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“Ufwakuzi wa maesha”, “Rehemani”, “Conférence nationale”, “Trongo kamwaparozona”, “Assises nationales”, “Emergence”, etc. “In’na Dhwaha la yughay’yiru ma bikawumin hata yughay’yiru ma bianfusihim”*

“Ufwakuzi wa maesha”, “Rehemani”, “Conférence nationale”, “Trongo kamwaparozona”, “Assises nationales”, “Emergence”, etc. “In’na Dhwaha la yughay’yiru ma bikawumin hata yughay’yiru ma bianfusihim”*

Politique | -   Hassane Moindjié

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Je ne suis, certes pas, un passionné des religions et, encore moins, un fundi grand connaisseur de tout en la matière, mai, à l’aune de l’expérience de notre pays, je dois me rendre à cette évidence martelée par le livre saint des musulmans : “In’na Dhwaha la yughay’yiru ma bikaumin hata yughay’yiru ma bianfusihim” (= Dieu ne modifie point ce qui est dans le peuple, tant que les individus qui le composent ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes”) Alors continuons nos grandes messes, rêvons à nos “Ufwakuzi wa maesha”, à nos “Rehemani”, à nos “Projets” pharaoniques et autre “Emergence” autant que nous voudrons. Mais si nous voulons vraiment que ça change, il va falloir, nécessairement et avant tout, changer nous-mêmes.

 

Une grande réflexion dite “Assises nationales” devrait se tenir bientôt. Selon certains, elle sera le lieu d’échanges “salutaires” pour le pays. Selon d’autres ce n’est, ni plus ni moins, qu’un moyen comme un autre, pour les tenants du pouvoir de chercher à s’y éterniser “en changeant les règles du jeu en plein milieu de la compétition”. Selon d’autres encore, c’est tout simplement un moyen, pour d’autres encore, de s’assurer que ceux qui sont aux affaires ne pourront pas les empêcher d’y accéder ou d’y retourner “comme le veulent les règles”. Pour d’autres encore, enfin, c’est une occasion en or, pour certains autres, d’”obtenir le pardon, à peu de frais, du pays et des citoyens qu’ils ont volés, déstabilisés, ignorés et trahis plus de quarante années durant”.

Une chose est sûre. Au sein de la population, pour avoir été échaudés à plusieurs reprises, rares sont ceux qui – à tord ou à raison – sont pressés de faire crédit à cette réflexion en tant qu’outil qui va permettre de relancer le pays et de changer leur quotidien malheureux.
Pour eux, l’essentiel de ce beau monde qui s’active autour, ce sont juste des chercheurs de pouvoir indécrottables même s’ils doivent, pour cela, prendre le risque de mettre le feu aux poudres. Exactement comme, ces chercheurs d’or qui, en Amérique du nord, en 1849, avaient foncé, la tête baissée, vers ce métal précieux du Far West en écrasant tout sur leur passage.
Au sein du peuple et des patriotes, nul ne croit qu’elle va permettre le retour de Mayotte pour nous laver de cette honte historique d’être le seul pays et la classe politique à n’avoir pas été capables de mettre fin à leur statut de colonisés.

Pour tous ceux-là, c’est juste un rendez-vous pour détourner l’attention des gens sur les réelles motivations des uns et des autres et sur la cause fondamentale de notre sous-développement chronique. Car eux, ils savent, par expérience et pour l’avoir senti dans leur chair, quarante deux années durant, que ce n’est pas, nécessairement, faute de grandes réflexions que le pays stagne dans les abysses, mais, bien plus simplement, de réelle volonté et de suffisamment de patriotisme.

Pour tous ceux-là, il ne faut donc pas aller la chercher la cause de nos multiples déboires tellement loin et, surtout pas, dans ces grands rendez-vous et mots d’ordres aussi nombreux que variés. Cette cause, c’est nous-mêmes. Car en fait, nous avons toujours fait partie du problème à résoudre et jamais de la solution à appliquer; nous avons toujours été la maladie qui nous tue et jamais le remède qui nous guérirait.
En effet, si nous constituions la solution au problème, il y a très longtemps que dans notre souveraineté, dans notre image dans le monde, dans nos écoles, dans nos champs, dans nos hôpitaux, dans nos entreprises, dans notre administration et dans nos foyers, nous l’aurions su.

Changer

Ce qu’il faut, donc, c’est que nous changeons. Autrement dit, c’est, tous autant que nous sommes, d’arrêter de reculer quand nos intérêts fondamentaux sont en jeu et de faire semblant d’être occupés ailleurs quand une puissance étrangère occupe notre territoire. C’est d’arrêter de concevoir la diplomatie de notre pays comme de simples expressions locales des visées politiques et diplomatiques des autres. C’est d’arrêter de nous approprier de l’Etat et d’en faire une chose à notre service et, surtout pas, au service de notre pays et de sa population. C’est d’arrêter de faire main basse sur les biens et deniers de l’Etat pour servir nos affaires personnelles. C’est d’arrêter, dans la conduite des affaires publiques, de préférer l’”enfant du village” et l’”Enfant de l’île” à la compétence, la qualité, et l’expérience.  

C’est d’arrêter, à chaque mandat politique que fait le bon Dieu, de chercher à revisiter les textes fondamentaux qui régissent l’Etat afin d’en faire des outils sur-mesure, de faire plier les textes aux caprices de nos égos démesurés parce que nous serions le Messie sans lequel les Comores ne peuvent continuer à exister.
C’est de nous convaincre que l’effort de développement est, nécessairement, un long et patient effort endogène de conception, d’actions, de patience et de paisibles passages de relai entre les enfants du pays et pas, uniquement, une succession de coups d’éclat sans lendemain, d’opérations de mendicités internationales et de ventes aux plus offrants.

C’est, enfin et surtout, d’apprendre à nous doter de convictions, de valeurs et d’idéaux et à nous battre pour les faire triompher en considérant l’action politique non pas comme l’art par excellence de naviguer d’un camp à un autre au gré du vent pour nos propres intérêts individuels, mais comme un puissant engagement à changer les dures réalités de notre pays et de nos concitoyens.

C’est, là, l’unique prix à payer si nous voulons vraiment changer les choses.
Et pour cela, il n’est nul besoin, nécessairement, de grandes réflexions et de mots d’ordre aux noms plus ronflants les uns que les autres. Ce qu’il faut c’est que nous changeons.
Je ne suis, certes pas, un passionné outre mesure des religions et, encore moins, un fundi grand connaisseur de tout, mai, à l’aune de l’expérience de notre pays, je dois me rendre à cette évidence martelée par ce verset du livre saint des musulmans : “In’na Dhwaha la yughay’yiru ma bikaumin hata yughay’yiru ma bianfusihim”**

Un jeu dangereux

Alors continuons avec nos grandes messes, rêvons à nos “Ufwakuzi wa maesha”, à nos “Rehemani”, à nos “Trongo kamwaparozona” et autre “Emergence” autant que nous voudrons. Mais si nous voulons vraiment que ça change, il va falloir, nécessairement et avant tout, changer. Il nous faut aimer notre pays, le placer au-dessus de tout, et mettre la volonté et le travail à son service et au centre de nos rêves. Sinon elles resteront, toutes autant qu’elles sont, des coquilles vides ou, tout au plus, des vœux pieux.

Mais, sans doute avant tout, c’est jouer à un jeu dangereux que de continuer de croire que nos compatriotes vont continuer, longtemps encore, à nous écouter palabrer dans nos grandes réunions, à laisser faire, et à se réfugier derrière cette succession de promesses sans lendemain et les “ngwadjo urilipvazo iho”.
A ce propos, nous devrions, je suis convaincu, méditer plus souvent ces paroles du sociologue français, Alfred Sauvy, qui avertissait : “L’opinion publique est souvent une force politique, et cette force n’est prévue par aucune constitution”.


(*"Dieu ne modifie point ce qui est dans le peuple, tant que les individus qui le composent ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes")
**Le Saint-Coran : Sourat 13, Verset 11

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