Le 19eme sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) a pris fin, samedi 6 octobre à Villers-Cotterêts. La France, pays hôte, a bouclé les festivités après deux jours d’intenses travaux dominés par les innovations technologiques à partager au sein de l’espace francophone, la guerre au Liban, les tensions géopolitiques, les incertitudes dans certains pays membres en proie à des crises multidimensionnelles, entre autres. Le président français, Emmanuel Macron, la secrétaire générals de l’Oif, Louise Mushikiwabo, et le premier ministre tunisien, Kamel Madouri, ont animé la grande cérémonie officielle.
La défense du multilatéralisme
A l’issue du sommet, les 88 pays représentés (54 membres, 7 membres associés et 27 observateurs) ont adopté un ensemble d’engagements censés préserver les fondements historiques de l’institution avec en toile de fond la consolidation des valeurs de solidarité, de paix, de liberté, de justice, d’égalité entre homme-femmes, de démocratie, la défense du multilatéralisme, de la diversité culturelle, la promotion des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance.
Les participants ont, d’abord, pris une résolution sur les différentes crises qui étouffent les équilibres nécessaires à la coexistence d’un monde de plus en plus complexe dominé aujourd’hui par de nouveaux pesanteurs stratégico-politiques qui amplifient le repli sur soi et le nombrilisme des Etats. Les pays membres de la Francophonie réaffirment, en préambule, leur «attachement aux valeurs de paix et de solidarité, aux droits et libertés fondamentaux ainsi qu’aux principes universels du droit international et en particulier ceux de la Charte des Nations unies».
Les 79 résolutions adoptées, dans le premier texte, ont mis l’accent sur la nécessité de faire toujours recours au droit et de privilégier le dialogue dans le règlement des conflits mais aussi au respect des droits humains, à la lutte contre le terrorisme et les différentes menaces qui empêchent la pacification des sociétés. Les résolutions ont appelé au retour à l’ordre constitutionnel dans certains pays en proie à des tensions politiques, doublées d’une crise sécuritaire comme au Mali, au Burkina Faso et au Niger où on déplore «la dégradation de la situation sécuritaire». L’Oif dit condamner «les attaques terroristes perpétrées… et les exactions commises à l’encontre des populations civiles» et appelle «toutes les parties prenantes au respect des droits humains et du droit international humanitaire».
Un soutien total au Liban
Arménie, Haïti, Azerbaïdjan, Chypre, Mer de Chine, Guinée, Nouvelle Calédonie, Région Océan indien, les appels de la famille francophone restent les mêmes, à savoir le déploiement des moyens pacifiques pour toujours rester en bon ordre avec les grands principes de la communauté. L’objectif affiché est de créer la confiance dans la résorption de toutes les formes de tensions dans ces pays et parties du monde. En République démocratique du Congo (Rdc), l’Oif appelle « au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, et de l’intangibilité des frontières » et dénonce «tous les massacres des populations et les bombardements des camps de déplacés, commis sur le territoire de la RDC, amplifiant les déplacements massifs des populations comptées en millions ».
S’agissant de la guerre à Gaza, l’Oif, dans le point 17 de son paquet de résolutions, réaffirme son «soutien aux efforts internationaux visant l’établissement d’une paix juste, durable et globale au Moyen-Orient mettant fin à l’occupation et reconnaissant les droits légitimes du peuple palestinien à l’autodétermination», soulignant que cela contribuera à «la mise en œuvre d’une solution à deux États et la création d’un État palestinien indépendant, souverain, viable et contigu sur la base des frontières du 4 juin 1967».
Les participants, dans le deuxième texte adopté à l’unanimité, ont manifesté leur solidarité envers le Liban, «pilier de la Francophonie dans cette région du monde» qui «doit retrouver la paix et la sécurité au plus vite». Les chefs d’Etat et de gouvernement ont appelé « avec force à mettre fin aux atteintes à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du Liban et appelons à un cessez-le-feu immédiat et durable » avant de «se féliciter de l’initiative franco-américaine du 25 septembre 2024 et saluons l’annonce par la France d’organiser très prochainement une conférence de soutien au Liban».
Les participants ont, par ailleurs, apporté leur soutien à l’Ukraine et surtout leur « attachement à l’unité et l’intégrité territoriale…, à sa souveraineté et à son indépendance à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues ».
Ils ont appelé « au retrait complet et sans conditions par la Fédération de Russie de ses forces militaires d’Ukraine, dans ses frontières internationalement reconnues, et à une paix juste et durable conformément au droit international et à la Charte des Nations unies ». Les pays de l’Oif ont exhorté « la Secrétaire générale de la Francophonie à continuer à suivre ces situations de crise dans l’espace francophone et à œuvrer pour leur prévention ou leur règlement pacifique, et décidons de rester saisis». Le troisième document adopté par les pays membres, à savoir «la déclaration de Villers-Cotterêts», renvoie au respect des engagements linguistique, technologiques, numériques, sanitaires, climatiques et économiques au sein de l’espace francophone. En tout, 36 résolutions appellent à la solidarité et à la coopération dans divers domaines dont les connaissances sont à partager pour faire jaillir les savoirs indispensables, à la création d’emplois, à l’autonomisation de la femme, à la lutte contre les crises sanitaires, à la créativité et aux innovations technologiques.
Un transfert de technologies et les échanges universitaires
Les Etats membres ont, par exemple, appelé «l’ensemble des institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie à favoriser la liberté de création, dans toute la diversité de ses expressions artistiques, et les invitons à développer leurs actions en faveur des industries culturelles et créatives, en particulier par le développement et l’amélioration des formations professionnelles dans ces secteurs». Un accent particulier a été mis sur l’emploi jeune et le développement des partenariats entre les réseaux des medias pour une meilleure promotion des valeurs communes, un transfert de technologies et les échanges universitaires.Les Comores, par la voix du ministre des Affaires étrangères, qui représentait le chef de l’Etat, Azali Assoumani, ont plaidé pour une réduction de la fracture numérique avec «un appui conséquent aux pays accusant un retard technologique», entre autres.
Le ministre Mbaé Mohamed a participé à une table-ronde axée sur le thème «Créer, innover et entreprendre en français pour l’emploi des jeunes.» et a «insisté sur l’importance d’appuyer les initiatives d’innovation des jeunes de l’espace francophone. Il a également mis en exergue les disparités existant entre les Etats membres en matière d’accès aux Nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il a ainsi plaidé pour un appui conséquent aux pays accusant un retard technologique», selon une source de sa délégation.
Le sommet s’est soldé par l’adhésion annoncée de certains Etats mais aussi la révision des statuts pour d’autres. «Parmi les nouveaux observateurs figurent l’Angola, le Chili, la Nouvelle-Écosse (Canada), la Polynésie française (France) et la Sarre», a-t-on indique alors que «des pays comme Chypre et le Ghana ont vu leur statut évoluer pour devenir membres de plein droit, témoignant de l’attractivité croissante de l’Oif», selon la déclaration finale qui annonce la tenue du 20eme sommet au Cambodge.