Les dirigeants africains et européens se sont donnés rendez-vous les 17 et 18 février prochains à Bruxelles pour un sommet «inédit», de l’avis partagé des plus grands experts. Derrière le décor prévu et les belles formules diplomatiques ressassées à longueur de journée, c’est un véritable tournant qui est attendu à ce sommet organisé sous la présidence française de l’Union européenne. De nombreuses rencontres préparatoires ont déjà eu lieu à Paris et à Bruxelles en décembre 2020 sous la coordination technique du président du Conseil européen, Charles Michel.
«Un new deal économique et financier» est nécessaire pour «refonder» notre partenariat avec le continent africain, semble désormais convaincu le président français, Emmanuel Macron, dans son discours inaugural du nouveau mandat français de la présidence en exercice de l’Union européenne. «L’enjeu du sommet UE-Union Africaine de février sera de donner du contenu à l’initiative européenne de mobilisation de financements en soutien aux transitions de nos partenaires», résume la présidence française.
Ces transitions qui «inquiètent»
Ce sont justement à ces «transitions» en cours en Afrique que s’intéressent les chancelleries occidentales sur le continent. Ces nouvelles donnes obligent le «Vieux continent» à revoir sa copie et à anticiper de nouveaux modèles de développement innovants qui prendront en compte le grand désir de changement qui est en train de se faire jour au sein des populations africaines.Tous les sujets seront à l’ordre du jour : développement économique, accompagnement des petites et moyennes entreprises (Pme), infrastructures numériques, climat, transition énergétique, démocratie et droits de l’Homme, paix et sécurité ou encore immigration.Le sixième sommet Ua-Ue devrait ainsi marquer un tournant historique dans les relations entre les deux continents en raison également du nouveau contexte géopolitique qui est entrain d’inverser les rapports de force mondiaux.
D’autant plus que la forte percée économique et diplomatique en devenir de la Chine et les appétits politiques de la Russie font planer les risques de voir l’Union européenne devenir spectatrice de la transformation inéluctable du continent. L’Afrique, désormais considérée comme une grande terre d’opportunités, est en pleine transformation et veut désormais peser pour des partenariats à bénéfices égaux. A ce niveau, il faut rappeler que l’Union européenne reste, jusqu’ici, «le premier partenaire» de l’Afrique avec un volume commercial estimé à «230 milliards d’euros» en 2020, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde).Mais la Chine qui mise sur les coopérations bilatérales directes est en passe de devenir en 2025 «le partenaire stratégique» du continent, selon le rapport 2020 du Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement (Cacid) qui évoque «un volume commercial de près de 167,8 milliards de dollars entre janvier et novembre 2020».
Nouvelles «visions» africaines
Les Africains considèrent que les investissements des pays européens et l’»Aide publique au développement» (Apd) ne profitent qu’aux pays européens et que les engagements pris n’ont pas permis d’absorber le chômage des jeunes et accélérer le processus d’industrialisation du continent. De nombreuses initiatives supplémentaires mises en place par l’Union européenne comme le Plan d’investissement financier (Pif) d’une enveloppe de 44 milliards d’euros n’ont pas permis d’atteindre les objectifs souhaités.
«La Commission européenne a pleinement conscience du sous-financement chronique de la part des institutions financières européennes de développement (IFED), dont souffrent les projets menés dans les pays africains pauvres et fragiles», reconnait, à ce propos, l’économiste Robert Kappel, professeur émérite basé actuellement à l’université de Leipzig (Allemagne).Aujourd’hui, les objectifs affichés par les Africains sont l’industrialisation de leur continent et la mise en place de politiques concrètes de promotion de leurs Petites et moyennes entreprises (Pme) qui représentent «plus de 80% des activités économiques», selon le centre africain pour le commerce. D’autres défis comme la fin des conflits armés, la transformation numérique du continent et les changements climatiques sont dans l’agenda du sommet. Le dernier sommet Ue-Ua avait eu lieu en 2017 à Abidjan en Côte d’Ivoire.
Outre la révision de fond en comble des Ape (Accord de partenariats économiques) consacrés par l’Accord de Cotonou de 2000, le sommet Ua-Ue devrait poser surtout les nouvelles bases de la coopération commerciale et mettre fin à cette culture d’assistanat et à ces clichés hérités de la période postcoloniale. «L’UE doit élaborer de nouveaux modes d’engagement, plus en phase avec la réalité changeante du continent africain», suggère le professeur Robert Kappel.
Union africaine I Le sommet des chefs d’Etat ce 5 février à Addis-Abeba
Les travaux techniques démarrent à partir de ce mercredi 2 février avec la 40è session du Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères. Celui-ci doit adopter les projets de résolutions, déjà préparés par le Comité des représentants permanents (Corep) et qui seront soumis à l’appréciation des chefs d’Etat samedi prochain.
«Renforcer la résilience nutritionnelle sur le continent africain, accélérer le capital humain et le développement social et économique». Tel est le thème général retenu pour le 35è sommet ordinaire des chefs d’Etat de l’Union africaine prévu les 5 et 6 février à Addis-Abeba en Ethiopie. Il s’agit du premier sommet en présentiel qui sera organisé après la Covid-19.
Les travaux techniques démarrent à partir de ce mercredi 2 février avec la 40eme session du Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères. Celui-ci doit adopter les projets de résolutions déjà préparés par le Comité des représentants permanents (Corep) et qui seront soumis à l’appréciation des chefs d’Etat samedi prochain.
L’agriculture, le développement rural, l’environnement, le financement de la Zone de libre-échange continentale en Afrique (ZleCaf) seront exposés au cours des travaux.
Les dirigeants africains devraient ratifier le Traité portant création de l’Agence africaine des médicaments. Mais d’autres sujets «brûlants» pourraient s’inviter dans l’ordre du jour. Le conflit autour du projet de construction du barrage de la Renaissance est toujours dans les esprits. Les crises politiques, diplomatiques et sécuritaires au Mali, au Burkina Faso et en Libye risquent, en effet, de dominer l’agenda du sommet.Le continent africain, en pleine mutation, est devenu un enjeu de la nouvelle géopolitique qui se dessine lentement.
Les dirigeants ne portent pas forcement les mêmes lunettes sur les crises ouvertes notamment au Sahel et l’attitude à adopter face à l’irrésistible désir de changement de paradigme dans l’exercice de la souveraineté des Etats.Le 35è sommet de l’Ua va-t-il aider à résorber les divergences profondes entre communautés politiques régionales?