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Dr Sainda Mohamed I  «Le choléra nous prouve qu’il est là, on ne devrait pas penser à des complots»

Dr Sainda Mohamed I  «Le choléra nous prouve qu’il est là, on ne devrait pas penser à des complots»

Santé | -   Abdou Moustoifa

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Chargée de la préparation et la réponse aux urgences au sein de l’Organisation mondiale de la santé, l’épidémiologiste Sainda Mohamed répond aux questions d’Al-watwan sur la situation actuelle du choléra aux Comores, à un moment où une partie de la population continue de nier l’existence de l’épidémie, en dépit de l’augmentation perpétuelle des cas et des décès.

 

En deux semaines, les chiffres montrent une flambée du choléra. Que se passe-t-il ?


Le choléra est une maladie qui se propage rapidement si elle n’est pas jugulée à temps. Les facteurs de risque sont le surpeuplement dans un lieu donné et le manque d’assainissement. Nous connaissons beaucoup de quartiers où il y a un surpeuplement, associé au manque d’eau, d’assainissement et d’installations sanitaires répondant aux normes.

Tout cela constitue un terreau pour la hausse de l’épidémie. Ainsi, une bonne hygiène, le lavage des mains régulièrement, avant de manger et après être allé aux toilettes, sont des mesures simples à prendre qui pourront réduire cette flambée. Il ne faut pas non plus oublier de bien laver les aliments et de bien les faire cuire.

Les derniers épisodes de choléra qui ont touché le pays dans le passé avaient été sévères avec un nombre important de décès. La vague actuelle est moins brutale. Pourquoi ?


Tout d’abord, il faudrait comparer les taux de létalité [la proportion de décès liés à la maladie par rapport au nombre total de cas atteints par la maladie] des épidémies passées à celle qui sévit actuellement pour trouver l’épisode qui a enregistré le plus de décès liés à la maladie.

On doit donc ramener le chiffre des décès sur le nombre total de cas atteints durant les 2 premières semaines de chaque épidémie, ainsi on pourra faire une comparaison, entre cette épidémie et celles des années passées. Pour cela il faudrait avoir les décès des années passées au jour le jour pour s’arrêter sur un point commun.


En effet, les décès apparaissent au fur et à mesure qu’évolue l’épidémie. Habituellement c’est en début d’épidémie qu’on note le plus de décès et ce qu’on appelle le taux de létalité est toujours élevé au départ, du fait que la prise en charge se fait tardivement ou que la personne se présente en retard au centre de prise en charge... C’est donc la sensibilisation et les formations qui vont permettre de mieux gérer les cas et d’éviter les prochaines victimes ou de les réduire.


Les jeunes enfants sont de plus en plus rattrapés par l’épidémie et affluent en masse dans les hôpitaux. Comment expliquez-vous cela ?


Les enfants et les adolescents sont plus atteints car moins enclins à la propreté, au fait de se laver systématiquement les mains, et à plus manger n’importe où.  Pour les plus petits, ce sont les mamans ou les personnes qui s’en occupent qui ne suivent pas les bonnes consignes. Résultat, il se trouve qu’au moment de donner, de préparer à manger pour les plus petits, ces derniers se trouvent exposés.


Il est donc important de cibler beaucoup plus les messages de sensibilisation pour ces catégories de personnes : enfants, adolescents et ceux qui s’occupent d’eux si on veut éviter les contaminations des enfants. Ces consignes doivent être également suivies en milieu scolaire.

Malgré la propagation de l’épidémie, des Comoriens nient encore l’existence du choléra. D’où viennent ces théories complotistes ?


Je ne peux m’avancer dans un tel terrain, mais le message que je voudrais porter est que ce n’est pas la première fois que nous faisons face à une épidémie de choléra. Donc on ne devrait pas nier l’évidence, ni penser à des complots, encore moins envers cette maladie qui nous prouve très rapidement qu’elle est bien là. Les signes sont bien visibles, il ne faudrait pas attendre qu’il y ait beaucoup de décès avant de se dire qu’on avait tort.

Qu’est-ce qui selon vous met à mal le plan de riposte du pays ? Devons-nous craindre le pire dans les semaines à venir ?


Le plan de riposte est bien établi au ministère de la Santé. Il faut maintenant le mettre en œuvre et mener les activités en suivant ce qui est dit dans le plan. Le ministère de la Santé est bien outillé pour répondre à cette épidémie avec la collaboration des partenaires. En revanche, si la population ne répond pas favorablement à l’appel des techniciens de santé et ne prend pas les précautions qu’il faut, on pourra éviter les décès en milieu hospitalier mais peut-être pas la survenue des cas.

Et donc… ?


Il faut mettre l’accent sur l’éducation de la population sur les risques, les symptômes et l’adoption des mesures préventives qui pourront réduire la propagation de la maladie et améliorer les chances de survie.


Il faudrait ensuite que tous les cas suspects se rendent tôt dans les structures sanitaires les plus proches pour se faire dépister au moindre signe et éviter les complications. Tous les contacts des personnes atteintes, devraient être ouverts aux équipes qui viennent les investiguer, les sensibiliser, désinfecter leurs domiciles et leur donner le médicament de prévention. Du coté sanitaire, une réponse rapide et coordonnée pourra limiter la propagation de la maladie et sauver des vies.

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