En 2022, le bureau pays de l’Organisation mondiale de la santé a initié le programme d’appui aux organisations de la société civile, permettant à Sitara, à travers le projet « Sensibilisation, dépistage et vaccination contre les hépatites », de bénéficier de ce soutien deux années consécutives. Quel bilan tirez-vous de ces activités ?
Le bilan est extrêmement positif. Grâce à l’appui de l’Oms, nous avons pu sensibiliser plus de 3700 personnes en deux ans, former plus de 100 enseignants et professionnels de santé, dépister près de 2500 personnes et vacciner plus de 200 personnes contre l’hépatite B. Ce projet nous a permis d’identifier plus de 70 cas positifs ensuite référés pour une prise en charge médicale et de briser certains tabous en posant les bases d’un véritable mouvement communautaire autour de la prévention et de la lutte contre les hépatites virales aux Comores.
Quelle est l’île présentant la plus forte prévalence des hépatites et quelles en sont les causes selon vous ?
Selon les résultats de nos activités, l’île de Mwali semble présenter la prévalence la plus élevée notamment chez les jeunes adultes et certaines populations vulnérables. La cause serait liée à une faible couverture vaccinale surtout chez les enfants, des comportements à risque, et un déficit d’information sur les modes de transmission. L’absence de dépistage systématique et de politique nationale contribue aussi à maintenir cette situation.
Comment le projet a-t-il été perçu par les citoyens et quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de sa mise en œuvre ?
Le projet a été très bien accueilli par les étudiants et les populations clés qui ont salué l’opportunité d’être sensibilisés, dépistés et vaccinés gratuitement. Toutefois, nous avons rencontré des difficultés logistiques, notamment la prise en charge des cas positifs due au manque de moyen de diagnostics complémentaires et la non-disponibilité des médicaments. De plus, la stigmatisation de certaines populations à risque reste un défi majeur pour assurer leur pleine adhésion.
La même année 2022, Ocopharma évoquait un probable partenariat avec votre Ong pour promouvoir la lutte contre les hépatites. Deux ans après, aucun progrès n’a été réalisé. Quelles en sont les raisons ?
En effet, un partenariat avec Ocopharma était envisagé, mais plusieurs facteurs ont empêché de finaliser cette collaboration dans les délais initialement prévus. Le principal obstacle a été le manque de temps en raison de l’ampleur des activités de terrain et d’autres priorités. Cela dit, nous restons convaincus de l’importance de ce partenariat et prévoyons d’entrer en contact avec eux très prochainement pour renforcer notre lutte.
Maintenant que le programme d’appui de l’Oms a pris fin, quelles sont vos stratégies pour poursuivre vos activités ?
Nous poursuivons nos actions en recherchant de nouveaux financements pour étendre le dépistage et la vaccination contre l’hépatite B. Nos priorités actuelles sont de cibler les personnels de santé, les agents de la protection civile et des sapeurs-pompiers, les agents chargés de la collecte des déchets médicaux et les techniciens de laboratoire, qui sont parmi les groupes les plus exposés à cette maladie. Nous continuons également à sensibiliser et à accompagner les personnes dépistées, en attendant de pouvoir mettre en œuvre un programme structuré pour ces populations à risque. Nous cherchons aussi à renforcer nos partenariats locaux et internationaux pour la lutte contre cette maladie.
Le pays ne dispose d’aucune stratégie de lutte contre les hépatites virales. Comment les personnes dépistées positives sont-elles prises en charge ?
Actuellement, les cas positifs sont référés vers les services spécialisés, principalement le service des Ist/hépatites virales. Toutefois, l’accès aux examens complémentaires et au traitement est limité et coûteux pour la majorité des patients. Cette situation démontre l’urgence d’adopter une stratégie nationale et d’intégrer la prise en charge des hépatites dans les dispositifs de santé existants.
Compte tenu de l’impact de votre projet, avez-vous tenté d’entrer en contact avec les autorités pour l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre les hépatites ?
Nous avions effectivement prévu d’engager des démarches officielles à ce sujet. Cependant, en raison des urgences opérationnelles liées à la mise en œuvre de nos activités, nous n’avons pas encore pu organiser ces rencontres stratégiques. Nous sommes toutefois déterminés à le faire très prochainement car nous considérons que l’élaboration d’une stratégie nationale est indispensable pour lutter efficacement contre cette maladie.
En dehors de la lutte contre les hépatites virales, dans quels autres secteurs Sitara intervient-elle ?
Sitara intervient dans plusieurs domaines complémentaires : la prévention des maladies transmissibles et non transmissibles, la santé maternelle et infantile, la santé reproductive, l’éducation pour la santé et le changement de comportement, la nutrition et les soins infirmiers et obstétricaux à domicile. Nous œuvrons pour une approche intégrée et de proximité, répondant aux besoins réels des communautés comoriennes.
Que retenir du partenariat Oms/ Osc ?
Initialement, le bureau-pays de l’organisation mondiale de la Santé travaillait directement avec le ministère de la Santé. Cependant, après avoir constaté qu’elle n’avait pas assez d’impact sur le terrain et vu le retard dans certaines activités, le directeur général de l’Oms a mis en place en janvier 2018, un comité devant réfléchir sur le comment travailler avec les organisations de la société civile de manière à œuvrer avec eux dans la promotion de la santé publique. Ainsi, le bureau de l’Oms aux Comores a lancé, en novembre 2021 un recensement des Osc œuvrant dans le domaine de la santé, les formant dans l’élaboration et la mise en œuvre de projet à impact.
Au terme de ce processus, un financement d’un montant de quarante-deux millions quatorze mille cent vingt-cinq francs comoriens (42 014 125 Kmf) a été octroyé à quatre (04) projets. L’Accf avec son projet «Mise à l’échelle des activités de prévention des cancers du sein et du col en Union des Comores», a été financé à 10 806 500 Kmf. L’Ong Adde à Ndzuani avec son projet «Amélioration de la santé bucco-dentaire auprès des filles et garçons des écoles primaires publiques des quartiers vulnérables de Chiwé, Sangani et Chitsangani», est financé à 10 916 125 Kmf. L’Association Sitara portant «Formation de sensibilisation et dépistage sur les hépatites virales aux Comores», a bénéficié de 9 700 000 Kmf et Caritas Comores portant «Appui à la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile en milieu rural de la Grande Comores», à 10 898 000 Kmf.
En 2023, neuf projets ont été soumis et seulement cinq ont été retenus avec une enveloppe de 58.889.875 Kmf. Parmi elles, des Ong comme Accf, Adde et Sitara qui bénéficiaient pour la deuxième fois consécutive de l’appui financier de l’Oms en étendant leurs zones d’interventions. Les Ong Cap et Fadesim bénéficiaient de leur premier financement. Les résultats de ces projets ont permis au pays d’avoir des données qu’ils n’en avaient pas notamment sur l’hépatite B, le Cancer chez la femme et l’hygiène bucco-dentaire. En 2024, il n’y a pas eu d’appel à projets et en 2025, l’Oms se demande comment pérenniser l’initiative aux Comores pour encore plus d’impact de sorte à ce que la communauté s’intéresse des problèmes de santé qui les entoure.