Al-watwan : Aussitôt après la décision de Ryad de rompre ses relations avec le Qatar, les Comores se sont empressées de faire de même. Pourquoi cette précipitation au lieu d’attendre et s’enquérir l’évolution de la situation ?
H K : Vous connaissez nos relations avec l’Arabie saoudite et les pays du Golf dont le Qatar. Celles nous liant avec l’Arabie saoudite sont plus solides et particulières comparées à celles avec les aux autres pays.
Nous n’avons pas pris une décision hâtive dans la mesure où, l’Arabie saoudite a pris sa décision le le lundi et nous seulement le mercredi après le conseil des ministres.
Nous nous sommes basés sur la qualité de nos relations avec les Saoudiens pour éviter les tergiversations en manifestant notre solidarité à un pays qui entretient des relations avec les Comores avant même l’indépendance.
Plusieurs pays ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, mais nous espérons une issue heureuse le plus tôt possible.
Al-watwan : Est-il suffisant de se baser uniquement sur l’ancienneté des relations avec l’Arabie saoudite pour prendre une telle décision qui a de toute façon du mal à passer auprès de l’opinion ?
HK : Au contraire. Pour nous, c’est un argument suffisamment solide et important. La présence de l’Arabie saoudite aux Comores remonte aux années 1960 avec une implication de tous les jours.
J’appelle donc la population à se montrer indulgente et compréhensive parce qu’il s’agit d’une décision mûrement réfléchie.
Nous avons compris qu’une partie de la population n’est pas d’accord avec notre position, mais le président a pensé d’abord aux intérêts des Comores. Je répète qu’il ne s’agit pas de juger les raisons de cette crise, mais plutôt de montrer notre solidarité envers le Royaume Saoudien.
Al-watwan : Effectivement, une partie de la population ne semble pas partager votre réaction comme en témoigne la manifestation de vendredi à la sortie de la mosquée et celle qui serait en gestation pour aujourd’hui. Estimez-vous qu’il y a eu suffisamment de consultation avant la décision ?
HK : Sur ce genre de situation, vous conviendrez avec moi qu’on ne peut pas organiser un référendum. Les autorités devaient réagir et en fonction des intérêts du pays, le président a décidé de cesser la coopération diplomatique avec le Qatar en soutien à l’Arabie saoudite.
Il est évident que le Qatar nous aide, mais la nature de notre relation avec le royaume saoudien est totalement différente. En tout cas le conseil des ministres en est convaincu.
Al-watwan : La population digère d’autant moins cette décision que le président a qualifié le Qatar de “pays frère”...
HK : Certains sont mécontents, mais tout le monde n’est pas du même avis. Cette crise, on peut la qualifier d’accident parce que personne ne souhaite la fin des relations entre les pays musulmans.
Nous soutenons l’Arabie saoudite tout en espérant une fin heureuse et rapide de ce conflit. Je tiens à souligner que nous ne jugeons pas et nous n’intéressons pas aux motivations ayant conduit à cette crise. Nous sommes juste solidaires avec un pays frère de longue date.
Al-watwan : Avec le départ acté du Qatar, de nombreux employés de Salsabil, Rétaj ou encore de la société de pèche s’inquiètent. Le risque qu’ils perdent leurs emplois est évident. Comment pouvez-vous dissiper ces inquiétudes ?
HK : Je tiens à rappeler que seules les relations diplomatiques sont coupées et que cela n’a rien avoir avec les relations économiques ou les actions humanitaires. On n’a pas demandé leur départ pas plus qu’on a sifflé la fin de leurs activités en faveur de la population.
Nous estimons que les relations diplomatiques ne sont pas dans le même cas que celles qui concernent les investissements et les aides humanitaires.
Nous n’espérons pas la fin de leurs activités de bienfaisance d’autant plus que certains pays ont engagé le dialogue pour un retour à la normale le plus rapidement possible.
Lire aussi : Rupture des relations diplomatiques avec le Qatar : La continuité des services et projets en cours sera maintenue
Al-watwan :: Les Comores n’avaient-elles pas plus à gagner en affichant leur neutralité ?
HK : On n’est pas en froid avec le Qatar, que je sache. Le fait est que dans cette crise, nous ne pouvions pas rester sans partie pris. Nous devions prendre une position ferme.
Certains pays ont affiché leur neutralité, mais dans notre cas; compte tenu du long chemin que nous avons parcouru avec l’Arabie saoudite, notre position devait être claire.
Al-watwan : Sénégal a, dans un communiqué, dit qu’il rappelait son ambassadeur pour consultation, Djibouti a dit qu’il allait diminuer le niveau de sa représentation diplomatique au Qatar, l’Erythrée a signifié aux Saoudiens et aux Emiratis son refus de rompre ses relations avec le Qatar au même titre que les pays du Maghreb. N’aurait-il pas mieux valu que notre position soit moins brutale et plus diplomatique à l’image de ces pays ?
HK : Il ne faudrait pas politiser cette affaire. Nous avions la latitude de rappeler notre ambassadeur au Qatar ou d’ afficher une certaine neutralité comme les autres, mais l’idée était que nous devions soutenir Ryad.
Le conseil des ministres a entériné cette décision et elle est assumée sans regrets. Ce sont deux pays frères et je concède que le Qatar nous aide énormément au même titre que d’autres pays. Il n’y a aucun intérêt à politiser cette situation.
Al-watwan : Que peut rapporter cette rupture aux Comores ?
HK : D’emblée, notre position va renforcer davantage nos relations avec un pays qui a énormément fait pour les Comores. Je suis choqué d’entendre certains qui parlent de dattes ou de bovins.
Dois-je rappeler que la route reliant le village de Panda à Nyumadzaha Mvumbari est l’oeuvre du fonds saoudien ? L’équipement en partie de l’Ortc, la faculté Imam Chafioun, l’hôpital de Kwambani Oichili, les Mahadis islamiques, une participation à la construction du port de Ndzuani, plus de quinze mille pèlerins gratuits lors du premier mandat d’Azali Assoumani, entre autres.
Si nous devions lister les réalisations de l’Arabie saoudite aux Comores, nous serions là jusqu’à demain.
Al-watwan : A peine la rupture annoncée, le personnel de la représentation qatarie aux Comores a quitté le pays. Qu’en est-il du personnel comorien se trouvant à Doha ?
HK : Nous allons prendre les dispositions nécessaires pour leur retour en attendant la régularisation de la situation. Vous sous-entendez qu’une fois que les relations seront pacifiées dans le Golf, le Qatar pourrait refuser la reprise de nos relations diplomatiques bilatérales.
Je vous dis que le Qatar aime les Comores et inversement. Dès le moment où, la situation sera réglée, nous aurons encore de meilleures relations avec le Qatar bien plus qu’avant.