il est 11 h 30, un jeudi du mois de mai dernier, le Centre hospitalier de référence insulaire, ou Chri, de Fomboni nous ouvre grandement son portail. De prime à bord, c’est la propreté des lieux qui nous a frappé en arrivant. L’essentiel est un grand bâtiment amplement étalé sur une grande espace verte. En tout, 15 services médicaux y ont élu domicile et l’ambiance est plutôt calme. Sur des bancs dans la cour pour avoir un peu d’air frais, quelques personnes prennent places et s’allongent même. Un patient, debout devant la porte d’entrée d’une chambre, tient son sérum physiologique en main. Les couloirs sont presque vides et seules quelques infirmières papotent ici et là. En près de 90 minutes dans l’enceinte de cet hôpital, nous n’avons guetté la moindre saleté, ni ordures entassées ou encore des poubelles qui trainent quelque part. Seul le service de radiographie reçoit une certaine odeur à cause de sa proximité avec les toilettes. Autrement, c’est nickel pour tout le reste. Pour le patron des lieux, l’établissement s’est fixé comme première priorité : la propreté. Un pari réussi.
Déséquilibre entre propreté et capacités techniques
La capacité d’hospitalisation de l’établissement est de 120 lits, mais son fonctionnement ne présente pas un beau tableau ou presque. Sur les 163 agents y exerçant, 72 ont le statut de fonctionnaire, 75 sont des contractuels et 16 stagiaires. Dans le lot, on compte 15 médecins, dont 11 spécialistes et 4 généralistes. Le décompte fourni comprend deux médecins de la mission médicale chinoise, un gynécologue et un chirurgien. Un effectif pas suffisant en tout cas.
«15 médecins dans l’hôpital de référence de l’île c’est trop peu», affirme le directeur de l’hôpital qui soutient vivement que «Nous avons un besoin urgent d’un cardiologue car les maladies cardiovasculaires sont récurrentes». Pour justifier sa doléance Mohamed Assane confie au moment de notre visite que «même aujourd’hui nous avons perdu un patient. De même que nous manquons d’ophtalmologue et de pneumologue.Ce sont les priorités pour le moment mais il nous en manque d’autres encore». Le déficit n’est pas que chez les spécialistes uniquement, le personnel est insuffisant surtout avec le départ à la retraite d’une dizaine de personnes, de décembre 2017 à mai dernier.
Le service de kinésithérapie a été contraint de fermer suite au départ de ses quatre agents. L’autonomie d’énergie demeure un autre souci des responsables et personnels y exerçant. Le générateur est vieux et est de faible capacité par rapport au besoin énergétique de l’hôpital. Et si la question de l’eau ne s’y pose pas, l’état de son réseau d’alimentation est, par contre, à déplorer. «Les tuyaux que nous utilisons datent d’avant l’indépendance des Comores, on ne peut pas passer 48 h, sans trouver un problème lié au réseau hydraulique», confie-t-on.
Subvention d’Etat insuffisante
La finance est aussi un goulot d’étranglement de l’établissement. Le directeur témoigne : «Le gouvernement subventionne à hauteur de dix millions par an, sur un budget total de cent trente millions de francs. Nous lui demandons à l’Etat de revoir à la hausse sa subvention afin de pouvoir mener à bien notre mission». Côté technique, la situation est aussi moins reluisante. Difficultés au niveau du laboratoire. Ici, il y manque le personnel qualifié pour l’usage de nouveaux équipements disponibles. «Le médecin radiologue est en formation. C’est une sage-femme échographe qui dispense les échos, et nous avons une fibroscopie mais personne n’arrive à l’utiliser», regrette Mohamed Assane.
Au service des urgences, Dr Mohamed Antoiyi, médecin anesthésiste et réanimateur, déplore un plateau technique non complet. Manque de personnel qualifié et matériel insuffisant. Il n’y a qu’un seul chariot, pas de défibrillateur, de respirateur, entre autres. Le manque de chaine de prise en charge médicale est aussi criant. «C’est un service des urgences qui n’a pas de médecin urgentiste. Je suis réanimateur, je peux jouer ce rôle, mais on doit toujours être assisté par un médecin urgentiste», dit-il. Trois généralistes y travaillent sans infirmier.
La sage femme cadre et major en planification familiale (Pf), Anliati Soidri Houlam, nous reçoit, avec un peu de réticence au début, au service de Maternité. 4 tables d’accouchement pour 18 lits d’hospitalisation pour recevoir jusqu’à 100 accouchements par mois. Un chiffre dont la tendance est en hausse, à en croire le major du service. Loin de connaitre un déficit de sages-femmes, l’équipement y fait défaut : table de chauffage pour les nouveau-nés, oxygène, tensiomètre, entre autres. Quant au service de Pf, il accueille en moyenne 4 à 5 patientes par mois et il y manque parfois les produits du planning familial.
La pédiatrie aussi malade que les bébés
La pathologie récurrente chez la femme enceinte serait l’anémie, fait constater la major du service. L’alimentation et le manque de consultations prénatales seraient la cause. «Nous sommes confrontés à des hémorragies post-partum tout le temps. Parfois on arrive à les stopper, souvent on va au bloc et on pratique l’hystérectomie pour pouvoir sauver».
Les femmes enceintes sont appelées à faire les consultations prénatales et les échographies pour prévenir les éventuels problèmes, car l’hôpital ne dispose pas d’une banque de sang. «Nous pratiquons beaucoup de césariennes à cause des anémies. Avant on était entre 15 et 20 par mois, maintenant on atteint les 40» confie-t-elle.
La pédiatrie fait partie des services plus sensibles d’hôpital. Ahmed Said Soilih, infirmier d’Etat qui travaillait en Médecine depuis 2012 et transféré à la pédiatrie il y a deux ans, décrit la situation de son service. «Notre pédiatrie n’est équipée d’aucun matériel de réanimation pour les nouveau-nés. Nous avons un seul extracteur d’oxygène utilisé, à la fois, au service de néonatologie et à la pédiatrie, et je suis le seul infirmier qui assure la garde dans ces deux services. En cas d’urgence dans les deux services au même moment, c’est une catastrophe». Et pour recharger l’oxygène, la bouteille est déplacée de son emplacement, ce qui n’est pas sans danger pour des nouveau-nés nécessitant une réanimation d’urgence.
A en croire l’infirmier, les décès enregistrés ces derniers temps sont de la néonatologie, car ce service ne l’est que de nom. «Une femme accouche à la maternité et l’enfant présente un problème, soit mort apparent ou souffrance fœtal, et doit être déplacé vers le service de néonatologie distant de plus de 100 mètres, c’est le premier facteur qui cause les décès. Ensuite, il se trouve qu’on est en faillite de plateau de réanimation des nouveau-nés, nous avons une seule table chauffante et recevons en moyenne 3 nouveau-nés par jour «, raconte-t-il.
Ce service reçoit aussi à la fois ceux qui sont nés à la maternité, à domicile, dans les périphéries et dans les cliniques présentant de problèmes. En moyenne, plus de 30 bébés par mois. Le praticien suggère le rattachement du service de néonatologie à la Maternité car les urgences néonatales se font dans les 20 mn suivant l’accouchement. Ce qui est évident.
Attraction des meilleures prestations
Pour les consultations, le droit est fixé à 500 fc chez le généraliste et 1.000 chez le spécialiste, l’occupation d’un lit est facturée à 1.000 fc, quel que soit le nombre de jours d’hospitalisation, et à 2.500 fc par jour en clinique.Mohamed Mwehamali est hospitalisé, en médecine depuis 5 jours, pour fièvre et maux de tête. Il dit avoir été «bien accueilli» aux services des urgences avant d’être transféré en médecine. «Les infirmiers sont là en longueur de journée et le médecin passe une fois par jour», dit-il.
Le Chri de Fomboni connait aussi un flux de patients en provenance de Ngazidja, essentiellement présentant des pathologies chirurgicales. Ils seraient attirés surtout par l’accueil. «Nous avons tendance à travailler plus rapidement, surtout qu’on n’est pas submergé comme les autres hôpitaux. Les interventions se font rapidement et les coûts n’ont rien à voir avec les interventions à Moroni. La plupart des interventions coûent moins de 100.000 fc», souligne le réanimateur des urgences.