Une visite au service de dermatologie et de pneumologie de l’hôpital de Hombo peut aider à remonter le moral, dans un pays où le système de santé fait face à des défis énormes. Déjà, par la propreté des lieux, avec ses bâtiments réhabilités, et qui ont su garder leur éclat. Un personnel toujours occupé, et des sièges d’attente pleins de patients, attendant patiemment leur tour pour voir la seule dermatologue ou le seul pneumologue que compte l’île.
Ici, les malades sont soignés presque gratuitement, grâce à l’apport financier dont bénéficie ce service de l’association Action Damien.
Il n’y avait aucun tuberculeux
ni lépreux hospitalisé
L’on dispose ici également d’un radiologue et d’une radiologie numérique, la pharmacie est tenue par un pharmacien qualifié, et il existe un laboratoire pour la fabrication de médicaments contre les pathologies dermatologiques courantes, qui sont donnés gracieusement aux malades. Le jour de notre visite, le lundi 22 février, il n’y avait aucun tuberculeux ni lépreux hospitalisé, ces patients étant en ce moment suivis à domicile. Toutefois, selon les responsables des lieux, les hospitalisations peuvent à tout moment reprendre, cela dépendant des cas reçus.Et dans l’aile réservée aux cas suspects de Covid-19, un patient y était encore gardé.
En effet, depuis un certain temps, les responsables de la lutte contre la pandémie de Covid-19 au niveau de Ndzuani, en accord avec la direction du Centre hospitalier de référence de Hombo, ont réquisitionné deux salles de ce service, pour l’hospitalisation temporaire des cas suspects de Covid-19, en attendant confirmation de leur positivité pour qu’ils soient ensuite transférés à l’hôpital de Bambao-Mtsanga. Or c’est ce même service de dermatologie et de pneumologie qui, rappelons-le, exécute parallèlement le Programme national de lutte contre la lèpre et la tuberculose.
Les patients du coronavirus
D’où la question de savoir si le choix de faire cohabiter des tuberculeux et lépreux aux côtés de malades de la Covid-19 (même si, précisons-le, les deux zones sont cloisonnées) est sensé ? Les employés que nous avons pu interroger, parlent volontiers et avec fierté de leur service, mais cette humeur gaie et spontanée se rembrunit subitement dès que surgit la question de cette cohabitation avec les patients du coronavirus.
C’est par ailleurs un sujet apparemment tabou, dont aucun d’eux n’est prêt à commenter ouvertement. «C’est une décision des autorités sanitaires. Les responsables de ce service n’en ont pas été avertis et n’ont pas eu à donner leur avis. Il faut toutefois comprendre que nos malades sont vulnérables. D’autre part il ne faut pas négliger les autres maladies et se focaliser uniquement sur la Covid-19», confie, sous anonymat, un employé.
Poursuivant le raisonnement de son collègue, un autre employé explique que «les malades de la tuberculose sont fragiles, au contact des patients de la Covid-19, ils risquent d’attraper la forme grave de celle-ci. De même, certains malades de la lèpre ont une défaillance immunitaire, causée par les traitements médicamenteux qu’ils prennent».
Les responsables sanitaires insulaires ont, de leur côté aussi, leurs raisons de cloisonner l’aile ouest du service pour garder les cas suspects de la Covid-19, mais nous ne les saurons pas aujourd’hui : en effet, nos tentatives pour joindre au téléphone, hier jeudi, le directeur de l’hôpital de Hombo ou le coordinateur de la lutte contre la Covid-19 à Anjouan ont été vains.
L’éventualité d’une troisième vague
Et pourtant leur éclaircissement sur ce sujet s’avère plus que jamais nécessaire car, selon des indiscrétions qui circulent déjà, les autorités sanitaires penseraient déjà à étendre leur réquisition sur d’autres salles de ce service, dans l’éventualité d’une troisième vague de la pandémie.
Interrogés par rapport à cette éventualité, nos interlocuteurs anonymes du service de dermatologie et de pneumologie affirment prier pour que cela n’arrive pas. «Comment allons-nous faire dans ce cas ? Nos activités se sont intensifiées avec l’augmentation de l’aide du Fonds mondial… Nous menons des études ici, hospitalisons certains patients, pratiquons la kinésithérapie pour les malades de la lèpre ; nous avons besoin d’une salle d’archives, de conférence, de prélèvement… bref, de suffisamment d’espace pour travailler correctement », soutient l’un d’eux.
Il faut noter que le service de dermatologie et de pneumologie du Centre hospitalier de référence de Hombo, inauguré au début des années 80, a déjà été détruit en 2011 pour céder le terrain à l’Hôpital de la fondation Cheikh Jassim du Qatar, dont la construction a été stoppée sans jamais reprendre depuis 2015. Il a été alors transféré dans les locaux qu’il occupe actuellement, qui étaient alors délabrés, et qui seront rénovés grâce au financement d’Action Damien.