Fazul et Farouata, respectivement gouverneurs de Mwali et Ngazidja, n’ont pas eu l’approbation du pouvoir pour se représenter. Qu’est-ce qui leur est reproché ? Le bilan de leur règne a-t-il joué en leur défaveur ? Les deux gouverneurs n’ont pas échoué. Ils ont parfaitement assumé leurs fonctions. Il faut maintenant contextualiser les choses. Depuis l’adoption de la constitution de 2018, les gouverneurs des îles doivent en quelque sorte, surtout s’ils sont de la Mouvance, accompagner les projets du pouvoir central contenus dans le Plan Comores Emergents (PCE). Les deux gouverneurs ont assumé ce rôle.
Ce qui a fait que nous avons passé cinq ans d’apaisement politique entre les pouvoirs insulaire et national. Parallèlement, les gouverneurs ont des réalisations propres par rapport à la décentralisation, entre autres. Farouata, a tissé des coopérations notamment en Seine-Saint-Denis, a travaillé d’arrache-pied autour de la formation des maires, entre autres. À Mwali, ce sont des réalisations nationales notamment la voirie urbaine de Fomboni, les infrastructures routières, le mix énergétique, de la construction d’un hôpital pôle mère-enfant équipé de trois blocs opératoires et d’un centre de dialyse. Ces actions ont été concrétisées en synergie et en complémentarité avec le pouvoir central. Ils n’ont certes pas eu l’aval de défendre leurs pouvoirs, mais ils ont pris part aux débats et étaient d’accord avec ce principe.
Pourquoi la Crc n’a-t-elle pas reconduit à nouveau les gouverneurs sortants si elle estime qu’ils ont bien mené leurs mandats ? Et pourquoi avoir opté pour les trois personnes choisies ? La mouvance décrie d’ailleurs ces candidats qui sont tous de la Crc. Comme avec Farouata, il nous fallait une femme et le tour échoit à Mwali. 48 % des membres de la Crc sont des femmes. On ne peut pas ne pas prendre en compte cet aspect-là. Chamina Mohamed est une femme compétente avec de l’expérience dans les hautes sphères de l’État. Et, elle est également une élue. Fazul est là depuis un moment, il fallait impulser un changement et un renouveau.
À Ngazidja, Farouata devait elle aussi passer la main à une autre personne et elle l’a compris. En 2019, les trois gouverneurs étaient issus de la Mouvance présidentielle. La Crc avait seulement le candidat à la présidentielle. Il n’y avait aucun problème. Et, même aujourd’hui, quand on regarde de près les candidats, ils sont de la Mouvance. À Ndzuani, c’est un candidat Soma Azaliste. Ibrahim Mze, lui, n’a adhéré au parti que depuis huit mois. Avant, il a passé tout son temps au sein du parti Mlingo.
Et cela montre la maturité de la Crc qui ne s’est pas entêtée à choisir des gens qui sont là depuis des années. Ce sont des choix pour incarner l’entente. Et, on voulait des personnes qui peuvent nous apporter des électeurs. Ibrahim est le président du Cosic, d’ici trois ans, nous organiserons les jeux. Le Cosic, c’est le sport et la jeunesse et nous avons estimé avoir fait le bon candidat. Il nous faut capitaliser sur notre jeunesse et c’était la personne la mieux placée.
Comment la Crc perçoit-elle les candidatures annoncées telles que celles de Chabouhane et Dr Abdoulanziz à Mwali ? Chayhane est également cité comme potentiel candidat à l’élection du gouverneur de Ngazidja. Notre position est claire. Nous sommes en train de reconsolider les forces du parti. La discipline est le maître mot, d’où la Charte du militant adoptée lors du dernier congrès. La minorité doit se soumettre à la majorité après un débat. La Crc, à travers son comité des sages et son bureau politique, a coché certains noms. Et, en concertation avec la Mouvance présidentielle, trois noms ont été retenus.
Ceux qui vont à l’encontre de ces choix seront exclus du parti. Ces personnes ne doivent pas prétendre soutenir le président, être proches de lui et en même temps se porter candidat indépendants et donc aller à l’encontre des directives du parti. L’indiscipline n’est pas permise. Les candidats indépendants seront exclus et considérés comme des opposants à la Crc et donc au chef de l’Etat. Quand on n’est pas d’accord, on quitte le parti et on crée sa propre formation politique ou on rejoint une autre en adéquation avec ce à quoi on croit. Ou bien, on se retire complètement de la politique. Nous avons eu des discussions, nous avons envoyé des émissaires pour les dissuader.
Nous avons eu beaucoup de privilèges. Le chef de l’Etat nous a tout donné. Moi, je n’ai pas besoin qu’on vienne me convaincre de respecter la décision du chef de l’Etat. Après, chacun agit comme il veut, mais scinder les candidatures est un mauvais choix. C’est un groupement, une famille et on ne peut se permettre une désunion à quelques mois des élections sans agir en conséquence.
Pourriez-vous clarifier la position de la Crc sur la déclaration du président de la Ceni affirmant que la question du déploiement de l’armée dans les bureaux de vote est définitivement tranchée alors que dans le même temps cela diffère des déclarations de Mohamed Abdoulwahab qui participe au cadre de concertation ?
À mon avis, dans le monde, il n’y a jamais eu une élection sans forces de sécurisation. En 2016, nous étions dans l’opposition. Et, l’armée était dans les bureaux de vote. Pourtant, nous avons gagné. En 2018, lors de l’adoption de la constitution, un militaire a été blessé. Aucun civil n’a été touché.
Le rapport de l’UA rendu public après l’élection a fait mention du professionnalisme de l’armée. Tout cela pour dire que notre armée se contente de sécuriser les urnes. Et, c’est la police et la gendarmerie qui assurent le reste. Le président de la Ceni a dit qu’il va appliquer la loi. On ne peut pas avoir des gens qui prônent le boycott, avoir en mémoire ce qui s’est passé en 2019 et la création d’un prétendu gouvernement, et ne rien faire. La Ceni et la Cour suprême travaillent sur des textes. Quelle est la garantie de l’opposition qu’il n’y aura pas de problème ? Qu’est-ce qui leur fait croire que des citoyens ne vont pas perturber le vote le jour du vote ? Il faut se préparer à tous les scenarios.
Le cadre de concertation a donné beaucoup de points. Le président a cédé deux membres de la Ceni pour que des membres de l’opposition puissent placer les personnes de leurs choix. Il en est de même pour les gouverneurs. Il a été demandé de ne pas se limiter à des personnes du pouvoir, mais à des personnes de confiance. Il y a eu des avancées. Le débat actuel est regrettable, car ce sont des insultes. Au lieu de proposer un projet, ils insultent le chef de l’Etat. Ils appellent à la haine et à la guerre.
Le débat autour du cadre de concertation est nécessaire d’autant qu’il n’est pas focalisé uniquement sur la présence ou non de l’armée dans les bureaux de vote. Le moment venu, les membres présents pourront proposer des pistes et des solutions pour la sécurisation du scrutin, mais s’il n’y a pas de garantie, on ne prendra pas le moindre risque.
La Crc avait exprimé le désir de rajeunir la classe dirigeante. Cependant, parmi les trois candidats choisis pour le poste de gouverneur, seule la candidate de Mwali est jeune. Pourquoi certains candidats jeunes ont-ils été éclipsés au profit de candidats plus âgés, suscitant ainsi des déceptions et des frustrations au sein du parti?
On a toujours appelé les jeunes à adhérer au parti, on ne leur a pas promis des postes électifs. On ne peut pas confier le pays à des gens qui n’ont aucune expérience. Il faut un minimum de maturité politique.
On ne peut pas prendre un chef de service dans l’administration ou un agent de mairie et lui confier un tel pouvoir, surtout dans un petit pays pauvre à problèmes et avec 50 partis politiques. Quand on voit ce qui arrive au Mali, au Burkina et ailleurs en Afrique, cela demande une attention particulière. On ne s’amuse pas avec un pays. Le bureau de la Crc doit être composé de trois tranches : des personnes âgées, des moins jeunes et des jeunes. Et puis, ce n’est pas surtout l’âge qui compte mais la maturité et l’expérience qui priment. Le diplôme ne suffit pas.
Autres sources de frictions, la place et surtout le poids qu’a pris Nour El-Fath Azali, secrétaire fédéral adjoint en charge de la coordination des fédérations. Qu’est-ce que vous pouvez répondre aux personnes qui affirment cela? Ce sont des complexes. On avait Idarousse, qui était le meilleur de nous tous. C’était un leader. Je revenais toujours vers lui parce qu’il avait une expérience accrue au sein des ministères et du staff de la Crc. Tout cela ce n’était pas parce que c’était le neveu du chef de l’État. Fath a fait de grandes études aux États-Unis, avec son expérience professionnelle, il s’investit à cœur dans la politique.
Et lui barrer le chemin parce qu’il est le fils d’Azali est un faux procès. Il travaille dur et le fait correctement. Il est mon adjoint, il peut demain être mon chef. Le travail qu’il a réalisé notamment lors des tournées du mois de ramadan sont à saluer, à juste titre, et montrent qu’il est capable de faire de grandes et belles choses. Il m’apporte du neuf pour diriger le parti et aller de l’avant.
La question du budget de la Crc est soulevée, notamment en ce qui concerne les déplacements massifs dans les îles. Comment la Crc justifie-t-elle ces dépenses, surtout lorsqu’elles sont critiquées comme étant financées par l’argent de l’État? Pouvez-vous clarifier les rapports sur les sommes distribuées et le montant lors de la cérémonie officielle de présentation des candidatures?
On avait une grande réunion dans le Mbadjini, nous n’avons reçu aucun rond de personnes. Ce sont les cadres du parti originaires du Mbadjini qui ont cotisé. On avait la tournée dans le pays pendant le ramadan, et là aussi chaque région s’est mobilisée financièrement. Lors du dernier congrès, ce sont les militants qui ont cotisé.
J’ajoute qu’aucun parti comorien n’a fait de bilans financiers. Que ceux qui disent qu’on utilise l’argent du pays se renseignent notamment auprès des responsables du bateau qui a transporté nos militants à destination de Ndzuani.
Propos recueillis par
Am