, le bouclage du palais par l’armée et une perturbation de l’ouverture de la session.

 

L’éternel recommencement, serait-on tenté de qualifier le climat qui accompagne l’actuelle législature depuis son début en 2015. L’Assemblée de l’Union, un haut symbole de l’Etat, jadis un lieu respecté, est devenu l’arène principale des scènes de guérilla.

Les représentants de la nation ont en effet l’occasion au moins une fois par an de démontrer leur savoir-faire dans le domaine de l’invective, les joutes verbales, les échanges de coups de poings, les compromis entre autres.

Des qualités aux antipodes de celles qui ont poussé la population à les élire pour la représenter. Venus de divers horizons certes, la population était toutefois en droit d’attendre autres choses des députés que des batailles politiques vaines.

L’on se rappelle d’un vendredi 3 avril 2015, jour d’ouverture de la première session parlementaire des nouveaux élus de la nation appelés à officier au parlement pour 5 ans soit jusqu’en 2020. Ce jour-là, les députés ont donné le ton de ce qui allait être le quotidien de la législature 2015-2020 à savoir les batailles rangées.

Suite à la décision de la Cour constitutionnelle d’invalider les trois conseillers choisis par le Conseil de l’ile de Ndzuani, un bras de fer s’était installé.Le secré- taire général adjoint de la législature précédente, avant d’être arrêté, avait facilité l’introduction dans l’hé- micycle, des conseillers invalidés. Pour protester contre cette arrestation et l’invalidation des trois repré- sentants de Ndzuani par la Cour constitutionnelle, le député Mohamed Bacar Dossar avait pour sa part “confisqué” les clefs de l’hémicycle afin d’empêcher l’ouverture de la session parlementaire. Résultats des courses de la journée au parlement, deux heures de retard à l’allumage et des votes du président et du bureau de l’Assemblée remis à plus tard. Plus tard, c’est le lendemain samedi 04 avril 2015.

L’Assemblée de l’Union était transformée en une forteresse imprenable. L’armée a envahi les lieux pour entre autres sécuriser les votes. Au final, les députés Juwa et alliés ont vidé les lieux laissant seize parlementaires procéder au vote d’Abdou Ousseni en tant que président de la législature sous la bienveillance de l’armée qui avait pris ses quartiers. Abdou Ousseni est déclaré élu par les seize députés présents sur un total qui devait atteindre les trente-trois députés. L’opposition parlera d’illégitimité tout au long du mandat. Il en sera également question de l’armée depuis cette intronisation au forceps mais aussi du conseil de l’ile de Ndzuani.

Une guerre sans merci

L’on retient de cette session qu’un climat d’empoignade avait succédé aux bonnes résolutions. C’est ainsi que lors d’échanges houleux, Dossar avait été victime d’une violente bousculade de la part de celui qui allait devenir son allié en 2017 (nous y reviendrons). 

Les Comoriens ont fait vraiment connaissance avec ses représentants lors de cette session ordinaire d’avril 2015. Ils ont surtout compris dès lors, que les intérêts des parlementaires primeraient face à ceux de la population. Ils étaient pourtant loin d’imaginer que le mandat 2015- 2020 des élus de la nation dans son entièreté s’apparentera fortement à une bataille clanique impitoyable.

Les députés sont à couteaux tirés alors que les Comoriens tirent la langue face à la cherté de la vie. Le désespoir se lisait fortement chez la population. Hélas, elle n’est pas encore sortie de l’auberge dans la mesure où, la priorité des députés est ailleurs. Que dire de la session parlementaire de 2017.

À cette occasion, le summum a été atteint puisque les parlementaires en sont venus aux mains.A l’orée de cette nouvelle session ordinaire d’avril 2017, l’on a noté une redistribution des cartes.

Les ennemis d’hier étaient devenus les meilleurs alliés pour ne pas dire les meilleurs amis du monde.

Désormais, Ali Mhadji, dissident de la Crc, Soulaimana Mohamed de l’Updc pour ne citer qu’eux, pactisaient (pactisent ?) désormais avec les députés Juwa. Preuve en est que la priorité des députés est ailleurs. En 2017, les conseillers de Ndzuani, (encore eux) avaient choisi en tout… six représentants alors que la loi en prévoit trois. L’Assemblée nationale s’est retrouvée en effet avec deux listes issues de deux courants au conseil à savoir le Juwa et l’Updc. Ces deux listes controversées vont être l’épicentre d’une vraie guerre des clans à l’Au.

Cet affrontement était prévisible et prévu car les députés en avaient pris le goût et l’habitude. Les députés frondeurs ont forcé le barrage et ont introduit les conseillers de Ndzuani de la tendance Juwa tout en faisant un barrage imperméable aux trois autres venus de l’Updc. Devant une telle situation, les coups ont commencé à pleuvoir en plein hémicycle, s’il vous plait.

Récidivistes

Le député Abdoulatuf Mohamed a sorti sa panoplie composée de coups de poings, coups de pieds, crochets et autres techniques pour frayer un chemin aux conseillers de l’Updc. C’était parti pour empirer lorsque la députée Ramlati Abdou déclara “nous sommes prêts à mourir” (Al-watwan N°3154 du lundi 10 avril 2017).

La volonté affichée par les députés de l’opposition pour clôturer précipitamment la séance d’ouverture de la session n’avait pas de limite. Des élus de la nation ont fait irruption à plusieurs reprises sur scène pour récupérer la liste des députés des mains du président de l’Assemblée, pour ensuite les déchirer. 

La cacophonie s’était invitée lorsque les parlementaires opposants ont entrepris de faire un bruit assourdissant à l’aide de leurs mains et de leurs chaussures pour au final avoir raison du discours du président Abdou Ousseni.Une scène qui ne colle pas à la stature d’un député.

A l’exception du ministre de l’Intérieur, les autres membres du gouvernement présents ont dû se résoudre à prendre la poudre d’escampette. Certains ont parlé “d’une situation créée et voulue …”. Outre l’épisode Nourdine Soula du nom de ce conseiller-député reconnu coupable d’usurpation d’identité et qui a vu l’Assemblée partir en vrille, l’actualité brûlante a réservé un autre épisode “indigne” pour nos “chers” députés.

L’information ne faisait l’ombre d’aucun doute, les députés allaient encore se chamailler lors de l’ouverture de la session parlementaire d’avril 2018. C’était écrit. ”Les représentants de Ndzuani et Ngazidja ne vont pas siéger” telle était la décision d’Abdou Ousseni alors que les conseillers de Ngazidja avaient promis de “clôturer la session avant son ouverture”. Les conseillers de Ndzuani (encore une fois) sont au centre du débat tout comme l’armée (encore) qui a de nouveau encerclé le parlement.

Des conseillers malmenés, des routes barrées, un hémicycle paralysé, le spectacle affiché ce vendredi 6 avril 2018 était encore des plus indignes.

Récidivistes, les députés l’ont démontré de nouveau prouvant par la même occasion que les prix des denrées de première nécessité en hausse ou encore le chômage des jeunes n’étaient pas inscrits dans leur agenda. La politique a pris le pas. Les représentants de la nation qui composent le mandat 2015-2020 ont brillé par les scandales à répétition. Ils ont ainsi écrit l’Histoire et pour ça on se souviendra d’eux. Rien de bien glorieux pour nos députés. Mohamed Youssouf

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