Les «Manifestations du vendredi» de l’Union de l’opposition semblent prendre du plomb dans l’aile. En tout cas, celle de la semaine dernière, la troisième de suite, n’a pas eu le même effet que les deux précédentes. La forte répression du vendredi 1er juin, suivie de l’arrestation du secrétaire général du parti Juwa, Ahmed Hassane El-Barwane, n’y sont pas forcément étrangères.
A la mosquée Al-Qasmi, à la sortie de la prière, les leaders de l’opposition ont eu du mal, voire ont hésité à mobiliser du monde. Ibrahim Abdourazak (Razida) assurera pourtant que «nous n’avons pas peur. L’arrestation de Barwane ne signifie pas que nous allons baisser les bras». Il est hors de question, dit-il, d’abandonner «si près du but». «Si les gens lèvent la tête aujourd’hui, c’est grâce à nos manifestations. Vous avez entendu la déclaration de l’Organisation des Nations unies (Onu) et celle de l’Union africaine (Ua). Nous attendons la venue de ces deux organismes avant la fin du mois pour aborder le sujet», a-t-i déclaré.
Sans violence
Le représentant de l’Union pour le développement des Comores (Updc), débout au milieu d’une poignée de personnes, essentiellement de jeunes, poursuivra : «une manifestation peut s’organiser ainsi. L’on n’est pas forcé de descendre dans la rue. Le fait de se réunir et d’oser dire de vive voix ce qui ne va pas, c’est déjà manifester. Le fait que les citoyens et les médias soient présents pour entendre et relayer ce que l’on a à dire, témoignent de la réussite de la manifestation».
Il faudra les «narende !» («Allons-y !») répétitifs de l’auditoire pour décider Ibrahim Abdourazak, Moustoifa Saïd Cheikh du Front démocratique (Fd) et Mohamed Msaidié, député Juwa de Moroni-sud, à battre le pavé. Pour éviter le barrage des militaires, positionnés entre la mosquée Al-Qasmi et celle de Badjanani, les manifestants prendront la direction du petit marché de la capitale, scandant comme lors des précédentes manifestations : «dehors Azali !», «dehors Kiki !». Arrivés au niveau des magasins Chalma, Razida donnera le mot d’ordre d’arrêter la manifestation. Mais les jeunes manifestants, emportés dans leur élan, refuseront de lui prêter oreille. Ils poursuivront, seuls, leur marche forcée vers le marché Grimaldi. Ils seront dispersés en chemin, sans violence, par des éléments de la gendarmerie nationale, armés de matraques et de grenades lacrymogène, dont ils n’auront pas à faire usage.
Arrestations
A Hahaya, toujours à Ngazidja, le député Oumouri Mmadi Hassani de l’Udpc, s’est dit «indigné» de la note du préfet interdisant les réunions à caractère politique. «Il ne s’agit nullement d’une réunion politique, vu que la campagne n’a pas encore été lancée», allègue-t-il, dépité d’être privé de paroles «dans ce foyer auquel j’ai contribué à la construction».
Ici, l’opposition semble prise à l’usure «à force de répression…». «Dorénavant je ne m’exprimerai plus. J’ai parlé et parlé, on ne m’écoute pas. Ne croyez pas que ce sont seulement les adeptes de politique qui sortiront perdant. Aujourd’hui on m’empêche de parler, demain on m’enlèvera le droit de faire campagne pour le Non et après-demain celui de me porter candidat. Par la suite, il faudra des autorisations pour se déplacer», lance le député à ses électeurs. Un peu comme une mise en garde.
A Ndzuani, des manifestions ont eu lieu dans plusieurs localités, après la grande prière. Quelques marcheurs, avec leurs banderoles toujours imprimées du fameux «Pas de référendum sans la cour constitutionnelle», ont battu le pavé à Wani, Tsembehu et Domoni. Dans cette dernière localité, la marche s’est soldée par des arrestations, qui ont principalement visé des autorités de l’île faisant partie des manifestants. Parmi eux un actuel et un ancien commissaire de l’exécutif insulaire, un conseiller du gouverneur Abdou Salami ainsi que son chef du protocole. Interrogé le samedi en milieu de journée, le directeur de cabinet du gouverneur, Dhounouraine Toilha, n’avait pas de nouvelles de ses hommes.