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Enfants porteurs de handicap I Un centre d’apprentissage pour leur inclusion

Enfants porteurs de handicap I Un centre d’apprentissage pour leur inclusion

Santé | -   Nassila Ben Ali

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Les enfants porteurs de handicap ont enfin leur propre école à Moroni. Le premier centre de formation qui leur est dédié accueillant des enfants autistes, trisomiques, malentendants, entre autres, est ouvert au sud de la capitale, au quartier Zilimadju. L’initiatrice du projet, Hachimia Saïd Hassane Maoulana*, est une ancienne enseignante de l’École française. Elle a choisi de quitter la France et s’installer au pays pour leur permettre une meilleure inclusion. Actuellement, le Centre Anfia Ibrahim compte 21 enfants inscrits, garçons et filles âgés de 5 à 24 ans. Ils y apprennent le français, l’anglais et l’arabe ainsi que d’autres matières favorisant socialisation et insertion.

 

Un jour ouvrable de la semaine, il est 8 h 15. Je suis dans la banlieue sud de Moroni, précisément dans la zone dite de «fundi Djelani» au quartier Zilimadju. Quand je suis entré dans la cour du Centre Anfia Ibrahim, j’ai vu plusieurs enfants et de grandes personnes jouer ensemble. Je suis bien au centre où sont suivis des enfants en situation de handicap, nés autistes, trisomiques, malentendants ou avec des malformations physiques, mais je croyais que ce n’était pas encore l’heure d’entrer en classe et qu’ils jouaient avec leurs parents ou accompagnateurs. “Hé toi ! Reviens ici”, “Assieds-toi”, “Prends le ballon”, “Donne la voiture à ton frère”, “Arrête de courir”… Les voix se mêlent et s’entremêlent dans la cour. Une ambiance particulièrement joviale et bonne à vivre.

Une malformation physique

Près d’une demi-heure plus tard, un homme arrive avec un enfant handicapé physique. Saïd Hassane Ali Abdou – nous nous sommes présentés – vient de Bahani ya Itsandra avec son fils de 17 ans, Elhad Saïd Hassane. L’âge et la taille de l’enfant présent devant moi. “Je suis parmi les personnes heureuses suite à l’ouverture de ce centre. J’ai eu cet enfant et jusqu’à lors, avec sa mère, nous ne savions pas quoi faire”, me confie-t-il avant de compléter : “Jusqu’à ce que cet ange vienne avec l’idée d’ouvrir ce centre”. Le père d’Elhad s’affiche fièrement que “J’étais le premier à inscrire mon fils ici. C’est la deuxième année. Ce sont des enfants comme les autres. Ils sont contents de venir à l’école”. Ainsi, il évoquera aussi la tristesse qui s’empare de son fils les week-ends qui ne sont pas des jours d’école.

Hommage à la fondatrice du centre

Saïd Hassane Ali Abdou rend hommage à l’initiatrice de cette idée de mise en place d’un tel centre d’éducation dédié aux enfants en difficultés physiques et mentales. Il appelle, à cet effet, tous les parents qui ont des enfants trisomiques ou autres handicaps à inscrire leurs progénitures à ce centre. “J’espère que dans un futur proche, un autre centre verra le jour pour les enfants comme le mien”, a-t-il souhaité.


Une sonnerie retentit et mit fin à notre discussion. C’est l’heure d’entrer en classe. La directrice et enseignante, Hachimia Saïd Hassane Maoulana, aidait les autres enseignants à faire entrer les enfants dans la salle d’apprentissage. Un exercice épuisant étant donné que certains voulaient trainer encore dans la cour pour jouer.
Je me suis rapproché de la responsable de l’établissement, en ce moment, pour me présenter. Hachimia a donné au centre d’apprentissage le nom de sa grand-mère maternelle, Anfia Ibrahim. À l’en croire, celle-ci l’a beaucoup aidée dans sa vie. C’est donc une sorte de reconnaissance aux efforts fournis pour son éducation.

Un programme d’enseignement adapté

Ce sont en tout 21 enfants paranormaux qui fréquentent le Centre Anfia Ibrahim. Le benjamin a 5 ans, alors que le plus grand est un jeune adulte tétraplégique de 24 ans. La plupart des enfants ont entre 14 et 16 ans. Les garçons, ont entre 5 et 24 ans et les filles, elles ont entre 9 et 14 ans, indique la directrice du centre. “Pour moi, ce n’est pas l’âge qui compte mais les capacités”, insiste-t-elle, précisant que ces enfants sont suivis dans leur scolarité, comme les autres enfants, mais à leur rythme. “Je fais ce que les autres écoles devraient faire. La différence est qu’ici ce sont eux qui font le programme”, a-t-elle expliqué démontrant que, par exemple, si l’on travaille une lettre, on la travaille dans le livre, mais également avec des images, des formes. “Ils ont besoin de toucher la lettre toute la semaine. Ils vont voir la lettre.

Après les jeux, la salle de jeux, ils reviennent s’asseoir. On s’adapte à eux, ce n’est pas l’inverse, car ce ne sont pas des enfants ordinaires”, a précisé Hachimia Saïd Hassane.Le centre enseigne l’arabe et l’anglais en plus du français. Cependant, leur niveau en mathématique n’est pas mal, selon la directrice qui explique qu’il ne s’agit pas “des mathématiques ordinaires”. “On fait les maths avec des objets. J’utilise la méthode Montessori qui est basée sur la liberté de l’enfant dans le choix de ses activités. C’est l’apprentissage par l’expérimentation et l’autonomie. C’est une pédagogie qui apprend à faire tout seul”, a-t-elle fait savoir.

L’aide précieuse des joueurs de Cœlacanthe

Hachimia Saïd Hassane Maoulana emploie sept autres personnes, des jeunes qui viennent de terminer leurs études à l’Université. Ils travaillent en alternance dans la semaine. Selon elle, il y a ceux qui travaillent trois jours et d’autres qui font 2 ou 4 jours par semaine. “Je ne peux pas être toute seule. C’est pourquoi je les recrute en stage d’abord de trois mois avec la décision. En tout cas, ils sont payés. Ils reçoivent le minimum et après ils sont payés normalement selon les horaires de travail”, a-t-elle expliqué.La directrice du centre, étant formée pour le métier à l’extérieur, assure leur formation sur place pour mieux travailler.

 

Cependant, consciente que le travail, fourni en ce moment, est loin d’être suffisant, Hachimia Saïd Hassane Maoulana veut l’ améliorer et garde beaucoup d’espoir. Toutefois, elle est seule actuellement dans cette entreprise, elle garantit les charges avec son propre financement, notamment pour payer le loyer. Sa seule bouffée d’oxygène provient de ses amis.Le Centre Anfia Ibrahim a ouvert ses portes il y a de cela deux ans, mais c’est depuis juillet dernier qu’il a instauré officiellement des frais de scolarité mensuels. Fixés à 30.000 francs, soit 60 euros, mais “tout le monde n’arrive pas à payer. Il y a ceux qui arrivent à donner la moitié. Il y a ceux qui n’arrivent même pas à amener le goûter. Je ne peux pas les décourager. Mais des amis nous aident, par exemple des joueurs de foot de l’équipe nationale ”, a-t-elle souligné.

Ces enfants abandonnés à leur sort

L’inclusion des enfants reste le principal objectif de l’initiatrice de l’entreprise. Elle veut que ces enfants soient acceptés. À cet effet, elle mise beaucoup sur l’insertion sociale pour faire en sorte que ces élèves puissent s’intégrer dans de grandes entreprises qui les accepteraient. “Ce n’est pas une école à vie. Je veux que ces enfants intègrent des écoles ordinaires, après avoir appris à s’asseoir, à patienter, à reconnaitre les lettres, à lire un peu”, a confié la directrice du centre. Elle ajoute que “l’objectif est que les gens puissent les accepter. Les comoriens oublient ces enfants dont la plupart sont cachés parce qu’ils en ont honte. Ainsi, je travaille pour que la société les accepte, les inclut”. Toutefois, elle reconnait que c’est compliqué. “ Mais c’est comme ça. Il faut plus de patience, plus de personnes pour les encadrer”, a-t-elle insisté.
Par ailleurs, la responsable du centre tient à préciser que les activités extrascolaires, telles que les sorties des enfants pour des ateliers de cuisine, pour faire le marché ou des visites à Alcamar Lodge et au Retaj pour aller à la piscine, aident à familiariser les enfants au monde.


Ces enfants font plus d’activités que dans les autres écoles, selon la directrice qui a travaillé à l’École française et dans d’autres établissements et dont les activités ne sont pas pareilles, à l’en croire. “Les enfants ont besoin de sortir. Ils ne peuvent rester enfermés. Il faut les faire sortir et rencontrer des gens”, a-t-elle insisté.Certains élèves du centre d’apprentissage peuvent intégrer après l’école ordinaire, d’après Hachimia qui compte essayer l’année prochaine avec deux de ses élèves. Elle a également le projet de placer trois grands enfants dans des sociétés en les intégrant comme stagiaires. “C’est ce qu’on appelle des stages de troisième pour savoir s’ils peuvent faire ce métier ou pas.Les grands comme Ousseine, Faïck et Rahla, j’aimerais bien les ramener chez Telma et Roushdy médias où ils vont apprendre et regarder les métiers et savoir ce qui pourrait les intéresser. Mais bien sûr, il faut des endroits adaptés, accessibles par eux. Je connais leurs qualités”, a-t-elle expliqué.
 
*Hachimia Saïd Hassane Maoulana est de père de Fumbuni et de mère
de Moroni 

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