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21e colloque régionale Vih/Sida I Les autorités inquiètes de la flambée des cas dans la région

21e colloque régionale Vih/Sida I Les autorités inquiètes de la flambée des cas dans la région

Santé | -

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La situation épidémiologique dans la région de l’Océan indien étant inquiétante, les autorités de la région se sont réunies pour voir comment maximiser les efforts communs pour financer la lutte contre cette maladie.

 

Le ministre premier, Aboubacar Said Anli, assurant l’intérim du chef de l’Etat a donné le coup d’envoi des travaux du 21e colloque de l’Océan indien sur le Vih/Sida, hier, mardi 3 novembre au Palais du peuple à Moroni. La cérémonie a été ouverte en présence des membres du gouvernement, des différentes délégations de la région, notamment la présidente de Rive, Catherine Gaud, la présidente de Ravane OI Charifa Said Hassane, le directeur exécutif de l’Onusida, l’ambassadeur de France aux Comores, Etienne Chapon et la représentante de l’Oms, Dr Nkurunziza Triphonie.


Après avoir souhaité la bienvenue aux différentes délégations de la région, le ministre premier Aboubacar Said Anli a exprimé son inquiétude face à la flambée des cas de Vih/Sida dans la région de l’Océan indien, précisément aux Comores. «De janvier à octobre 2025, 71 nouveaux cas ont été notifiés. Cette évolution interpelle et nous oblige à intensifier nos efforts de prévention et de sensibilisation à tous les niveaux. Elle nous oblige à poursuivre nos efforts pour rendre le dépistage du VIH et l'accès aux traitements antirétroviraux gratuits et accessibles car il est intolérable qu'aujourd'hui, encore des vies soient perdues à cause du Sida dans notre région», a-t-il déploré. Rappelant que le premier cas du Vih/Sida dans le pays a été enregistré en 1988, il estime qu’on peut parler d’une situation « relativement stable avec une prévalence estimée à moins de 1%».


La présidente de Ravane Océan indien, Charifa Said Hassane a fait état de la situation épidémiologique dans la région de l’Océan indien par pays. «A Maurice, la prévalence a fait 21% chez les populations usagères de drogue, 14% chez les travailleurs et travailleuses du sexe et 28% chez les personnes transgenres. Après une stabilité relative, les chiffres reprennent à la hausse. 70,7% des infections concernent les hommes. Aux Seychelles, on baisse la garde mais le virus, lui, ne baisse pas les armes», a-t-elle dénombré, indiquant qu’à Rodrigues, le déni est total. «Pas de médecin depuis plus d’un an. Aucun accompagnement psychologique. C’est l’abandon total des personnes vivant avec le Vih à Rodrigues», a-t-elle déploré. Selon elle,«Madagascar a enregistré une augmentation de 151% des nouvelles infections au VIH et de 279% de décès liés au SIDA entre 2010 et 2022», tandis que «Maurice a signalé 274 nouveaux cas durant les six premiers mois de 2024 seulement».

Des chiffres inquiétants

Pour le cas des Comores, Charifa Said Hassane affirme que l’épidémie reste invisible, «cachée par la stigmatisation, la criminalisation de certaines relations et le manque de dépistage communautaire tardif ayant été à l’origine de quatre morts depuis le début de l’année». Confrontant les 37 cas enregistrés durant toute l’année 2024 aux 76 nouveaux cas enregistrés depuis le début 2025, la présidente de Ravane Océan indien estime que la situation aux Comores est «hors contrôle». «À La Réunion, 70 nouveaux cas dont 9 patients ont été diagnostiqués directement au stade Sida ont été enregistrés en 2024 dont 55% des contaminations sont hétérosexuelles et 39%, homo et bisexuelles. A Mayotte, l’épidémie s’installe et des patients sont laissés sans suivi. 624 patients actifs au Vih».

Mutualiser les ressources communes

Le thème retenu cette année est «financement par les pays et mutualisation des ressources pour une prise en charge intégrée», selon le président du colloque, Dr Ouledi Ahmed soutenant qu’il est impératif que nos Etats s'approprient davantage la réponse, en consolidant les budgets nationaux, en optimisant les ressources existantes, et en mettant en place des stratégies concertées au niveau régional puisque, les soutiens extérieurs tendent à diminuer. Selon lui, de ce rendez-vous régional, les participants attendent identifier les leviers de financement locaux et régionaux, partager les innovations et nos expériences pour une prise en charge intégrée du VIH, des hépatites et des addictions et renforcer la coopération entre les pays de l'Océan Indien pour une réponse plus cohérente, plus efficace et plus humaine. Pour le directeur exécutif de l’Onusida, Jude Padaychy, la dépendance régionale au financement externe est devenue une vulnérabilité existentielle.


«La Stratégie mondiale de l'Onusida se termine en 2026, avec une proposition de dissolution de l'organisation à cette même échéance»¸ annonce-t-il précisant que ce contexte exige une appropriation nationale immédiate et radicale de notre riposte. «Nous possédons les outils : traitement comme prévention, innovations thérapeutiques, prophylaxie injectable action prolongée. Mais sans financement durable et une volonté politique, ces outils restent inaccessibles. Nous avons donc le choix d’accepter la dépendance passive et ses conséquences ou d’investir massivement dans nos ressources nationales, considérant la santé non comme une dépense, mais comme l'investissement le plus stratégique dans notre capital humain», indique Jude Padayachy.Et de plaider pour une bonne collaboration régionale à travers la mutualisation des achats, partage des meilleurs pratiques et le renforcement des capacités pour garantir l'équité des soins.


La représentante de l’Oms aux Comores, Dr Nkurunziza Triphonie a pour sa part indiqué qu’à l’échelle mondiale, le Vih reste un défi majeur de santé publique. «À ce jour, 44,1 millions de personnes ont perdu la vie à cause du VIH. En 2024, on estimait que 40,8 millions de personnes vivaient avec le virus, dont 65 % dans la Région africaine de l’Oms. Cette même année, 1,5 million de nouvelles infections ont été enregistrées et 630 000 décès liés au VIH ont été rapportés», rapporte-t-elle. Et d’indiquer que «malgré l’absence de traitement curatif, les progrès en matière de prévention, de diagnostic et de traitement ont transformé le VIH en une pathologie chronique gérable.
D’ailleurs, les personnes vivant avec le Vih peuvent désormais mener une vie longue et en bonne santé». En 2024, les résultats mondiaux montraient que : 87 % connaissaient leur statut, 77 % étaient sous traitement et 73 % avaient une charge virale supprimée.

Le Vih, une pathologie mortelle mais maîtrisable

L’ambassadeur de France aux Comores, Etienne Chapon a indiqué que la France promeut et défend des valeurs et des principes fondamentaux à travers l'universalité, l'accessibilité, la solidarité, l'équité, la non-discrimination et l'éthique. «Elle place le renforcement de l'accès aux services, aux innovations et amélioration de la qualité, dans les initiatives multilatérales. En tant que second contributeur historique du Fonds Mondial, la France soutient cette lutte dans l'Océan Indien, notamment à Madagascar, aux Comores et à Maurice», a-t-il soutenu. Selon toujours lui, «même si nous constatons une nette amélioration de la situation épidémiologique au niveau mondial (le partenariat du Fonds Mondial aura sauvé plus de 70 millions de vies et réduit de 63% le taux de mortalité combiné du sida, de la tuberculose, et du paludisme depuis sa création en 2002), ainsi que des avancées prometteuses par de nouvelles prophylaxies, nous devons rester lucides sur le chemin qui reste à parcourir, ainsi que sur les profondes inégalités qui demeurent». Ces travaux techniques s’étendent jusqu’au jeudi 6 novembre.

A.S. Natidja et Ibrahim Msaidie Mairat

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