Hôpital Bernard Doucet de Mde, jeudi 8H. A notre arrivée, près d’une dizaine de patients attendent à l’entrée du service de kinésithérapie. A l’intérieur il y a quatre autres, parmi lesquels deux nourrissons sur des lits. Ce service est parmi les plus fréquentés de cet hôpital. Soilih Youssouf, infirmier kinésithérapeute est à l’accueil. Il enregistre les patients qui arrivent.
Un paravent sépare le service d’accueil des deux lits dans cette grande salle. Le bruit d’un jouet d’enfant y raisonne. Selon l’infirmier kiné, au début, les patients venaient moins nombreux, tout comme le personnel qui avait du mal à se déplacer, mais au fil du temps ils ont pris le rythme.
Maintenant on enregistre jusqu’à 20 patients par jour, contrairement au début où nous n’enregistrions que 3 visites par jour dit-il.
Le manque de matériels figure parmi les principales difficultés rencontrées par le service de kinésithérapie. Et pour cause : des instruments se seraient “égarés” lors du transfert. Autres soucis : “nous avions du mal à diviser les salles mais nous avons installé un paravent qui sépare les lits de l’accueil”. Notre interlocuteur a déploré le manque de service de maintenance. Si bien que des produits d’hygiène comme les gants ou encore le savon doivent être “commandés” à El-maarouf.
Et puis les draps. Il n’y en a pas suffisamment, “si bien que nous sommes obligés de demander aux patients d’en ramener”.
Nous poursuivons notre chemin. Direction le service de stomatologie, six patients, dont une allongée sur un banc attendent l’arrivée du médecin. Infirmiers et aides-soignants s’affairent à l’intérieur. Farida Said Abdou, major du service nous en dresse l’état des lieux. Selon elle, le service ne reçoit pas assez de patients, “en tout cas pas comme à Moroni”. “Au début, on recevait un à deux patients, des fois on n’en recevait aucun, maintenant on reçoit entre 15 et 18 patients par jour. Alors qu’à El-Maarouf, nous en enregistrions jusqu’à 30 de façon quotidienne” dit-elle.
Absence de service de maintenance
Outre la baisse de la consultation, la major de service doit se débrouiller “pour aller chercher ce qui manque à Moroni ; nous n’avons pas de voiture à notre disposition. Le seul véhicule que nous ayons est l’ambulance”.
Madi Halima attend dehors sur un banc. Elle se couvre le visage avec son châle, peut-être gênée. Visage fermé, elle répond à nos questions. Elle est venue de Djomani ya Mbude tôt ce matin. Elle est arrivée à Mde à 7H35. A 8h35, le médecin n’est pas encore arrivé. Mais elle dit avoir la force de patienter encore, malgré le fait qu’elle ait très mal. “À El-maarouf, le docteur arrivait tôt, mais il y avait toujours trop de monde, des fois on partait sans même l’avoir vu” se souvient-elle.
Au service de médecine B qui se tient un peu en retrait, une passation de service y est effectuée. Les patients et leurs gardes somnolent. La chaleur sans doute.
Moinaheri Ali, infirmière et contractuelle estime que les patients se présentent en masse et les médecins font leur consultation régulièrement. Le service emploie 5 médecins, mais seulement trois se présentent à Mde. Les consultations se font à Moroni et l’hospitalisation ici.
Dix malades y sont en moyenne, hospitalisées. Ici la différence avec le Centre hospitalier de référence est criante. Avant sa démolition, une trentaine de patients pouvaient y séjourner. Ici aussi, le manque de moyens de transport à la disposition des employés est décrié. “Tous les jours, je viens de Simbusa et de là je dois d’abord me rendre à Moroni avant de venir ici, ce qui fait qu’avec les embouteillages, je viens parfois en retard”, a-t-elle regretté.
En attendant mieux
Par contre, l’alimentation électrique est assurée et oh miracle, l’eau coule. Elle y coule même à gogo. Même si le centre connait des coupures, elles restent rares et surtout il y a un groupe électrogène.
Pour ce qui est de la pharmacie, elle est sous équipée et les patients ou leurs familles doivent faire des aller-retour dans la capitale. L’officine n’a pas de service de nuit, ce qui est extrêmement délicat. Il n’y a pas non plus moyens que les malades puissent y effectuer toutes leurs analyses.
Le service de médecine B emploie 9 infirmiers plus 7 aides-soignants. Mais ce nombre est réduit par rapport à nos activités. “Nous devons avoir une équipe matinale, une autre pour l’après-midi et une autre qui vient à partir de 21h, donc nous devrions être 24 au minimum” précise l’infirmier Bakar Mhadjou.
Zandzihoi Ahamada, hospitalisé à Mde depuis dimanche 15 octobre, soutient que les médecins effectuent leur contrôle régulièrement, de jour comme de nuit. “Les médecins font leur rondes régulièrement, même si j’aurai préféré plus d’espace, nous sommes à l’étroit”. Notre interlocutrice ajoutera même que des patients qui ont été transférés d’El-maarouf ont dû y retourner faute de places.
Le Dr Kamil Mohamed Charif du service de cardiologie indique que son service dispose d’un cardiologue plus cinq médecins qui font des tournées entre Moroni et Mde. Mais il y a le manque de service d’imagerie médicale. Il est clair qu’un patient qui doit subir un scanner ne doit pas être obligé de faire des aller-retour et doit être pris en charge dans l’immédiat. Le docteur Soihihadine Ali Bakar ophtalmologue confie pour sa part que son service d’ophtalmologie à El-maarouf était complet, contrairement à Mde où ils sont “tellement limités” et “serrés”.
Nous n’avons pas ici les mêmes conditions de travail que là- bas.
Là-bas, c’est El-maarouf. Pour effectuer une opération chirurgicale, il faut se déplacer à Moroni. En fait, ce sont les mêmes problèmes, les mêmes doléances d’un service à l’autre. Et ces employés qui ne viennent “parce que payer deux taxis au lieu d’un coûte cher au vu des salaires qui sont versés”. Il arrive au Dr Soihihadine de travailler seul.
Hôpital Bernard Doucet de Mde, peut faire mieux. Nettement mieux. Pour cela, il faut sans doute un engagement plus grand de la part des autorités. Le personnel fait ce qu’il peut avec les maigres moyens mis à sa disposition. Il fait ce qu’il peut car à l’impossible, nul n’est tenu. Sauf qu’il s’agit ici de sauver des vies.