Comptez-vous prendre part à une des deux élections de mars prochain en tant que candidat ?
Je compte être candidat à la candidature de la mouvance présidentielle pour l’élection du gouverneur de Ndzuani. C’est à la mouvance de choisir les candidats ne serait-ce que pour les postes de gouverneurs. À Ndzuani, il faut quelqu’un qui peut maîtriser l’île. Un gouverneur avec une envergure nationale pour en finir avec la politique de victimisation qui consiste à se réfugier dans l’insularisme. Pour la présidentielle, notre candidat naturel reste Azali Assoumani s’il se déclare.
Changerez-vous vos plans en cas d’absence de soutien de la mouvance sur votre candidature ou d’une non-participation de votre «candidat naturel» ?
La mouvance est une entité qui regroupe plusieurs partis autonomes. Étant à la tête du Juwa-démocratique, je me dois au moins d’être candidat à la candidature, parce qu’une chose est sûre, je ne serai pas un candidat isolé ni indépendant.
Quant à la question d’une éventuelle candidature à la présidentielle, si jamais le président n’y prend pas part, la moindre des choses serait qu’il choisisse lui-même son candidat et que, par la suite, nous nous prononcions. Il ne serait pas un candidat automatique comme peut l’être le chef de l’État. De nos jours, il n’est plus possible de faire cavalier seul.
La bataille sera rude pour briguer l’investiture de la Mouvance…
Une chose est claire, nous devons avoir un mécanisme de choix transparent et juste. Si après le choix, des brebis galeuses prônent l’éclatement, c’est leur affaire. Certes personne n’est content de perdre mais être mécontent d’avoir perdu et cassé un mécanisme dont on a appartenu, ilfaut savoir faire la part des choses. Les caprices en politique, ça ne marche pas. Quiconque se dit candidat avec ou sans la mouvance, devrait quitter celle-ci.
Nous allons vers un changement du paysage politique. Vous qui êtes aux affaires depuis le début du régime actuel, quelle lecture faites-vous sur le bilan ?
Un bilan de deux ans sur cinq est forcément mitigé. Réellement, il n’y a rien de consistant puisque ça constitue souvent le démarrage. Je crois que les Assises nationales étaient une bonne chose malgré les critiques qui peuvent être légitimes. Je ne vais pas dire qu’elles étaient parfaites.
On peut toujours mieux faire mais il faut reconnaitre qu’elles ont permis d’avoir une réelle vision, des critiques consistantes, des orientations pertinentes…Nous devons dégager un élan politique parce qu’il est évident que la vision d’un pays émergeant d’ici 2030 a été intégrée dans le travail prospectif des Assises. L’émergence, c’est de maitriser les valeurs de justice, de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption, entre autres.
À vous entendre, le bilan ne serait pas que positif…
Il y a des choses qui méritent critiques dans notre gestion. Nous n’avons pas, par exemple, pu nous imprimer suffisamment dans la société comorienne. Celle-ci n’a pas encore assimilé ce que le président poursuit comme objectif. Pourtant, un président se doit d’être compris par son peuple. J’estime qu’il y a eu défaut ou, en tout cas, insuffisance de communication, de stratégie politique. Ça nous a fait défaut.
En parlant de bilan mitigé, c’est parce que j’estime qu’on a réalisé pas mal de choses mais le hic, c’est qu’elles se sont entremêlées et du coup on a du mal à y voir clair. Prenons l’exemple du secteur de la santé avec un grand hôpital, l’Anamev, l’Ocopharma, l’Evasan qui sont des réalisations sauf qu’il manque une stratégie évolutive.
C’est une situation qui se répète dans plusieurs domaines y compris dans l’administration. L’on a mis un programme de performance mais il n’y a pas eu le programme de mérite.
Aujourd’hui, la fonction publique devrait dire stop, nous soumettons tous les postes à concours, même ceux qui sont déjà occupés. C’est une stratégie juste, équitable et de mérite. Parmi les choses qui énervent et qui froissent le pays, c’est de voir des personnes occupées des postes qu’ils ne méritent aucunement alors que ceux qui le méritent sont mises de côté.
Diriez-vous qu’une politique d’emplois fait toujours défaut après plus de deux ans du régime ?
Je dis souvent au président qu’on n’a jamais eu quelqu’un comme lui. Quelqu’un qui aura passé sept ans au pouvoir, observé le pays pendant 10 ans à l’opposition et revenu ensuite au pouvoir. Je ne pense pas qu’il a droit à l’erreur. Personnellement, je ne peux pas accepter ni le faire cadeau d’une erreur quelconque.
Aujourd’hui, il doit faire plus que tout le monde et le peuple a le droit d’être exigeant.
Quant à la politique de l’emploi que vous soulevez, à mon avis, elle n’a pas existé. Elle n’a pas été mise en place. La politique de l’emploi, pendant ces deux ans, ressemblait beaucoup à celle de l’habitat du président Sambi. Une gigantesque politique qu’on a vu à minima.
Autre chose, ce pouvoir est népotique tout comme l’ont été ceux d’ikililou et de Sambi. Pourtant en 1999 et ensuite en 2002, l’on n’a jamais eu l’impression que le pouvoir était l’affaire d’une familiale. C’est à partir de 2006 que le pouvoir est géré par un conglomérat. La tournante nous a amené le népotisme d’État que nous devons combattre. Aujourd’hui, Azali fait la même chose que ses devanciers mais j’aurais aimé qu’il ne le fasse pas.
Étant le père de la tournante et mieux outillé pour connaitre les méfaits de celle-ci, il aurait pu montrer l’exemple. La responsabilité des échecs et des réussites ne peut qu’incomber qu’au gouvernement puisque le président est au-dessus.
Vous n’avez pas l’impression d’avoir perdu en crédibilité en restant au pouvoir alors que votre parti prenait la porte ?
Au contraire, j’en ai gagné parce que la constance fait la crédibilité d’une personne. Si j’avais suivi l’autre partie, je me serais renié. Au second tour de l’élection présidentielle dernière, une partie du Juwa a soutenu Mouigni et une autre, Mamadou.
Une frange que j’ai incarnée a fait en sorte que le président Sambi soutienne Azali. Je pense que les autres qui avaient continué leur combat contre Azali, ont fini par piéger l’ancien président. Moi je suis resté sur mes convictions. On ne peut pas tous les jours crier à la trahison dans notre parti. Je rappelle que je suis du Juwa, j’y suis et je suis membre fondateur. Je ne quitte pas mon navire comme ça. On tangue certes mais mon souhait, c’est qu’on ne reste pas une secte. Certes, le parti a disparu de l’échiquier politique mais je n’accepterai jamais qu’il soit la chose de quelqu’un.
Quel rapport entretenez-vous avec l’ancien président Sambi ?
La rupture est consommée avec élégance. On s’est dit au revoir. Aujourd’hui, je n’ai plus rien à voir avec lui. Quant à sa situation, il paie les conséquences d’une gestion des gens qui étaient là, qui ont préparé leur enrichissement avant de le pousser.
L’actualité brûlante concerne les procès menés par la Cour de sûreté de l’État. Quel regard portez-vous sur ces affaires et les verdicts ?
La justice a toujours été décriée. Sauf que c’est la nôtre, celle d’hier, d’aujourd’hui et certainement de demain. Faisons-en sorte qu’après demain, l’on est une justice crédible. L’on crie qu’elle est au commande, mais elle a sans doute toujours été au commande, elle a été peut-être toujours une justice de corrompus. Les maux sont peut-être vrais mais ce n’est pas ça qui va changer la donne. Mettons en place un système contrôlable, évaluable et traçable. Ce sont les mêmes acteurs depuis longtemps et l’on a toujours entendu les mêmes griefs.