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Vous avez dit “communauté de l’archipel des Comores” ?

Vous avez dit “communauté de l’archipel des Comores” ?

Politique | -   Contributeur

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Au fond, l’idée est séduisante. Elle est une ramification de la “confédération bilatérale” ou encore du système “un territoire pour deux administrations”. Mais, elle repose sur l’acceptation de chaque côté de la renonciation des positions qui justement font le cœur du conflit. Autant dire assez improbable.

 

La question de Mayotte, c’est avant tout et peut-être essentiellement une question juridique. En tout cas, elle semble l’être devenue pour le gouvernement français. Il s’agira toujours de trouver, en droit, une solution qui puisse satisfaire toutes les parties concernées. Pour ce faire, il a fallu construire à partir de deux postulats de départ.

D’abord, les Comores ne peuvent renoncer à l’appartenance comorienne de l’île de Mayotte sans violer l’article 1er de la Constitution comorienne. Ensuite, une restitution pure et simple n’est juridiquement pas faisable sans la consultation des mahorais conformément à l’article 53 de la Constitution française.

Dès lors, deux options se présentent. Ou bien le gouvernement français choisit le statu quo ou bien il réactive une proposition qui peut sembler originale, mais dont l’idée couve en réalité depuis des décennies : la communauté de l’archipel des Comores. Une bizarrerie juridique qui sous de faux airs de concession de la part de la France implique une double renonciation : pour les Comores, un abandon du retour effectif de l’île, pour les Mahorais, celui du statut de département français.

L’idée est simple : établir une entité de coopération régionale d’intégration économique et politique. Un accord de partenariat sera établi pour institutionnaliser ce lien. Il faut imaginer sans doute, un marché commun, ou pourra alors faire prospérer une libre circulation des personnes, des biens et capitaux. Nul besoin de visa, un laissez-passer suffirait puisque les frontières ne seraient plus imperméables. Ce qui arrangerait, pensent-ils, la partie comorienne.

Mais, comme une libre circulation n’implique pas forcément une liberté d’établissement, alors pour s’installer et séjourner longuement d’une part et d’autres de la communauté il faudrait respecter la législation locale.Un titre de séjour sera obligatoire, car s’y maintenir sans celui-ci, ferait de vous un clandestin. Ce qui, pensent-ils, conviendrait aux Mahorais.

Au final, ce sont des Comores réformées, mais uniquement sur une dimension géographique. C’est l’appartenance de Mayotte à un archipel qui est ici reconnu, non à l’État de l’Union des Comores. Une île de Mayotte française dans l’archipel des Comores.

L’avantage, c’est que cela contribuerait peut-être à résorber le drame humanitaire de la traversée des kwassa. De plus, une telle intégration conduirait à renouer les liens et rapprocher les habitants de Mayotte avec ceux des autres îles. L’inconvénient c’est qu’il s’agit en réalité d’un retour à la situation d’avant le visa dit Balladur, mais avec une superstructure institutionnelle difficile à faire fonctionner.

En effet, d’un point de vue strictement juridique, la communauté de l’archipel des Comores soulève des difficultés de conformité à notre constitution. Si elle devait voir le jour, il est fort à parier qu’un tel accord serait censuré par la Cour constitutionnelle si tant est qu’elle soit renouvelée un jour.

En effet, l’Union des Comores ne peut signer des accords de coopération qu’avec un autre État souverain comme lui. Le partenaire ici ne saurait être que la France non pas Mayotte, qui n’est qu’une collectivité territoriale.

À l’égard de notre constitution, une telle communauté ne pourrait nécessairement prendre que la forme d’une coopération décentralisée au titre de l’article 35 de la Constitution. C’est-à-dire que ce serait les îles autonomes de Ngazidja, Ndzuani et Mwali, et non l’Union, qui formeraient avec la collectivité territoriale française de Mayotte, une organisation régionale. Mais cette hypothèse se heurterait à un obstacle constitutionnel de taille. C’est que justement en ce qui concerne les Comores et la Constitution, Mayotte fait partie des 4 îles de la République. Dès lors, il ne saurait y avoir de communauté de coopération régionale, donc internationale, entre les Comores et une de ses propres composantes. Logique ! Cela équivaudrait à faire une communauté entre l’Union des Comores et ellemême.

Au fond, l’idée est séduisante. Elle est une ramification de la “confédération bilatérale” ou encore du système “un territoire pour deux administrations”. Mais, elle repose sur l’acceptation de chaque côté de la renonciation des positions qui justement font le cœur du conflit. Autant dire assez improbable.

Peut-être que parfois faudraitil être pragmatique et considérer qu’il y a une priorité, celle de sauvegarder des vies. Et que pour cela, l’on pourrait concéder à une telle architecture institutionnelle.

Seulement, il n’est pas sûr que la France le perçoive comme une solution intermédiaire devant nous permettre à terme de recouvrir notre intégrité territoriale. Dans ce cas, les autorités qui nous gouvernent doivent prendre garde à ne pas prendre une concession calculée avec un processus de rétrocession entamée. Il y a des victoires qui au final ont des allures de défaites. Tenez-vous-en, autant que faire se peut, à notre Constitution et au droit international, puis trouvez une solution compatible.

 

Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public
Chargé d’enseignement à l’Université de Toulon
 

 

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