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Tsok James Bot I «Nous voyons les Comores comme un champion du multilatéralisme»

Tsok James Bot I «Nous voyons les Comores comme un champion du multilatéralisme»

Politique | -   Chamsoudine Said Mhadji

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Dans cette interview accordée à Al-watwan, le Coordonnateur résident du système des Nations unies aux Comores, Tsok James Bot, est revenu sur les 50 ans de relations entre les Comores et l’Onu. Il a abordé le bilan, les défis et les perspectives de la coopération multilatérale.

 

Vous êtes le Coordonnateur résident du Système des nations unies aux Comores. Voulez-vous nous parler de votre rôle ?


Le système de coordination des Nations unies a été réformé en 2018. Auparavant, le représentant du Pnud dans un pays assumait également la coordination des agences onusiennes. Cette réforme a été motivée par deux raisons principales. Premièrement, en matière de développement, il était essentiel de proposer des projets alignés sur les plans de développement nationaux, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant en raison d’une coordination insuffisante. Désormais, le Système des nations unies s’aligne sur les priorités nationales pour garantir une approche cohérente et soutenir les plans de développement des gouvernements. Un changement a été effectué pour que le Pnud n’assure plus la coordination mais puisse se focaliser sur sa programmation comme les autres agences spécialisées. Un bureau indépendant de coordination a été créé, dirigé par un coordonnateur résident, mandaté par le secrétaire général des Nations unies pour coordonner l’action des agences et œuvrer à la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (Odd).

Vous avez présenté vos lettres de créance au président Azali Assoumani en mai 2024. Un an après, quel regard portez-vous sur votre mission aux Comores ?


Lors de ma première rencontre avec le président Azali Assoumani, il m’a accueilli chaleureusement, soulignant que les Comores, bien que petit pays, font face à des défis complexes et ont besoin de partenaires comme le Snu. Après un an de collaboration et de déplacements à travers le pays, j’ai une grande appréciation pour les Comores et leur peuple. Le principal défi pour moi est de coordonner efficacement nos efforts au sein du système de développement. J’ai misé sur une collaboration étroite avec la société civile, le secteur privé et le secteur public. Pour moi, le développement repose sur trois piliers : une communauté engagée et coordonnée, souvent portée par la société civile ; un secteur privé dynamique ; et un gouvernement responsable. Le Snu apporte un appui à ces trois piliers.

Vous avez évoqué la mise en œuvre des Objectifs de développement durable. Comment cela se concrétise-t-il aux Comores face aux défis du pays ? Où en est la mise en œuvre du plan-cadre de coopération 2022-2026 ?


Notre système de coordination s’aligne sur le Plan Comores émergent (Pce), le plan de développement national. En 2021, nous avons signé un plan-cadre de coopération de cinq ans avec le gouvernement, qui guide nos actions en fonction des priorités nationales et des Odd. Ce plan constitue notre feuille de route. Cependant, nous faisons face à des défis, notamment le manque de financements pour certaines actions et les particularités géologiques des Comores. Des progrès significatifs ont été réalisés. Par exemple, dans le domaine de l’éducation, les Comores se distinguent par une relative égalité d’accès pour les filles et les femmes, contrairement à d’autres pays. De plus, le taux de mortalité maternelle a considérablement diminué, dépassant même les objectifs des Odd dans ce domaine. D’autres avancées sont notables, et nous continuons à travailler avec nos partenaires pour aligner nos actions sur le Pce.

Lors du séminaire annuel du gouvernement, il a été constaté que l’aide publique au développement ne répond pas toujours aux besoins réels des Comores. Partagez-vous ce constat ? Pourquoi cette situation et comment y remédier ?


Je partage ce constat, qui ne concerne pas uniquement les Comores, mais de nombreux pays en développement, notamment en Afrique. Cette situation s’explique souvent par le coût élevé des emprunts, particulièrement pour les pays à faible économie. Le système financier international, souvent conçu sans la participation de ces pays, limite l’accès à des financements abordables. Le Snu, en collaboration avec l’Union africaine, plaide pour un accès équitable à des financements durables afin d’éviter l’endettement excessif. Nous explorons des solutions pour mobiliser des ressources mieux ciblées sur les besoins de développement.

Concernant les financements, la suspension des programmes de l’Usaid et le retrait des États-Unis de certaines agences comme l’Oms auront-ils un impact sur les Comores ? Comment le Snu s’y prépare-t-il ?


La nouvelle politique des États-Unis a un impact, bien que limité, sur les Comores. Après une longue période de suspension, les États-Unis avaient repris leur financement il y a environ trois ans. Certains programmes, comme l’appui à la garde côtière pour la sécurité maritime, se poursuivent. Cependant, des projets agricoles et un programme de gestion de l’immigration avec l’Organisation internationale pour les migrations (Oim) ont été arrêtés, ce qui affecte directement la population. Globalement, les Comores sont moins touchées que d’autres pays. Toutefois, d’autres bailleurs traditionnels, comme l’Allemagne, la Suisse ou la Norvège, ont également réduit leur aide au développement. Face à cela, le Snu revoit son fonctionnement pour être plus efficace, tout en restant fidèle à sa charte. Nous nous adaptons à ce nouveau contexte en optimisant nos mandats et en renforçant notre efficacité.

Vous avez mentionné le manque de financements pour certaines agences onusiennes. Quelles stratégies envisagez-vous pour mobiliser de nouveaux fonds et renforcer l’action du Snu aux Comores ?


Nous poursuivons deux stratégies principales. Premièrement, nous renforçons notre collaboration avec le gouvernement pour améliorer les capacités des secteurs techniques, comme l’agriculture, où nous travaillons avec les Crde et les directions du ministère de l’Agriculture. En tant qu’organisation, nous ne réalisons pas d’actions directes comme une Ong, mais nous appuyons nos partenaires. Deuxièmement, nous développons une stratégie pour mobiliser des financements auprès de nouveaux bailleurs, comme des fondations ou des structures philanthropiques, qui sont peu présentes aux Comores. L’objectif est de privilégier les structures gouvernementales et, si nécessaire, les Ong actives sur le terrain.

La retraite annuelle des Nations unies débute le lundi 9 juin. Quels sont les objectifs de cette année, et en quoi cette édition est-elle particulière ?


Cette année est cruciale, car nous sommes dans l’avant-dernière année du plan-cadre de coopération 2022-2026. Une journée sera consacrée à des échanges avec le gouvernement pour faire le bilan de nos actions et identifier ses priorités pour la prochaine période. En collaboration avec le Commissariat général au plan et d’autres partenaires étatiques, nous évaluons les réussites, les échecs et les défis de ce cadre. Ces discussions nous permettront de mieux préparer le prochain plan-cadre, qui débutera en 2027. Cette retraite est essentielle pour renforcer notre engagement envers le gouvernement.

Les Comores célèbrent 50 ans d’adhésion aux Nations Unies. Quel bilan tirez-vous de ce demi-siècle de coopération ?


Cette relation a été très bénéfique pour le peuple comorien. Depuis l’indépendance en 1975, les Nations unies ont reconnu les Comores comme État membre, une source de fierté pour le pays. Tous les gouvernements comoriens successifs ont valorisé cette coopération. Nous considérons les Comores comme un champion du multilatéralisme, ce qui est particulièrement important dans le contexte actuel. Cette relation est symbiotique : le Snu soutient le développement des Comores, tandis que le pays, en tant qu’État membre, contribue au multilatéralisme. Un bilan exhaustif nécessiterait un livre, mais je peux affirmer que cette coopération est très fructueuse.

Votre mot de la fin ?


Je tiens à remercier le peuple comorien et son gouvernement pour leur accueil chaleureux depuis mon arrivée il y a un an. Le Snu bénéficie d’un excellent partenariat et d’un accès privilégié aux autorités et aux données, ce qui est rare comparé à d’autres pays où j’ai travaillé. Cela témoigne d’une volonté de collaboration exceptionnelle, dont je suis très reconnaissant. Le peuple comorien est accueillant, chaleureux et pacifique ; je me sens partout en sécurité et à l’aise. Les défis de développement restent notre priorité, et je peux assurer que le Snu demeurera un partenaire privilégié pour le développement des Comores.


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