La hernie ombilicale est une pathologie très fréquente en pratique pédiatrique africaine. Il s’agit du phénomène du nombril gonflé souvent remarqué au cours de la croissance de l’enfant de moins de deux ans. Aux Comores, cette pathologie devient de plus en plus préoccupante ces dernières années. Et s’il fût un temps où la hernie ombilicale était négligée, cela n’est plus le cas aujourd’hui.
À Ndzuani, le chirurgien-pédiatre Dhoulkamal Ahmed Achirafi a fait savoir que de 2018 à aujourd’hui, il a opéré 2 enfants de cette pathologie sur une cinquantaine de consultation. Et de souligner que “la majoritédes parents a fait le choix d’amener les enfants à Mamoudzou pour bénéficier d’une chirurgie gratuite, sachant qu’au niveau national, elle est facturée à près de 100.000 francs”.
À Mwali, le chirurgien des hôpitaux docteur Hassanaly Abdoul-anziz et le médecin généraliste traitant en chirurgie docteur Mdahoma Houssouf Nadjma disent avoir opéré plusieurs cas. “De janvier 2016 à aujourd’hui, on enregistre 33 cas d’hernie ombilicale chez des enfants de 0 à 10 ans. Et 7 cas de 11 à 20 ans”, a indiqué docteur Nadjma, médecin traitant au Centre hospitalier de référence insulaire (Chri) de Fomboni-Mwali et à la Clinique Médico-Chirurgicale de Mwali (Cmc).Pour ce qui est des données de Ngazidja, des pédiatres ont témoigné avoir eu à s’occuper plusieurs cas tout en regrettant le fait que les données ne soient pas disponibles.Le docteur Charafoudine Mohamed expliquera à cet effet que l’ hernie ombilicale est souvent due à une mauvaise fermeture du nombril et est très courante chez les enfants.
De quoi il s’agit ?
“Elle peut être douloureuse ou pas, de volume variable selon la présentation clinique (avec des hernies qu’on classe en petit, moyen ou large collet”, a-t-il précisé. Et de poursuivre : “ découverte à la naissance ou en cours de croissance, et surtout avant l’âge de 2 ans, on peut continuer à surveiller l’enfant de façon rapproché sur des rendez-vous étalés de 3 à 6 mois avec souvent, des possibilités de fermeture spontanée sans aucune intervention. Au-delà de 2 ans, l’intervention chirurgicale sera indiquée à type de “cure herniaire”, qui consiste à opérer le patient pour ainsi fermer le canal défectueux”.
Il conseillera les parents d’amener leurs enfants en consultation après l’avoir découverte pour éviter toute sorte de complications, “car plus le temps passe, plus ça s’aggrave”. Docteur Nadjma expliquera que “la hernie ombilicale se voit en cas de faiblesse de la ligne blanche au niveau de l’ombilic. Si elle n’est pas opérée, au fil du temps, le collet s’agrandit et l’ hernie devient de plus en plus énorme. Les intestins peuvent faire saillie à cet endroit et risquent de s’étrangler, ce qui devient une urgence chirurgicale”, dit-elle avant d’énumérer l’occlusion intestinale aiguë par strangulation, la nécrose intestinale et d’autres complications graves.
Et de regretter le fait que nombreux sont ceux qui ignorent de quoi il s’agit. “Toutefois, après diagnostic, c’est facile de leur expliquer les conséquences de l’ hernie ombilicale non traitée. Tout comme d’autres acceptent le traitement difficilement. Tout le monde a peur des opérations. C’est pour cela qu’il y’ a certains qui se tournent vers les méthodes plus traditionnelles et gardent espoir que la grosseur se résorbe au fil du temps”.
Les conséquences chez certains patients
Les jeunes filles notamment ne se sentent pas à l’aise de vivre avec le nombril gonflé car à un certain niveau de la grosseur, porter des habits prêts du corps ne leur est pas favorable. Zoulaihat Mounir (nom d’emprunt) jeune lycéenne de 15 ans aujourd’hui dit ne pas se sentir à l’aise dans sa peau. “J’ai honte de moi-même pour être franche.
La grosseur de mon nombril ne passe pas inaperçue surtout quand je porte des robes assez moulantes ou des habits prêts du corps. Certaines camarades de classe se moquaient souvent de moi. J’ai dû mettre une croix à certains habits comme les jeans-slim de taille haute, car si le nombril se retrouve coincé, ça fait très mal”, a témoigné cette lycéenne se demandant si cela pouvait être traité à son âge. Elle confiera avoir toujours exprimé son mal de vivre à sa mère qui lui rassurait toujours que ce n’était rien de grave et que ça finirait par disparaître au fil du temps.
Si les parents de Zoulaihat Mounir n’ont pas été sensibles à la gêne de leur fille aînée, ce n’est plus le cas de Fahma M’madi. Cette jeune maman de 5 enfants se plaint du fait qu’à 3 ans aujourd’hui, sa fille se distingue morphologiquement de ses frères. “De mes 5 enfants, trois garçons et deux filles, seule la cadette grandit avec le nombril gonflé. Ce qui me préoccupe, c’est qu’à son âge, elle pose trop de questions sur le pourquoi son nombril n’est pas comme celui de Ben son petit-frère. Je la comprends et essaie souvent de me mettre à sa place.
Quand je les habille, elle observe les autres avant de se mettre des fois à pleurer”, a-t-elle raconté rapportant qu’une fois, sa fille lui aurait dit que “des enfants du quartier, je suis la seule à être comme ça”. “Ce jour-là, je me suis effondrée. Je me sens un peu coupable. Ma mère m’avait conseillé de continuer à lui faire porter la bande jusqu’à ce que le nombril cicatrise. Mais je ne l’ai pas entendue. Il se peut que ce soit la conséquence de mon refus”, poursuivit-elle en se lamentant.Ana Saïd quant à elle n’a pas les mêmes impressions.
“Mon benjamin a le nombril gonflé. Je l’ai amené en consultation à El-marouf où ils ont proposé l’opération. Mais j’ai refusé car une parente était comme ça. Mais à 14 ans ça a repris la forme normale. Donc, j’attends qu’il atteigne cet âge-là. Et si l’on ne voit aucun changement, je verrais quoi faire. De toute façon, actuellement, il ne ressent aucune douleur. Ce qui est étrange, c’est que quand il s’endort, la grosseur disparait”, a-t-elle fait savoir.