Les responsables de la lutte contre le Sida s’accordent à dire que la principale voie de transmission du Vih/ Sida reste la voie sexuelle. Néanmoins, une enquête récente faite aux Comores indique qu’il y a une autre voie qui fait son chemin, «celle des utilisateurs de drogue injectables». Un phénomène nouveau qui se répand rapidement dans notre pays et qui est considéré parmi les principales causes de la propagation du Vih.
Le médecin référent qui assure la prise en charge du Sida et l’hépatite B, Dr Ahmed Mohamed Abdourazak, indique que le phénomène de la drogue a toujours existé aux Comores, mais qu’en général les consommateurs utilisaient de la drogue douce, à savoir le cannabis, le hachisch, mais maintenant, il y a ce phénomène de l’injection de drogue qui fait son chemin.
Selon le médecin référent, une enquête réalisée cette année, fait état de167 personnes identifiées qui prennent la drogue par injection via une seringue. La personne la plus jeune qui est dans ce phénomène est une fille âgée de 21 ans et la plus âgée un homme de 70 ans.
«Dans le cercle, on trouve plusieurs nationalités, des Comoriens, des Tanzaniens, des Malgaches, ainsi que des gens de la sous région, à savoir des Mauriciens et des Réunionnais», confie le médecin qui assure la prise en charge de la maladie. Il ajoutera que d’une manière générale, «l’approvisionnement se fait depuis Dar-es-salam ainsi que d’autres pays, mais nous avons constaté que la majorité des Comoriens qui se droguent par injection vivaient à l’île de la Réunion et l’île comorienne de Mayotte et s’y sont déjà habitués». Ainsi, parlant des moyens de transmission du Vih déjà connus dans le pays, à savoir les relations sexuelles, mère-enfant, la voie sanguine, on peut actuellement ajouter ce phénomène d’injection des drogues à partir des seringues.
Partage de sang,
danger gravissime
«Si l’on prend l’exemple de Maurice, 80% des personnes qui ont le Sida et l’hépatite B l’ont attrapé à travers les échanges de seringues», informe le médecin. Et lui d’expliquer comment ça se passe. «Normalement, on tire la drogue dans la seringue et partage la seringue et à partir de là, on peut contaminer les autres, si on a une quelconque maladie», devait-il souligner. Dr Abdourazak profite pour soulever un problème très grave encore. Il mentionne que l’enquête a révélé qu’«au niveau des Comores, une personne peut s’injecter la drogue, puis tirer le sang pour le partager avec les autres via la même seringue. Dans ces conditions, le danger est gravissime car on peut non seulement attraper l’hépatite B, l’hépatite C et le Vih, mais on peut également faire un choc anaphylactique et il peut y avoir une incompatibilité iso-rhésus».
Tendance changée
Le médecin rappelle qu’il y a plusieurs groupes sanguins. Si la personne qui a tiré le sang est d’un groupe différent des autres, il y a non seulement le risque des infections mais aussi celui de faire le choc anaphylactique par iso-immunisation pour incompatibilité du sang. Et cela peut, selon médecin, provoquer la mort. «Il se peut, selon la drogue utilisée, qu’on fasse une overdose qui peut entrainer la mort immédiatement», explique Dr Abdourazak faisant savoir d’autres phénomènes qui peuvent intervenir suite à l’injection de drogue. «La phlébite, qui est une inflammation veineuse due à la formation d’un caillot de sang surtout au niveau des pieds et qui empêche la circulation du sang peut également être constatée». Ce phénomène peut entrainer plusieurs autres infections, à savoir la gangrène, l’abcès (une infection qui se propage dans le sang) et l’endocardite (une infection au niveau du cœur).
Parmi les problèmes potentiels, on peut noter la tuberculose, entrainée par un problème pulmonaire, mais également une infection de la peau, une infection digestive ou même une infection dentaire. Le médecin rappellera que les enquêtes faites les années passées ont montré que 95% des personnes atteintes par le Sida l’ont attrapé par voie sexuelle, mais que cette donne a changé d’après l’enquête sur les personnes ciblées, à savoir les jeunes sexuellement actifs âgés entre 15 et 24 ans, les travailleuses de sexe, les homosexuels hommes et les injecteurs de drogue. «Nous devons pousser les enquêtes un peu loin pour avoir des chiffres fiables et trouver un pourcentage exacte», dit-il.
De la drogue dure
à la drogue douce
Dr Abdourazak a indiqué que le phénomène est nouveau, il a été découvert, et que les autorités ont été sensibilisées dans ce sens. «Une fois les autorités sensibilisées, elles peuvent mettre en place un programme de lutte contre les injections de drogue, soit au niveau de la direction générale de lutte contre le Sida ou à travers un autre programme», croit-il.
Il précisera que ces utilisateurs de drogues injectables ont une addiction et dans les pays où le phénomène est répandu comme le cas de l’Ile Maurice, il y a un programme de réduction des risques. «Ici, nous devons voir ces personnes comme des malades et les traiter jusqu’à les sortir de la dépendance. La première chose à faire est l’échange de seringue, si nous arrivons à identifier les endroits où ils s’injectent pour établir une confiance entre les médecins et ces personnes. On peut leur fournir des seringues gratuites pour usage propre et stérile au lieu de partager une seule seringue souillée. Chacun utilise une seringue stérile et cela évite la contamination», propose le médecin.
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