Le secrétaire d’Etat français, Jean Baptiste-Lemoyne s’est rendu aux Comores dans le cadre d’une visite de 24 heures, et a rencontré le ministre des Affaires étrangères et le président de la République, quel regard portez-vous sur sa venue ?
Saïd Larifou : Je pense que cette rencontre était très utile. J’ose espérer que les autres rencontres prévues semble-t-il au courant de ce mois-ci apporteront plus de sérénité et permettront la mise en place d’un cadre approprié et adapté au contexte actuel pour apporter une solution durable et pérenne.
Ce bras de fer dure depuis plusieurs semaines maintenant, quelle en sera l’issue selon vous ?
Je ne sais pas quelle en sera l’issue mais la responsabilité incombe à la fois aux gouvernements comorien et français pour la recherche d’une solution durable pour apaiser les souffrances des populations.
Au-delà des revendications territoriales comoriennes sur l’île de Mayotte reconnue par le droit international. Un autre aspect me touche, c’est l’aspect humanitaire. Ce qui serait inacceptable dans d’autres cieux est toléré ici. Nous avons des enfants isolés qui par la suite deviennent des délinquants. La raison est simple, leurs parents sont déplacés par la force alors qu’ils sont chez eux.
Vous avez créé un collectif d’entraide aux victimes à Mayotte, où en êtes-vous ?
Le comité est déjà constitué, ses statuts aussi. Mais nous allons organiser une assemblée constitutive la semaine prochaine. Puisque le comité doit travailler dans un cadre juridique, des citoyens veulent l’intégrer. Des comoriens vivant en France et à La Réunion se portent volontaires pour travailler avec nous.
D’autres associations travaillant à Mayotte veulent aussi nous rejoindre. Aujourd’hui nous estimons que le comorien voulant s’installer à Mayotte en a tout à fait le droit. On se demande si le fait de placer les comoriens dans des centres de rétention, ou les reconduire par la force ne constitue pas une violation du droit international. Quid du sort des enfants vivant seuls à Mayotte ? En tout cas nous saisirons l’Onu.
Le rapport sur l’enquête parlementaire concernant la citoyenneté économique a été remis au président de la République, il y a deux jours, quelle serait selon vous, la suite à donner ?
Je pense que nous vivons une époque exceptionnelle. Il y a des gens qui ne seraient pas contre un changement du pays. Ce pays a changé et les comoriens sont devenus exigeants et c’est normal. Le niveau de prise de conscience est très élevé.
La pauvreté est là. Il serait donc intolérable que le rapport parlementaire ne soit pas suivi d’une action judiciaire. Les faits révélés sont graves pour un pays qui n’a pas de routes, ni d’écoles ou un hôpital digne de ce nom. Cela ne veut pas forcément dire qu’il y a des coupables, mais l’enquête fait état de crimes économiques.
Il y a une initiative citoyenne dont vous faites partie qui est en train de se mettre en place suite à la remise au président du rapport parlementaire sur la citoyenneté économique, quels sont les objectifs visés ?
L’objectif de l’initiative est d’amener les comoriens à assumer aussi leur part de responsabilité. Nous ne pourrons pas nous plaindre en permanence. Le citoyen doit s’indigner en prenant part à la manifestation de la vérité après ces révélations.
Deux plaintes seront déposées prochainement. Une au tribunal de Moroni, une autre à Bruxelles et c’est moi qui vais l’y déposer. Nous demanderons à la justice de procéder à la saisie conservatoire et la mise sous scellés des biens des personnes suspectées de détournement.
Les assises finies, rien de concret ne semble se faire, les recommandations tardent à être appliquées, quel sens donner à ceci ?
Tout le monde salue l’organisation de cet évènement. Un fait rarissime en Afrique. Nous devons nous en féliciter. Il faut comprendre qu’il y a le problème des ressources humaines. Choisir les hommes qualifiés, les stratégies pour la mise en place des recommandations demande du temps. Je souligne la contribution du Pnud qui s’est montré disponible à organiser prochainement une conférence internationale sur l’émergence des Comores.
Pour le moment nous ne connaissons ni la date ni le lieu. C’est l’une des retombées des assises. Je peux comprendre que la population soit impatiente mais encore une fois cela demande des concertations.
Il y a un projet de révision de la constitution susceptible d’être soumis à un référendum ou à un congrès, alors que la Cour constitutionnelle est toujours mise en veilleuse…
Dans un contexte normal, c’est la Cour constitutionnelle qui valide les élections. Mais cette institution est malade depuis longtemps et je suis le premier à avoir tiré la sonnette d’alarme étant une des victimes de ses dysfonctionnements. Cette Cour était discréditée, un véritable bazar.
Il revient à présent à ceux qui devaient choisir leurs membres de le faire afin que nous trouvions une solution palliative. Je ne sais pas qui validera ce référendum. Va-t-on bloquer le pays, ses réformes juste parce que des personnalités n’ont pas désigné leurs membres ? Il faut que le chef de l‘Etat assume ses responsabilités car il est le garant du bon fonctionnement des institutions. Il est le seul à pouvoir nous sortir de là.
Vous êtes dans une alliance avec le chef de l’Etat, jusqu’où ira votre soutien ?
Il y a une volonté partagée et les discussions vont bon train. Une alliance devra être scellée les jours à venir. Car nous avons compris qu’il faut dépasser les intérêts personnels pour le bien du pays. Le Ridja est pour le changement de notre pays.
Des défis colossaux sont à relever. Il faut un cadre politique dynamique. Le déclic est donc la vision du président qui veut faire des Comores un pays émergent.
On parle de fusion du Ridja avec la Crc ?
Notre alliance avec la Crc n’est pas impossible. Je souhaiterais que d’autres partis emboitent le pas. Pour autant, ce ne sera pas une alliance politicienne mais plutôt une alliance pour l’émergence des Comores.
On parle de plus en plus de référendum ou de congrès et d’élections anticipées avant la fin de l’année, quelle sera votre position ?
On se prononcera le moment venu. Ce qui est sûr le Ridja sera au rendez-vous.
Abdou Moustoifa