Mitsamihuli-mdjini, chef-lieu de la région de Mitsamihuli, est située à une quarantaine de kilomètres de la capitale Moroni, au Nord-Ouest de Ngazidja. L’Hôpital Pôle (HP) de la ville, installée face à la mer à l’entrée Ouest de l’agglomération, grouille de monde à 10 h 30 mn du jeudi 9 septembre. Devant les différents services, des longues files d’attente se forment et s’allongent à l’arrivée, au fur et à mesure, des patients avec leurs accompagnateurs pour certains.Ces hommes et femmes, enfants et adultes font la queue pour consulter un médecin.
Dans le hall de la Chirurgie, Mmadi Abdou et son épouse viennent de Maweni-ya-Mbude pour une consultation chez le médecin du service. Le couple ne se plaint pas de l’accueil reçu malgré quelques incommodités. «Nous avons été bien accueillis même si on a dû attendre pendant quelques heures. C’est rien par rapport à la manière dont il nous a reçus pour consultation», se sont-ils réjouis.Mais non loin de là, devant la porte du service d’imagerie médicale, le ton n’est pas du même registre.
Abdou Abdillahi, accompagnateur d’un malade à qui son médecin traitant a prescrit une échographie, regrette toutes ces heures d’attente. Il se dit même qu’il aurait mieux fait de se rendre à Moroni. «Nous sommes ici depuis 6 h du matin pour faire une échographie et il est déjà 11 h. Le docteur est venu très tardivement ma malade est déjà fatiguée car elle a vraiment du mal à rester longtemps assise «, fait-il savoir.Le HP de Mitsamihuli reste toutefois appréciable dans une moindre mesure pour la propreté des lieux. Seule l’odeur de l’alcool se mêlant aux cris des enfants et aux gémissements des adultes vous accueille aux Urgences, lieu de passage obligé du plus grand nombre de malades admis en hospitalisation interne.
Un manque de moyens se fait sentir
L’hygiène est maintenue dans presque toutes les chambres de la Maternité et de tous les autres services, en dépit d’une literie rouillée dans sa quasi-totalité.
Point d’odeur nauséabonde en tout cas. Pour laisser l’air pur circuler, des volets sont restés ouverts même dans des chambres inoccupées afin de conserver une bonne aération. Néanmoins, un manque de moyens se fait sentir. Le personnel de l’hôpital recense le manque de certains équipements et matériels nécessaires. Le directeur général de l’établissement ne dément pas les propos de son persnnel. Zain-El-Abidine Abdallah affirme que tous les services font face à un manque considérable d’équipements. Il soutient, en outre, que ces problèmes impactent le bon fonctionnement de certains services. «Il en manque plusieurs au bloc opératoire, au service Anesthésie, en salle de soins et dans les salles d’hospitalisation. Le service de Stomatologie n’a pas de radiographie pour les dent», énumère-t-il.
Un hôpital souffrant d’informatique
À en croire Zain-El-Abidine Abdallah, «le service de radiographie est le seul à être mieux loti, cependant il y manque un pétrographe, l’appareil qui sert à imprimer les clichés». Autre souci relevé par le directeur de l’établissement hospitalier, son administration n’est pas encore informatisée à l’ère du numérique. «Il n’y a pas d’ordinateurs de travail ici. Chacun apporte le sien. Les conséquences c’est qu’il n’y a pas d’archives dans le centre. Celui qui part, s’en va avec les données de l’hôpital».
La major de la Maternité, Laila Himidi, met sur la table un autre problème majeur. Le besoin d’un gynécologue est le plus urgent pour elle. Car «ça fait un temps qu’on ne prend en charge que les accouchements les plus simples. Mais en cas de légères complications, on est obligé de se référer à Moroni «, précise-t-elle. Le directeur général de l’hôpital rassure qu’une solution sera trouvée dans les brefs délais après s’être entretenu avec le ministère de la Santé.
Major Laila Himidi signale aussi l’absence de plusieurs instrumentet autre appareils à la Maternité mais «on essaie de fournir le maximum d’efforts dans notre travail. D’ailleurs, la salle d’accouchement est dotée de trois tables d’accouchement en open spece, elles ne sont séparées par aucun paravent. Ce qui fait que chaque patiente vit les douleurs de l’autre, en cas de deux ou trois accouchement».
Manque de ressources humaines
La particularité à l’Hôpital Pôle de Mitsamihuli : les consultations prénatales se font gratuitement. Seulement, Laila Himidi constate plusieurs cas de femmes en phase d’accouchement qui n’ont jamais été consultées. «Ce qui fait le plus honte, c’est qu’elles sont de la région», se désole-t-elle. Le directeur de l’établissement reconnait le manque de ressources humaines qui impacte fortement le fonctionnement du centre. Selon Zain-El-Abidine, le HP emploie en tout 37 agents, ce qui représente 30% des effectifs nécessaires.
Les 70% du personnel sont des contractuels. «On n’a que deux médecins fonctionnaires. Ce qui est vraiment insuffisant dans un hôpital comme celui-ci», déplore-t-il.Un déficit en ressources humaines que vit quotidiennement le personnel. L’infirmier anesthésiste du centre, Ahmed Ali Itrisso, communément appelé Itrisso, se plaint du fait qu’il travaille toujours sous haute pression.
Besoin d’une subvention de 2 millions Kmf
Il est seul et doit se sacrifier pour le travail. «Je suis disponible à H24, alors qu’il n’y a aucune motivation. L’indemnité des gardes est forfaitaire. Si on s’y met c’est uniquement pour le bien de la population», aime faire savoir l’infirmier Itrisso.
Le laboratoire d’analyses médicales ne fait pas exception dans ce lot de difficultés inhérentes à la bonne prestation des services. Le major du service, Omar Taoufik, confie que dans le laboratoire, ils font tout le nécessaire pour satisfaire les patients. Sauf que «des fois, il peut arriver que certains appareils tombent en panne. La réparation peut prendre deux jours, tout comme elle peut prendre une semaine», fait-il observer. Justifiant que «dans ce cas, on trie les analyses et on fait les plus simples en leur suggérant d’aller faire les autres ailleurs».
En effet, résoudre ces difficultés en matière de ressources humaines et d’équipements et matériels manquants, fait appel à une mobilisation de fonds. Or, l’hôpital «ne bénéficie d’aucun apport de l’État». Et les revenus mensuels des prestations n’arrivent pas à couvrir les dépenses. Surtout du fait que «l’on se doit de payer pratiquement 70% du personnel, payer toutes les dépenses de l’hôpital en eau, hygiène, électricité, assainissement, et en réparation de tout genre, notamment la plomberie», détaille Zain-El-Abidine.
Le directeur insiste que son établissement n’a pas de partenaires qui injectent directement de l’argent dans le fonctionnement de l’hôpital.
Pour un bon fonctionnement du centre hospitalier de district, Zain-El-Abine solliciterait de l’État une subvention mensuelle de 2 millions de francs comoriens. D’après ses calculs, cette somme ajoutée aux recettes mensuelles des prestations pourrait améliorer le fonctionnement de l’établissement hospitalier.
Cela contribuerait à éviter les grèves du personnel liées aux arriérés de salaires. À sa nomination et sa prise de fonction, il y à peine deux mois, il a hérité d’une ardoise de trois mois d’impayés. Il doit assumer leur remboursement au nom de la continuité de service. Mais, «bien que je paye ces arriérés de salaires aux contractuels, les mois s’entassent. Donc, ils ont toujours des impayés».
Des projets et des financements
Cependant, le directeur de l’Hôpital Pôle nouvellement nommé se réjouit de n’avoir pas hérité de beaucoup de dettes qu’il serait contraint de rembourser. «À part les impayés des salaires, on n’enregistre pas de grosses dettes. L’institution qui nous réclame une grosse somme d’argent n’est autre que l’Ocopharma qui nous fournit les médicaments «. Le patron des lieux loue au passage la patience de ses fournisseurs en produits pharmaceutiques.
«Ils nous fournissent pour ne pas faire face à une rupture de stock en attendant de pouvoir payer», témoigne-t-il de cette confiance avant d’ajouter que «si on peut avoir d’autres dettes, c’est seulement pour de petites factures d’eau et d’électricité.»
Dans ses perspectives pour l’établissement, Zain-El-Abidine Abdallah fait savoir que plusieurs projets sont élaborés et n’attendent que leur financement pour remédier, notamment, aux besoins en matériels et à la réhabilitation de certains services de l’hôpital.
Mais d’ores et déjà certains financements sont acquis. «Au niveau de la maternité, on a déjà eu un financement japonais, à travers l’Unfpa, pour équiper entierement le service », annonce le directeur de l’établissement public qui fait état aussi d’un autre projet porté par la diaspora de Mitsamihuli en France et financé par l’Agence française de développement (Afd) et le Conseil général de Saint-Denis. Il s’agit du «projet permettant de traiter les eaux usées de l’hôpital afin d’avoir une autonomie en eau».
Enfin, le directeur de l’Hôpital Pôle de Mitsamihuli s’est réjoui de trouver que l’établissement a été doté d’une autonomie en énergie depuis bien longtemps.
Toutefois, ces installations solaires ont subi les affres du cyclone Kenneth en 2019 en emportant 72 panneaux photovoltaïques. Mais déjà le Programme d’appui au secteur de la santé aux Comores (Pasco) vient de lancer un appel d’offres pour la réhabilitation de la centrale solaire.
ParAdabi Soilihi Natidja
Photos Charane Mohamed