L’ouverture du Centre à l’Ama qui devait désengorger l’hôpital de Fomboni n’a pas répondu aux attentes et certains patients décrient les conditions sur place ainsi que la prise en charge (douches et nourriture en quantité insuffisante, manque de sanitaires), qu’est-ce qui explique ces insuffisances ?
L’ouverture du centre Ama est intervenue le samedi 2 janvier, et tout démarrage est souvent difficile, le centre ne répondait pas aux conditions requises au début, maintenant les choses se mettent en place progressivement. Il est vrai que l’orphelinat était doté de toilettes turques, ce qui était délicat pour les personnes âgées, raison pour laquelle nous avons installé des sanitaires à l’anglaise.
Nous reconnaissons que le personnel dépêché sur les lieux est en nombre insuffisant, nous espérons d’ici la fin de la semaine, le renforcer. Vous savez, nous avons dû rapidement faire un choix, car vous conviendrez avec moi que laisser des cas asymptomatiques à la maison n’allait pas briser la chaîne de contamination, loin de là.
Malgré l’interdiction d’entrer et de quitter l’île de Mwali, certaines personnes, comme nous l’ont confirmé le secrétaire général de votre ministère et la gendarmerie, parviennent à se rendre à Ndzuani et à Ngazidja avec tous les risques que cela comporte. Que dites-vous sur ce sujet ?
Nous faisons face à un problème aigu qui est celui de la porosité de nos côtes, notamment pour ce qui est des personnes quittant Mwali pour les autres îles, même si le phénomène est plus remarquable à Ngazidja. Malgré les restrictions, des dizaines de Mohéliens sont interceptées par les forces de l’ordre le long des côtes grandes-comoriennes. Ce mercredi, nous avons placé 29 personnes venant de Mwali à l’hôpital de Samba, 6 se sont révélées positives à la Covid-19. Nous allons renforcer la sécurité tout au long de nos côtes.
Si les autres îles venaient à être contaminées, ce serait catastrophique, nous devons prendre garde.
Au niveau de Ndzuani et Ngazidja justement le nombre de cas est en légère hausse, est-ce lié au virus qui sévit à Mwali ?
Il y a des cas en provenance de Mwali mais cela fait un moment que les mesures barrières ne sont plus respectées. Je ne peux pas confirmer pour le moment que c’est lié à Mwali même si le chiffre des cas actifs en provenance de cette île est inquiétant.
Effectivement, il y a eu un laisser-aller depuis plusieurs mois au niveau des mesures barrières, tout est à mettre en place à Mwali comme s’il s’agit de la première vague alors que c’est la deuxième, n’y a-t-il pas une part de négligence de la part des autorités ?
Évidemment, nous avons constaté que la population ne respecte pas les mesures barrières pourtant pour vaincre cette maladie, leur respect est primordial. Nous tenons à préciser qu’à Mwali, les femmes représentent à elles seules 53% des contaminations, parce qu’elles sont plus réticentes à porter le masque que les hommes. Il faut qu’elles se protègent, avec les hommes également pour casser la chaine de transmission. Si la maladie continue sur cette lancée, il y aura un rebond des cas, et ce sera très grave pour les Comores.
Qu’en est-il du vaccin ?
Nous sommes en train de préparer les documents. Nous espérons qu’il sera disponible d’ici juin même si rien ne nous garantit qu’il le sera.
Cela fait trois semaines que l’on doute que le virus qui sévit à Mwali soit le variant sud-africain, mais jusqu’à présent aucun échantillon n’a été envoyé à l’étranger pour le séquençage du virus, n’est-ce pas un peu tard ?
Pour ce faire, il y a des procédures qui sont longues à respecter. Nous avons été en contact avec l’Oms et d’autres partenaires pour la voie à suivre. Nous penchions au début pour un séquençage en Afrique du Sud mais finalement nous avons opté pour Nairobi, au Kenya. L’envoi devrait être effectif d’ici quelques jours. Maintenant le virus qui sévit à Mwali pourrait être le variant sud-africain comme il pourrait avoir muté entre nos frontières. Gardons-nous de toutes conclusions hâtives.
Envisagez-vous d’ouvrir des hôpitaux de campagne, pour soulager le Chri de Fomboni ?
Pour le moment, la question n’est pas sur la table. Mais si on constate que les cas augmentent, nous serons obligés de chercher une autre solution, comme envoyer les malades dans un district sanitaire avec une capacité de plus de 50 lits. Le problème qu’il convient de résoudre de toute urgence est le renforcement du personnel soignant qui lors d’une réunion a fait savoir qu’il avait besoin 8 médecins et 8 infirmiers en urgence. D’ici la fin de la semaine, nous tâcherons de répondre à cette demande.
Comptez-vous ouvrir d’autres centres, en plus de celui d’Ama ?
Si les cas augmentent, nous serons obligés de le faire. Mais pour l’instant, la capacité d’accueil du centre de l’Ama n’est pas atteinte.
A part Djwayezi, avez-vous identifié un autre cluster ?
Oui, un autre cluster a été identifié à Fomboni.
Envisagez-vous d’augmenter les lits de réanimation et les respirateurs à Mwali ? Si c’est le cas, quand ?
Le problème qui se pose à Mwali est relatif à l’oxygène médical. Normalement, le Centre hospitalier régional insulaire (Chri) produit 6 bouteilles d’oxygène par jour mais à cause de problèmes techniques, la production est divisée par deux. Nous avons déjà acheminé 7 bouteilles pour éviter de mauvaises surprises. On se prépare à envoyer un autre équipement dans les prochains jours. Pour le matériel, nous avons tout en stock.
En revanche, un problème peut se poser : nous avons des conteneurs de médicaments au port de Longoni et il faut qu’ils nous parviennent le plus vite. Vous savez, nous avons des patients positifs à la Covid-19 mais qui ont d’autres pathologies, et c’est nous qui les prenons en charge, si les conteneurs n’arrivent pas rapidement, nous pouvons avoir quelques soucis. Mais tous les médicaments relatifs au traitement de la Covid-19 sont disponibles.
Nourina Abdoul-Djabar