Des centres de santé enregistrent un bon nombre de décès maternels ces dernières années. Les cas augmentent plus particulièrement au Centre hospitalier de référence insulaire (Chri) de Hombo à Ndzuani. Selon un anesthésiste-réanimateur, la première cause de décès maternels est d’abord “le manque de leadership” dans la conduite des politiques en matière de santé de la reproduction. Et, selon ses informations, en majorité, «les hémorragies, la toxémie gravidique et les périnatals (les infections au cours de la grossesse période, environ 6 mois et le septième jour de vie après la naissance)» sont citées parmi les causes principales de ces décès liés à 3 retards.
Apporter de solutions pour sauver des vies
Ces décès ne seraient pas expliqués. Il y a quelques années, explique-t-on, «la cause des décès était connue et anticipée par la mise en place d’un audit, réalisé et discuté». Des professionnels déplorent “la fin” de ces audits dans les centres de santé qui auraient permis, selon eux, de détecter les problèmes et d’apporter des solutions pour sauver des vies. «Les femmes décèdent suite à des complications survenues pendant ou après la grossesse ou l’accouchement», souligne l’anesthésiste-réanimateur qui s’est confié à Al-watwan.
La plupart de ces complications apparaissent au cours de la grossesse et pourraient être évitées ou traitées. «Nous avons fait le constat. Trois causes de décès liés sont à l’origine des décès maternels : les hémorragies, la toxémie gravidique et les périnatals. Ils sont également liés à trois retards. Un retard communautaire : qui est le temps de réaction de la communauté ou du malade. Un retard d’infrastructures de prise en charge : le manque d’infrastructures ou de matériels de prises en charge. Et pour finir, un retard du système de soins : un retard de réactions du personnel médical. Beaucoup de décès sont liés à ce troisième retard», confie un spécialiste sous couvert d’anonymat qui précise que «les gynécologues et autres privilégient la consultation ou la prise en charge dans leurs cabinets privés, laissant les malades sans moyens face à eux-mêmes».
Il n’est pas étonnant que des décès maternels clandestins aient lieu dans la communauté. «Les chiffres des trois années sur les décès maternels sur l’île de Ndzuani varient. Nous avons enregistré dans l’île 14, 15 et 13 décès maternels ces trois dernières années respectivement en 2020, 2021 et 2022. Ce ne sont pas que les chiffres du Centre hospitalier de référence insulaire (Chri) de Hombo, mais de toute l’île. Pour ce qui est des principales causes, nous avons les hémorragies, l’éclampsie, l’embolie pulmonaire et les infections. Pour éviter cela, il nous faut un personnel bien qualifié et motivé. Ce dont nous avons besoin, ce sont des sages-femmes, des gynécologues, des réanimateurs, des anesthésistes, des médecins généralistes, des infirmiers diplômés d’état et bien sûr des équipements et des médicaments», fait savoir Faizla Abdallah Saïd, la responsable en charge de la santé de la reproduction à la Direction régionale de la santé (Drs) à Ndzuani.
Un rapport d’études de fin d’année
Interrogée sur la pratique des audits après les décès, elle explique : «effectivement, nous essayons de faire les audits des décès même si difficilement faute de moyens. Et c’est dans ce sens qu’on peut avoir les recommandations pour une meilleure prise en charge et enfin réduire le nombre des décès maternels à Ndzuani. Le ministère de la Santé avec l’appui de nos partenaires fait de son mieux pour la santé de la mère et de l’enfant», fait-elle savoir. Les personnes rencontrées lors de notre enquête sur ce sujet nous guident vers un document de fin d’études, à la bibliothèque de l’École de médecine et de santé publique (Emsp) dans le département des soins Infirmiers et obstétricaux. C’est dans la conclusion d’un travail de fin d’année intitulé «Études des décès maternells au Chri de Hombo du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015», présenté par deux étudiantes pour l’obtention d’une licence présentée en 2015-2016, qui a servi de support pour nos informations.
La recherche relève que «la mortalité maternelle, au Chri de Hombo, a baissé suite aux audits réalisés après chaque décès maternel. Ces décès intéressent en grande majorité des femmes mariées, de moins de 35 ans, ménagères résidentes dans les régions d’accessibilité routière facile. À leur admission, elles étaient presque à terme ou avaient déjà accouché avec un état clinique compliqué lié au retard du transfert et qui explique la courte durée de séjour enregistrée avant leur décès. La plupart d’entre elles étaient sans antécédents, néanmoins des facteurs de risque gynéco-obstétricaux ont été retrouvés notamment l’âge supérieur à 35 ans, la grande multiparité et surtout le défaut de soins prénatals».
Les deux étudiants ont également révélé les causes immédiates de ces décès enregistrés à Hombo. «Les causes de ces décès étaient dominées par l’hémorragie suivie de l’éclampsie, de la pré-éclampsie et de l’infection. La diminution des cas de décès au Chri de Hombo, est le résultat des revues cliniques des décès maternels instaurées depuis 2014. Toutes ces femmes ont subi un retard à l’accès aux soins et le retard lié aux soins concerne presque la totalité», lit-on dans la conclusion. Les Comores étaient pourtant bien notées en matière de politique de réduction de la mortalité maternelle (Omd 5) depuis 2015. C’est d’ailleurs le principal domaine réussi par les autorités sanitaires nationales, selon le bilan-pays sur la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) remplacés la même année par les Objectifs de développement durable (Odd) qui placent la santé et le bien-être en première ligne.Par Ahmed Zaidou (Stagiaire)